Le Maître des Secrets | Lord of the Mysteries | 诡秘之主
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Chapitre 225 – L’invitation
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Vol 2 : L’Homme Sans Visage / Chapitre 225 – L’invitation

La famille royale… Klein tenait la lettre qu’il avait reçue d’Isengard Stanton et se murmurait silencieusement à lui-même.

Il leva les yeux vers la fenêtre. Il pleuvait à verse et dans la rue, les réverbères à gaz diffusaient des halos silencieux.

À l’intérieur du salon, la table basse était bien rangée, avec quelques piles de journaux posées dans un coin. Le silence régnait autour de lui.

Klein s’assit sur le canapé, légèrement penché en avant, et resta là un long moment, silencieux.

Au bout de dix minutes environ, il soupira, secoua la tête, puis, d’un geste lent, jeta la lettre à la poubelle.

Il se leva lentement et, le visage inexpressif, monta à l’étage.

Dans la poubelle, la lettre d’Isengard Stanton s’enflamma sans un bruit et très vite, fut réduite en cendres noires.

Le lundi matin, Klein se plaça devant le miroir, pressa son pouce et son majeur droits sur ses tempes et les massa en y mettant un peu de force.

Cela fait, il ouvrit le robinet, se baissa et se bassina le visage. Le froid le fit frissonner.

Une fois rafraîchi, il suspendit sa serviette, redescendit au rez-de-chaussée et se prépara un œuf sur le plat bien cuit avec des toasts beurrés.

Une tasse de thé noir agrémenté de quelques tranches de citron vint bien sûr étancher sa soif et atténuer la sensation de froid qu’il éprouvait.

Son petit-déjeuner terminé, alors qu’il feuilletait nonchalamment le reste des journaux, le tintement de la sonnette retentit.

Qui est-ce ? Une nouvelle mission ? Se pourrait-il que la Conscience Collective des Machines ait déjà fini d’explorer la tombe de la famille Amon ? Non, ça ne peut pas être aussi rapide… marmonna Klein.

Il rangea sa serviette de table, ses journaux et se dirigea lentement vers la porte.

Il avait la main sur la poignée lorsque l’image du visiteur qui attendait à l’extérieur se forma dans son esprit.

Il s’agissait d’un homme âgé, tiré à quatre épingles. Sa chemise, blanche comme neige, était amidonnée et un épais gilet bleu grisâtre dissimulait son ventre. Sa longue queue de pie aux lignes soignées ne présentait aucun défaut.

Le gentleman portait une paire de chaussures de cuir brillantes, si brillantes que rien ne laissait supposer qu’il ait pu marcher sous la pluie ou dans la boue.

Il arborait une paire de gants blancs en tricot et on pouvait voir sur ses tempes des cheveux argentés. Son visage était profondément ridé et ses yeux marron clair si sérieux qu’ils ne renfermaient pas l’ombre d’un sourire.

Je ne le connais pas… marmonna Klein en ouvrant la porte.

– « Puis-je savoir qui vous cherchez ? » demanda-t-il poliment.

Le vieux monsieur ôta son chapeau, le plaqua contre sa poitrine et adressa au détective un salut des plus classiques :

– « Monsieur Sherlock Moriarty, je suis majordome et je suis ici pour vous transmettre une invitation de la part de mon maître ».

– « Est-ce que je connais votre estimé maître ? Pourquoi souhaite-il me voir ? » s’enquit Klein, la tête pleine de questions.

Mais au même moment, il aperçut une voiture garée de l’autre côté de la rue bétonnée. Celle-ci était d’un noir profond et il y avait un rideau à la fenêtre. Manifestement, elle n’avait rien d’ordinaire.

Il y a du luxe dans la discrétion… Klein regarda attentivement et vit, à un endroit bien visible du véhicule, un blason.

Les armoiries se composaient principalement d’une épée verticale pointe en bas et dont le pommeau était orné d’une couronne rouge.

… L’Épée du Jugement… C’est l’Épée du Jugement qui représente la famille royale Auguste !

Klein ayant une vague idée de qui était ce majordome, son cœur se mit à palpiter.

Il s’agit peut-être d’un Transcendant assez puissant… se dit-il.

Professionnel et sévère, le majordome ne prêta pas attention à son examen minutieux. Il afficha un sourire poli et répondit :

– « Vous n’avez jamais rencontré mon maître, mais en un sens, vous le connaissez. Vous lui avez fourni des indices sur l’organisation symbolisée par les cartes de tarot et c’est lui qui a payé. »

Je m’en doutais… c’est le personnage important dont m’a parlé Talim. Je lui ai escroqué des fonds avec de fausses informations et lui ai même soumis tous les remboursements nécessaires au vieux Kohler… Je ne peux tout de même pas refuser son invitation, surtout maintenant que Talim n’est plus là… Klein réfléchit deux secondes et demanda :

– « Est-ce suite à la mort de Talim que votre maître souhaite me voir ? »

– « Oui, Talim était son ami. Sa disparition l’a attristé, troublé et il a entendu dire que vous étiez là quand c’est arrivé », articula clairement le vieux majordome.

Non, je n’y étais pas… failli répondre Klein, inconsciemment, mais force lui fut d’acquiescer :

– « En effet, je l’ai vu mourir devant moi. »

– « C’est vraiment triste et regrettable », commenta le majordome d’un ton sincère. « Êtes-vous disposé à accepter l’invitation de mon maître ? »

Ai-je une raison de refuser ? Cela me donnerait l’air très suspect ! Peut-être même me tueriez-vous sur le champ…

Klein le regarda :

– « Il se trouve que je n’ai rien de prévu ce matin », répondit-il.

– « Dans ce cas, très bien. Je vous en prie, M. Moriarty. »

Le vieil homme s’inclina légèrement et, tendant sa main droite gantée de blanc, désigna la calèche stationnée de l’autre côté de la route.

(Soupir) Moi qui fais tout pour éviter de m’impliquer avec des personnages importants, maintenant que Talim est mort, je vais devoir affronter celui qui se cachait derrière lui… Je me demande si cela va attirer l’attention ou entraîner des vérifications plus approfondies question antécédents… Je dois me montrer prévoyant, et me tenir prêt à abandonner à tout moment mon identité et ce point d’ancrage… De plus, il va me falloir au plus vite me procurer la caractéristique de l’Ombre à Peau Humaine, les cheveux de Naga des Profondeurs et passer Sans-Visage ! Ma capacité à résister aux risques en sera alors plus que doublée !

Le détective, qui avait déjà réfléchi aux suites, mit son manteau, son chapeau et se dirigea vers la calèche aux armoiries royales.

Le domestique que le vieux majordome avait emmené avec lui ouvrit la portière.

Klein mit le pied sur l’épais tapis brun et regarda les placards de bois contenant du vin rouge, du vin blanc, du champagne, du Lanti et du Black Rand, ainsi que les verres en cristal. Un peu à l’étroit, il prit place près de la fenêtre.

Le Lanti était un alcool fort distillé à base de malt pur. Il en existait de nombreuses variétés comme le Lanti Proof, le préféré des marins. Les bouteilles exposées dans les meubles étaient manifestement de grande qualité. Quant au Black Rand, il s’agissait de vins forts distillés et mélangés à d’autres grains fermentés. Tout comme le Lanti, c’était une spécificité de Loen.

Alors que la calèche parcourait les rues humides, le jeune homme demanda d’un ton décontracté :

– « Nous nous rendons Quartier de l’Impératrice ? »

Le vieux majordome ne lui cacha rien :

– « Non, mon maître vous attend au Manoir de la Rose Rouge, à la périphérie du Quartier de l’Impératrice. »

Ça m’a tout l’air d’être le manoir de la famille royale…

Klein réfléchit un instant, puis demanda en souriant :

– « Pourriez-vous à présent me révéler l’identité de votre maître ? »

Le dos du vieil homme, qui était déjà bien droit, se redressa encore davantage alors qu’il levait le menton.

– « Il est le descendant du Fondateur et du Protecteur, le petit-fils du Porteur de Puissance, le cinquième fils de Sa Majesté. Il s’agit de Son Altesse le Prince Edessak Auguste, le Duc de Lastings. »

Klein se remémora ce qu’il avait lu occasionnellement dans les journaux et magazines au Club Quelaag.

Ainsi, c’est le troisième prince, l’avant dernier eu égard à l’âge, mais il devrait avoir environ 21 à 22 ans…

Il fallut plus d’une heure à la calèche pour, depuis un lac artificiel, parcourir les rues en direction du nord-ouest. Enfin, ils arrivèrent devant un impressionnant manoir.

À l’entrée, le détective fut inspecté par deux soldats en uniforme militaire rouge et pantalon blanc. Il ne chercha pas à cacher son étui et son revolver.

Il y avait certainement, dans l’entourage du prince Edessak, des gens capables de deviner qu’il portait une arme. Cela risquait d’aggraver les choses s’il tentait de les tromper par des illusions.

De toute façon, le prince sait que je suis détective privé. Ses subordonnés ne vont certainement pas envoyer un invité au poste de police simplement pour port d’arme illégal… se dit-il tandis que l’un des soldats prenait son revolver et son étui avec la promesse de les lui rendre à son départ.

Après deux nouvelles inspections, Klein emboîta le pas au vieux majordome. Ils contournèrent la résidence principale et arrivèrent dans une vaste zone peuplée de collines et de cours d’eau.

Seul bémol : la végétation, qui s’était desséchée durant l’hiver, n’était plus que désolation.

Plusieurs chevaux, qui arrivaient au galop, s’arrêtèrent devant eux.

Un jeune homme vêtu d’un pantalon blanc, d’une chemise cintrée, d’une tunique de cavalier de couleur sombre et chaussé de bottes noires à talons hauts descendit agilement de cheval et s’avança. Les autres le suivaient de près.

Il retira son casque et sourit.

– « Je vous rencontre enfin, Détective Moriarty. »

À la vue de l’arrivant, les yeux de Klein s’illuminèrent, non pas cause de sa beauté, mais parce qu’il ressemblait au Henry Auguste I imprimé sur les billets de cinq livres.

Edessak Auguste avait lui aussi un visage rond et des yeux fins, mais il n’avait pas du tout l’air sérieux. Au contraire, il avait toujours le sourire aux lèvres, et semblait jeune et plein d’entrain.

– « J’ignorais que c’était vous, Votre Altesse, qui m’aviez confié cette mission », répondit Klein en s’inclinant.

Le prince soupesa la cravache qu’il tenait à la main et eut un petit rire :

– « J’ai entendu dire que vous aviez joué un rôle important dans les affaires concernant le tueur en série et de l’Apôtre du Désir. Talim a eu raison de vous recommander. (Il soupira). Qui aurait pu croire qu’il disparaîtrait quelques jours à peine après la course que nous avons faite à cheval tous les deux ? Il est parti au royaume de la tempête et de la foudre. »

Depuis la fondation du royaume, la famille Auguste avait toujours cru au Seigneur des Tempêtes.

Sans attendre la réponse de Klein, il ajouta d’un air grave : « L’enquête sur la mort de Talim n’est pas passée par moi, M. Moriarty. Je voudrais que vous m’aidiez à découvrir la vérité. »

La conclusion donnée par le reste de la famille royale ? Vos deux frères aînés ? Je ne suis pas à même de gérer un tel niveau de querelles intestines… De plus, Votre Altesse, vous êtes vraiment directe… soupira Klein.

– « Je suis désolé, mais je continue à dire que Talim est mort d’un soudain malaise cardiaque. »

Le prince eut un petit rire :

– « Vraiment ? D’après les Punisseurs Mandatés, un détective du nom de Sherlock Moriarty aurait déclaré que Talim présentait des signes de malédiction. »

– « Votre Altesse, vous connaissez sans doute mes principes. Je souhaite encore vivre cinquante ans. »

– « Talim n’était-il pas votre ami ? » demanda le Prince Edessak.

Klein ne savait que répondre. Soudain, une domestique sortit à pas pressés du bâtiment principal, s’approcha du prince et lui murmura quelques mots.

Le visage d’Edessak se raidit.

– « Dites-lui qu’elle ne doit pas sortir ! »

Sur ces paroles, il fit deux pas en avant. Son air grave s’atténua tandis qu’un soupçon de douceur et d’impuissance passait dans ses yeux bleus.

« Mais je lui permettrai de quitter la chambre et de se promener librement dans le manoir. »

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