Le Maître des Secrets | Lord of the Mysteries | 诡秘之主
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Chapitre 226 – Un prince généreux
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Vol 2 : L’Homme Sans Visage / Chapitre 226 – Un prince généreux

Le spectacle qui s’offrait à lui rappela à Klein l’histoire d’amour que Talim Dumont lui avait racontée.

Un noble de ses amis était tombé amoureux d’une roturière et souhaitait absolument l’épouser. Cependant, ce mariage lui était absolument interdit dans la mesure où il évoluait dans les hautes sphères de l’aristocratie. Très contrarié par cette affaire, Talim avait même envisagé d’engager un meurtrier mais finalement, il était parvenu à convaincre la femme en question de quitter son ami de son propre chef.

Le personnage principal de cette histoire serait-il Edessak Auguste ? À tous points de vue, tout est cohérent. Pour un prince, à cette époque, épouser une roturière est pratiquement une trahison. Depuis la fondation de Loen, l’épouse d’un descendant direct de la famille Auguste a toujours été et ne saurait être qu’une noble… Ce que je viens d’entendre signifierait-il qu’Edessak a ramené cette roturière ? Et que pour la punir, il l’empêche de sortir ? L’amour véritable…

En une fraction de seconde, l’histoire d’un prince tyrannique et d’une frêle et pitoyable fleur blanche prit forme dans l’esprit de Klein.

Il regarda au loin et admira le paysage hivernal.

Le prince Edessak congédia la domestique, puis désigna de sa cravache les alentours.

– « Cet endroit n’est pas vraiment tel que vous le voyez. Au printemps, lorsque l’herbe aura repoussée, vous pourrez voir un terrain de golf de la plus haute qualité. »

– « Un terrain de golf ? » répéta Klein qui avait déjà la réponse à sa question.

Le prince fit signe à ses gardes et à ses serviteurs de s’éloigner, ne gardant près de lui que le vieux majordome et Klein.

Il fit quelques pas sur les plaines désolées et eut un petit rire :

« Oui, le golf est un sport véritablement aristocratique auquel même les propriétaires de la plupart des magazines et journaux ont grand mal à participer.

« Même si je n’aime pas Roselle, je dois admettre que ses idées fantaisistes nous ont offert un monde très divertissant. Si vous parvenez à découvrir la vérité sur la mort de Talim, cet endroit vous sera toujours ouvert. »

C’est donc bien Roselle… pensa Klein en laissant échapper un léger soupir.

Voyant qu’il ne répondait pas, le Prince Edessak poursuivit ses lamentations.

« Il y a beaucoup à apprendre de cet homme à tous les égards, mais son attitude concernant les sentiments me rend malade. Bien sûr, c’est la nature et le style de la plupart des aristocrates d’Intis, et la source de leur engouement pour le luxe et la vie de débauche. »

Regardant le ruisseau qui coulait lentement devant lui, Edessak ajouta avec une maturité qui surpassait son âge : « Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des gens ne sont pas des génies comme Roselle. Pour réussir et créer une grande entreprise, il faut d’abord savoir ce que l’on veut vraiment, être prêt à en payer le prix, ne jamais revenir en arrière et persister jusqu’au bout. »

Il avait dit cela plus lentement et riant de lui-même, il reprit : « Jusqu’à cette année, j’ai toujours cru avoir beaucoup d’attirance pour la fille du Comte Hall. Elle a un physique parfait, des manières élégantes, une importante fortune, une famille distinguée et un père très puissant. Aucun prince ne trouverait à redire la concernant, mais à présent, je sais ce qui m’attire vraiment, j’y aspire même dans mes rêves : c’est un tempérament unique et une âme profonde née de l’expérience. Je ne dis pas que Mlle Hall manque de tempérament, mais ce n’est pas ce que je veux, ce que j’admire ou aime. »

Votre Altesse, votre ton, votre attitude me rappellent ceux de Talim juste avant sa mort… Ne venez pas à mourir brusquement devant moi. Même si je sautais dans la rivière Tussock, je n’aurais aucun moyen de prouver mon innocence… De plus, avec tout ce que j’entends, il est facile de me faire taire. Voudriez-vous m’attacher à votre char…

Pour une raison obscure, Klein se sentit un peu effrayé.

Il s’éclaircit la voix et prit l’initiative de changer de sujet.

– « Votre Altesse, avec votre statut et dans votre position, vous ne manquerez certainement pas de subordonnés. Il y a beaucoup de gens prêts à enquêter sur la mort de Talim pour vous, aussi pourquoi faire appel à moi ? »

Edessak secoua la tête et eut un léger rire :

– « En tant que prince, j’ai autant de pouvoir que j’ai peu de liberté. Il y a beaucoup de choses dont je ne peux pas charger les gens qui m’entourent, car il y a trop de regards rivés sur moi.

« Vous êtes un grand détective, talentueux et intelligent et vous étiez en bons termes avec Talim. De plus, vous étiez là lorsque c’est arrivé. Je ne pense pas trouver quelqu’un de mieux placé que vous.

« Ne vous inquiétez pas, s’il y a vraiment un problème, je peux assurer votre sécurité. »

Une promesse comme celle-ci rappelle le papier hygiénique dans les toilettes… railla Klein en son for intérieur.

Avec tout ce que le Prince Edessak venait de lui dire, il avait la nette impression que s’il s’évertuait à refuser, il avait peu de chances de quitter le Manoir de la Rose Rouge.

Avec un soupir, il répondit :

– « En fait, je suis aussi en colère que vous concernant la mort de Talim, mais la réalité m’a contraint de garder mon calme. »

Edessak eut un sourire.

– « Que puis-je faire pour vous ? »

– « Des cheveux, de la chair ou du sang de Talim, plus quelque chose qu’il portait sur lui », répondit Klein.

– « Très bien, je vous les ferai porter chez vous », approuva Edessak avant de demander, intrigué : « C’est tout ? »

Le détective ne fit pas de cérémonie.

– « Je ne saurai ce dont j’ai besoin que lorsque j’aurai un début de piste. Votre Altesse, il est préférable que vous me donniez un moyen de communiquer avec vous. Un détective privé qui se rendrait fréquemment dans ce manoir ne manquerait pas d’éveiller les soupçons. »

Edessak acquiesça et comme s’il s’y était préparé, lui dit :

– « Je vais faire louer discrètement la maison voisine de la vôtre, au 13 rue Minsk. Lorsque vous aurez besoin de prendre contact, écrivez une lettre à votre nouveau voisin en prétextant une visite et mettez-la dans la boîte aux lettres. Pour ce qui est de la rémunération, sachez que je ne suis pas avare. Même si cela se solde par un échec, à partir du moment où vous apportez votre contribution et prenez le risque, vous percevrez le montant convenu. Si vous découvrez la vérité, je vous offrirai une récompense suffisante pour couvrir votre retraite. »

Ce prince fait les choses avec une grande rapidité et fermeté… La retraite, ça doit faire au moins 3 000 Livres… soupira le détective qui s’inclina :

– « Très bien, puisse l’esprit de Talim trouver la paix au royaume de la tempête et de la foudre. »

Edessak hocha légèrement la tête et demanda à son vieux majordome :

– « Reconduisez le détective Moriarty rue Minsk. »

Vous ne me retenez pas à déjeuner ? N’est-ce pas là une attitude arrogante à l’égard d’un invité ? Bon, c’est vrai que midi est encore loin… plaisanta Klein intérieurement.

Il suivit le vieux majordome jusqu’à l’entrée du manoir où il récupéra son étui, son revolver et ses balles.

De retour au 15 rue Minsk, Klein se mit à la fenêtre et regarda s’éloigner le carrosse aux armoiries royales.

Sherlock Moriarty pourrait mourir à tout moment si vraiment l’enquête se fait en profondeur… Qui sait, quelqu’un m’observe peut-être en ce moment même… Hmm, pas pour le moment puisque je n’ai encore rien fait… se dit-il, immobile, les sourcils froncés.

En cet instant, il était extrêmement impatient de passer Sans-Visage.

Je ne peux pas me permettre d’attendre que la Conscience Collective des Machines ait exploré la tombe de la famille Amon. Je dois trouver d’autres moyens de me procurer la caractéristique d’Ombre à Peau Humaine. Après tout, nul ne sait combien de temps prendront les préparatifs de la Conscience Collective des Machines. S’il leur fallait plus d’un mois, voire même six ? Ce n’est pas impossible. Ils pourraient d’abord envoyer des gens pour garder l’entrée et prendre le temps de collecter les informations nécessaires afin d’être certains que rien de fâcheux ne se produise. Ce n’est pas une mauvaise stratégie, mais je ne peux pas me permettre d’attendre…

Alors que les pensées se bousculaient, dans l’esprit de Klein, il prit sa décision.

À 14 h 45, il prit son journal, se rendit dans la salle de bains et se prépara activement pour la réunion hebdomadaire du Club du Tarot.

Trois heures pile.

Un rayonnement illusoire d’un rouge profond s’éleva tandis qu’Audrey Hall, de bonne humeur, regardait autour d’elle.

La veille au soir, la jeune fille avait enfin reçu la formule de potion de Séquence 7 tant convoitée du Psychiatre. Elle en éprouvait encore un mélange d’excitation, d’agitation et de sérénité. De plus, les Alchimistes en Psychologie, affirmant qu’il s’agissait d’une avance, ne lui avaient encore demandé aucune contribution.

Ils avaient pleinement confiance dans les excellentes capacités de “remboursement” de Mlle Audrey.

Pas de nouveaux membres…

Miss Justice se leva et porta son regard à l’extrémité de la longue table de bronze. Relevant les coins de sa jupe, elle s’inclina :

– « Bonjour, Monsieur Le Fou… Bonjour… »

Sa voix légère et joyeuse brisa le silence immuable qui régnait au-dessus du brouillard et permit à Klein – qui se sentait un peu déprimé – d’oublier pour un moment les soucis que le monde extérieur faisait peser sur lui.

Il hocha légèrement la tête et répondit aux salutations des membres.

Une fois rassise, Audrey passa en revue les personnes présentes et partant des observations qu’elle venait de faire, créa une image dynamique.

En s’inclinant, M. Pendu a silencieusement jaugé M. Le Fou avec une discrète curiosité, puis il a regardé M. Le Monde avec une certaine impatience… En d’autres termes, comme il a une relation profonde avec l’Église du Seigneur des Tempêtes, il connaît les détails de l’assassinat du Duc Negan et est au courant de la manifestation du Bandit Héroïque appelé l’Empereur Noir. Il souhaite enquêter sur la vérité cachée derrière cette affaire… Il semble y avoir une issue concernant la caractéristique Transcendante du Loup-garou que M. Le Monde lui avait confiée pour qu’il la vende et probablement a-t-il aussi trouvé une caractéristiques d’Ombre à Peau Humaine ou des cheveux de Naga des Profondeurs…

Les émotions du Soleil sont très stables et il est très détendu. Il est convaincu que la surveillance de la Cité d’argent sur lui a été levée… Sur quoi s’est-il basé pour faire cette déduction ? A-t-il été réaffecté aux fameuses équipes d’exploration ?

Fors, quoique détendue, est un peu déprimée… Elle a réussi le test que lui a fait passer ce membre de la famille d’Abraham et est devenue son élève, mais aurait-elle été contrainte d’accepter quelque chose qui lui est défavorable ?

M. Le Monde est toujours aussi froid et profond… Peut-être que lorsque je serai passée Séquence 7 ou 6, je pourrai mieux saisir ses changements émotionnels et ses pensées…

Pour ce qui est du Fou, il est toujours aussi mystérieux, puissant et insondable.

Toute à ses réflexions, Audrey regarda la silhouette enveloppée de brouillard gris :

– « Honorable Monsieur le Fou, j’ai pu me procurer trois nouvelles pages du journal de Roselle. »

C’était une copie qu’elle avait demandée aux Alchimistes en Psychologie, mais comme elle n’en avait parlé que la veille au soir, Escalante n’avait pas eu le temps, dans un délai aussi court, de lui en donner plus de trois pages.

– « Que voulez-vous en échange ? » demanda Klein avec un sourire.

– « Pouvez-vous considérer cela comme la compensation qui vous est due pour avoir répondu à ma question précédente ? » demanda franchement la jeune fille.

En disant cela, elle avait l’inexplicable sentiment de se mettre en avant.

M. le Pendu et vous autres ne connaissez toujours pas l’existence de l’Ordre des Ermites du Crépuscule !

Pfff… comme je l’envie ! Je me demande bien pour quel problème Mlle Justice a demandé conseil en privé… Dès mon retour, j’écrirai au Professeur et lui demanderai s’il a le journal intime… euh, pour le monde extérieur, c’est le carnet de notes de Roselle, se dit la romancière, soudain motivée.

Sous le regard suspicieux du Pendu, Klein acquiesça sans se soucier de rien.

– « Bien sûr. »

Audrey produisit aussitôt les trois pages fauves du journal et les transmit au Fou.

Klein les prit et se mit à les parcourir. Sur la première page, il était écrit : “13 janvier, contact avec M. Porte stabilisé.”

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