Les Chroniques d’un Pilleur de Tombes | Grave Robbers' Chronicles | 盗墓笔记
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Chapitre 20 – La formation du Dragon de Feu
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Je me souvins de la légende du Ravin Étroit et de la façon dont une armée silencieuse de Wei du Nord avait disparu dans ces montagnes. J’avais déjà une idée globale de ce qui avait dû se produire à l’époque : cette armée était en fait un détachement de soldats muets, peut-être « l’armée muette » de la dynastie des Wei du Nord dont Maître Liang avait parlé plus tôt. Ces soldats ne révélant jamais aucun secret, l’empereur leur demandait d’accomplir des tâches honteuses, comme le pillage de tombes.

Mille ans auparavant, les descendants du Royaume du Serpent avaient disparu après s’être mêlés aux Chinois Han et à d’autres groupes ethniques, mais un petit groupe d’entre eux continua à proliférer. Ils gardaient la tombe d’un certain chef enterré dans cette grotte. J’ignore comment, mais l’armée des Wei du Nord avait certainement appris l’existence d’une tombe dans cette montagne.

Ces soldats Han avaient dû s’aventurer dans la montagne, s’introduire dans les grottes labyrinthiques et pénétrer dans cette fosse sacrificielle. Les descendants du Royaume du Serpent s’étaient battus jusqu’à la mort, mais ils n’étaient pas à la hauteur de l’équipement avancé de leurs adversaires et avaient été complètement massacrés.

De toute évidence, la plupart des corps présents en ce lieu étaient les restes du peuple She, et si nous tournions en rond, c’était probablement parce que les fantômes rassemblés gardaient encore la tombe de leurs ancêtres et nous empêchaient d’approcher, nous les envahisseurs.

Si vraiment c’était le cas, il allait nous être difficile de passer. Mais si nous faisions demi-tour, ce voyage ne serait-il pas une grosse perte de temps ? Je n’avais aucune envie d’abandonner, mais si des fantômes nous jouaient des tours, nous n’avions aucune chance de gagner.

La torche, qui s’affaiblissait progressivement, vacilla plusieurs fois. La flamme était désormais aussi petite que celle d’une bougie.

Lao Yang n’essaya pas de nous inciter à poursuivre, car il savait qu’il était impossible d’atteindre l’entrée de la tombe avec des méthodes ordinaires. De plus, qu’il y ait des fantômes ou pas, nous n’avions vraiment pas assez de temps, notre torche n’allant pas tarder à s’éteindre.

― Puisque c’est un champ de bataille, poursuivit enfin Maître Liang, il est impossible que les corps aient été altérés, ce qui signifie que ce n’est pas un réseau de cadavres. Je suppose que les fantômes se jouent vraiment de nous. Il s’agit essentiellement de fantômes qui font tourner en rond (1) Connaissez-vous un moyen de passer outre ?

Démuni, Lao Yang soupira :

― Mon cousin du Shanxi dit que lorsqu’on est face à ce genre de chose, on peut y échapper en attachant un fil rouge autour de son pied gauche, mais nous n’avons rien de rouge sur nous. Devrions-nous teindre un fil avec notre sang ?

J’opposai immédiatement mon veto : 

― Pas question. Si cet endroit s’imprègne de l’odeur de notre sang, je parie que les choses vont s’envenimer. Réfléchissons et trouvons autre chose.

― Oh, dit Maître Liang, mon maître a dit une fois que le phénomène de fantôme qui fait tourner en rond ne peut se produire que dans un environnement sombre. N’avons-nous pas encore quelques fusées de détresse ? Tirez-en une et nous nous mettrons à courir le plus vite possible. Je pense que c’est mieux que d’utiliser une torche. Comme ça au moins, les fantômes ne pourront plus nous embrouiller.

Ça me paraissait logique. En effet, tant que nous savions où nous allions, nous ne pouvions pas nous perdre quoi qu’il advienne.

Je jetai un regard expressif à Lao Yang qui soupira et sortit le pistolet de détresse en marmonnant :

― Quel gâchis. 

Puis il leva l’arme au-dessus de sa tête et tira.

Alors que la fusée, telle un météore, s’élevait dans les airs, j’eus le réflexe de suivre sa trajectoire. Je m’attendais à ce qu’elle s’enflamme mais à ma grande surprise, elle n’avait pas plutôt pris son essor qu’elle heurta quelque chose. Il y eut un gros bruit, puis elle rebondit et retomba directement.

J’en eus le souffle coupé. Espèce d’idiot, me dis-je. Comment as-tu pu oublier que tu étais dans une grotte ? Si tu tires une fusée directement vers le haut, il est évident qu’elle touchera le plafond avant même de commencer à brûler.

Le projectile eut tôt fait de retomber et ne s’enflamma que lorsqu’il avait presque atteint le sol. Il s’agissait d’une fusée au pentoxyde de phosphore utilisée par les équipes d’expédition. Elle pouvait brûler pendant environ cinquante secondes à une température très élevée. En la voyant se rapprocher du sol, je sus que les choses allaient mal tourner. Et bien sûr, il ne fallut que quelques secondes après l’atterrissage pour que des flammes jaillissent.

Je donnai un coup de pied à Lao Yang et l’injuriai pour avoir agi de manière aussi irréfléchie. Heureusement qu’il n’y avait que des os à l’endroit où elle avait atterri, sans quoi nous aurions dû repartir en courant pour éteindre le feu. Mais avant même que j’aie eu le temps d’aller au bout de ma réflexion, Maître Liang m’attrapa la main et cria : 

― Messieurs, nous avons des problèmes !

Je regardai en arrière et vis qu’un mur de flammes s’était dressé à l’endroit où le petit feu avait pris naissance. Et chose encore plus incroyable, ce mur se propageait le long du chemin entre les cadavres à une vitesse alarmante. On aurait dit qu’un dragon ardent rampait dans cette sombre grotte et partout où il passait, on pouvait entendre le crépitement des os sous l’effet de la chaleur.

Devant ce spectacle, Maître Liang blêmit. Il s’accroupit pour ramasser une poignée de terre sur le sol et après l’avoir sentie, s’écria :

― Du kérosène ! La poussière est saturée de kérosène !

Stupéfait, je m’accroupis à mon tour et attrapai une poignée de terre. Maître Liang avait raison. Je ne pus m’empêcher de trembler et m’empressai d’ordonner à Lao Yang d’éteindre la torche. J’étais littéralement horrifié, je n’aurais jamais pensé que ce réseau de cadavres cachait un piège aussi puissant. C’était probablement la dernière ligne de défense mise en place par les She pour protéger les objets contenus dans le tombeau, mais malheureusement, ils n’avaient pas eu le temps de l’utiliser et finalement, c’est nous qui l’avions déclenché.

Ce fut un miracle que rien ne nous soit arrivé pendant que nous errions sur ce chemin. Si j’avais accidentellement laissé tomber la torche, nous aurions tous été carbonisés.

Le dragon de feu au loin ne montrait aucun signe de diminution. En fait, il s’était même séparé en deux chemins et les flammes étaient plus hautes qu’un homme. Toute la grotte étant désormais éclairée, je regardai autour de moi. Je pouvais enfin voir clairement la disposition des lieux. Ce réseau de cadavres était constitué d’un tas de chemins interconnectés qui tous convergeaient vers un seul point. Cela signifiait que, tôt ou tard, le dragon de feu se fraierait un chemin jusqu’à nous, aussi devions nous trouver un endroit où nous réfugier pour l’éviter.

Anxieux, je regardai autour de moi. L’espace ouvert que nous nous efforcions d’atteindre était en fait à une douzaine de mètres sur notre gauche, mais un mur de feu nous bloquait la route. La terre, là-bas, n’ayant pas l’air de brûler, c’était apparemment le bon endroit pour nous réfugier. La tête du dragon se précipitait déjà vers nous et comme nous n’avions pas le temps de réfléchir, je criai aux deux autres :

― Ne restez pas là à regarder comme une bande d’idiots ! La fosse est là ! Faisons une putain de course ! On réfléchira au reste plus tard !

Ils réagirent enfin et se précipitèrent vers l’espace ouvert, marchant sur les piles de cadavres dans leur hâte de s’échapper. Moi-même, je fus surpris de constater que j’avais du potentiel en saut de haies : je pouvais sauter d’un bond par-dessus ces figurines. Quelques secondes passèrent et je me retrouvai vite devant le mur de feu. Une vague d’air brûlant me frappa presque en plein visage.

J’avais l’intention de le traverser sans m’arrêter mais en m’approchant, je sentis la puanteur de mes cheveux brûlés. J’hésitai et tentai de m’arrêter, malheureusement, j’avais trop d’élan pour pouvoir freiner. Fermant les yeux, je poussai un cri et sautai la tête la première à travers le mur de flammes. Par chance, j’étais extrêmement rapide, mais comme mon corps était brûlant, je me précipitai au sol et me mis à rouler pour tenter d’éteindre les flammes qui s’accrochaient à moi. Lao Yang et Maître Liang firent de même et se roulèrent au sol pour éteindre le feu qui brûlait leurs vêtements.

J’avais compris pourquoi le sol semblait en pente. Sa couche supérieure avait été enlevée à la pelle. Mais je n’eus pas le temps d’y regarder de plus près, car Lao Yang vint s’écraser en hurlant contre moi. 

Je m’empressai d’ôter ma veste pour essayer d’éteindre les flammes qui s’accrochaient à lui, puis l’aidai à se relever. Il allait plus ou moins bien, mais ses sourcils avaient brûlé. Maître Liang, quant à lui, avait beau rouler, les flammes ne s’éteignaient pas. Je me dis alors qu’étant donné ses chutes répétées, ses vêtements avaient dû absorber une partie du kérosène contenu dans la poussière. Je me précipitai vers lui, le plaquai au sol et le recouvris de terre jusqu’à ce que les flammes s’éteignent enfin.

Maître Liang criait tandis que des panaches de fumée blanche s’élevaient de tout son corps. Lao Yang et moi lui ôtâmes ses vêtements et vîmes qu’il avait le dos noirci en plusieurs endroits. Par chance, il était couvert de sueur, ce qui l’avait en partie protégé. Dans l’ensemble, ses blessures n’étaient pas trop graves. J’ouvris ma gourde et en versai la moitié sur son dos pour le rafraîchir, puis je levai les yeux pour me rendre compte de notre situation.  

L’espace ouvert où nous nous trouvions était complètement entouré de flammes et de l’autre côté, c’était le chaos. Une vague de chaleur s’abattit sur nous et tous nos poils se recroquevillèrent. Non loin de nous, de nombreux os – probablement à cause du gaz qu’ils contenaient et qui se dilatait sous l’effet de la chaleur – éclatèrent, projetant des fragments dans les airs. Je compris alors que notre situation était désespérée. Cette grotte pleine de cadavres serait bientôt complètement brûlée et nous étions dans une zone de basse altitude. De plus, l’oxygène ne tarderait pas à manquer. Si nous ne mourions pas de suffocation, nous péririons certainement brûlés.

Je commençais vraiment à paniquer lorsque Lao Yang m’attrapa et cria :

― Quelque chose ne va pas ! Prends ton arme ! Le Roi Yama est là pour nous récupérer !

J’ignorai de quoi il parlait mais en me retournant, j’aperçu six ou sept rats géants qui, pris d’une panique folle, sautaient à travers le mur de flammes. Voyant qu’ils se dirigeaient droit sur mon visage, tous crocs dehors, je me baissai aussitôt pour les éviter. Lao Yang n’attendit pas qu’ils reviennent vers nous. Il tira un coup de feu et envoya voler l’un d’entre eux. Je brandis notre torche éteinte et m’en servis comme d’une massue pour en envoyer voltiger quelques autres. Mais au même moment, plus d’une douzaine de rats traversèrent le feu à la vitesse de l’éclair. Trop près pour esquiver cette fois, je me retrouvais avec plusieurs égratignures dans le dos et m’effondrai au sol. Tandis que Lao Yang tirait quelques coups de feu pour les repousser, je levai les yeux et vis… oh mon Dieu. De l’autre côté du mur de flammes se trouvait une foule de rats de tailles diverses qui nous fixaient de leurs yeux injectés de sang.



Ça craint ! Ça craint, me répétais-je. Les rats qui avaient déjà traversé, dissuadés par les coups de feu, n’osaient pas s’approcher. Mais ceux qui se tenaient de l’autre côté du mur de flammes, voyant qu’apparemment, l’endroit où nous nous trouvions ne brûlait pas, furent contraints de risquer leur vie et de se précipiter un par un, augmentant ainsi leur nombre. Dans quelques minutes, ils se rendraient compte qu’ils avaient l’avantage du nombre et nous envahiraient, dévorant notre chair jusqu’à ce qu’il ne reste plus de nous que des os.

Ne jugeant pas utile de nous lancer dans un rude combat, j’attrapai Lao Yang et lui dis de laisser un moment les rats tranquilles. Le plus important, dans l’immédiat, était de trouver un moyen de sortir de cet endroit.

C’est alors que Maître Liang nous cria : 

― Il y a un tunnel de pilleurs de tombes par ici ! 

Nous aperçûmes alors un petit trou discret au centre de la fosse. Je ne savais pas qui l’avait creusé, mais à cheval donné, on ne regarde pas les dents. Lao Yang sortit le chargeur de son arme, compta le nombre de balles restantes et me fourra le revolver dans les mains. Puis, chargeant Maître Liang sur son dos, il se dirigea vers le centre de la fosse. Je le suivis, son arme dans une main et le pistolet artisanal dans l’autre.

Nous n’avions fait que quelques pas lorsque les rats les plus proches poussèrent des cris perçants et se précipitèrent vers nous à la vitesse de l’éclair. Je tirais quatre coups d’affilée avec l’arme de Lao Yang et touchai trois d’entre eux. Les deux autres rats étant déjà devant moi, je n’avais pas d’autre choix que de recourir au pistolet artisanal. Il y eut un grand bruit et les deux créatures, réduites à l’état de viande hachée, volèrent dans les airs. 





Note explicative : 

(1) Littéralement : « Un fantôme frappant un mur ». Expression populaire chinoise évoquant le fait de se perdre et de tourner en rond. L’idée est qu’en voyageant dans des régions reculées, une personne est gênée par des murs que des fantômes ont placés devant elle, l’obligeant ainsi à tourner en rond sans fin.














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