Le Maître des Secrets | Lord of the Mysteries | 诡秘之主
A+ a-
Chapitre 26 : Entraînement
Chapitre 25 : La Cathédrale Menu Chapitre 27 : Dîner en famille

Le bruit de leurs pas résonnait dans le couloir sombre, étroit et silencieux.

Le dos droit, Klein marchait au rythme du prêtre sans rien dire, sans poser de questions. Il était aussi silencieux qu’un plan d’eau lorsqu’il n’y a pas de vent.  

Après avoir traversé une galerie étroitement gardée, le prêtre ouvrit une porte secrète fermée à clé et, désignant un escalier de pierre, lui dit :  

– « Tournez à gauche à l’intersection et vous trouverez la Porte Chanis. »

– « Que la Déesse vous bénisse », répondit Klein en traçant, sur sa poitrine, le signe de la lune cramoisie.

Les laïques s’en tenaient à l’étiquette, les bénédictions rituelles étant réservées aux religieux.  

– « Louée soit la Dame », répondit le prêtre en faisant le même geste.

Sans un mot, Klein descendit l’escalier de pierre à peine éclairé par des lampes à gaz suspendues de chaque côté du mur.  

À mi-chemin, il se retourna instinctivement et vit le prêtre debout à l’entrée, dans l’ombre. On aurait dit une statue de cire. 

Le jeune homme détourna le regard et poursuivit sa descente. Il ne tarda pas à toucher le sol, pavé de dalles de pierre glacées, de l’allée qui menait à l’intersection.

Il ne se rendit pas à la Porte Chanis car Dunn Smith, qui venait de terminer son service, n’y était certainement plus. Il prit donc l’allée de droite et, se retrouvant en terrain familier, monta une autre volée de marches et entra dans les bureaux de la Compagnie de Sécurité de l’Epine Noire.  

Les portes étant soit fermées, soit entrouvertes, il ne s’aventura pas mais se rendit à la réception. Une jeune femme aux cheveux bruns, un doux sourire aux lèvres, était centrée sur la lecture d’un magazine. 

Il s’approcha et tapota délibérément sur le bureau :

– « Salut, Rozanne ! »  

Surprise, la jeune femme se leva brusquement, renversa sa chaise et répondit nerveusement : – « Bonjour, il fait beau aujourd’hui.  Que… que faites-vous ici, Klein ? »

Elle se tapota la poitrine et poussa quelques soupirs de soulagement. On aurait dit une jeune fille qui craignait que son père ne la surprenne en train de lambiner. 

– « Il faut que je voie le Capitaine », répondit simplement Klein.

– « …Vous m’avez fait peur. J’ai cru que le capitaine était sorti », s’exclama Rozanne en lui jetant un regard furieux. « Vous ne savez pas frapper ? Vous avez de la chance que je sois une femme tolérante et gentille. Soit dit en passant, je préfère le terme de dame… Avez-vous une raison particulière de vouloir voir le Capitaine ? Il se trouve dans la pièce qui fait face au bureau de Mme Oriana. » 

Bien que tendu, Klein, amusé par la réaction de l’hôtesse, réfléchit un moment avant de répondre :

– « C’est un secret. » 

Les yeux de Rozanne s’élargirent et, profitant de sa surprise, Klein fit une légère révérence et la salua brièvement.

Il quitta la réception et frappa à la porte du premier bureau à droite.

– « Entrez », répondit la voix profonde et douce de Dunn Smith.  

Klein obtempéra et referma la porte derrière lui. Puis il ôta son chapeau et s’inclina : 

– « Bonjour, capitaine. »

– « Bonjour, en quoi puis-je vous aider ? »

Dunn portait une chemise blanche et un gilet, son manteau noir et son chapeau étant accrochés à un porte-manteaux non loin de lui. Avec son front haut et ses yeux d’un gris profond, il semblait reposé. 

– « Quelqu’un me suit », répondit Klein sans préambule.  

Dunn se pencha en arrière et joignit les mains et regarda silencieusement Klein dans les yeux. 

– « Vous venez de la cathédrale ? » Demanda-t-il. 

– « Oui. » 

Dunn hocha doucement la tête. Il ne fit aucun commentaire et changea de sujet : 

– « Il se pourrait que le père de Welch n’ait pas cru à la version officielle que nous avons donnée du décès et ait engagé un détective privé de Wind City pour enquêter sur l’affaire. »

La Ville de Constance, dans le Comté de Midsea, également connue sous le nom de Wind City, était une région dotée d’industries du charbon et de l’acier extrêmement avancées. C’était aussi l’une des trois premières villes du Royaume de Loen.

Sans même attendre que Klein donne son avis, Dunn poursuivit : « Cela pourrait aussi être en rapport avec ce carnet de notes. Il se trouve que nous enquêtions justement sur l’endroit où Welch s’était procuré le journal de la famille Antigonus. Il est évident que nous ne pouvons pas exclure le fait que d’autres personnes ou organisations pourraient être à la recherche de ces notes. »  

– « Que dois-je faire ? » Demanda Klein d’un ton grave. 

Sans aucun doute, il espérait que la première hypothèse soit la bonne.  

Avant de lui répondre, Dunn prit une gorgée de café. Il n’y avait pas l’ombre d’une émotion dans ses yeux.  

– « Retournez d’où vous venez et faites ce que vous voulez. »

– « N’importe quoi ? » 

– « Ce que vous voudrez », acquiesça Dunn, sûr de lui. « Bien entendu, ne les effrayez pas et ne violez pas la loi ».

– « Très bien ». 

Klein prit une profonde inspiration, le salua et quitta la pièce pour reprendre la direction du sous-sol. 

Arrivé au carrefour, il tourna à gauche et, baigné dans la lumière des lampes à gaz, marcha silencieusement jusqu’à la galerie déserte, sombre et froide.  

Le bruit de ses pas résonnant, il avait le sentiment terrifiant d’être encore plus seul.  

Le jeune homme arriva enfin au pied des marches, monta, et vit le prêtre debout dans l’ombre.

Sans un mot, celui-ci s’écarta pour le laisser passer.   

Klein poursuivit son chemin en silence jusqu’à la salle de prière. Les trous circulaires derrière l’autel en arche étaient toujours aussi purs et lumineux dans l’obscurité et le silence qui régnaient dans le bâtiment. La file d’attente devant le confessionnal avait considérablement diminué.  

Il attendit là un moment et quitta tranquillement la salle de prière, sa canne et son journal à la main, comme si de rien n’était, après quoi il sortit de la cathédrale Sainte-Selena.

Dehors, le soleil était brûlant et aussitôt, le sentiment familier d’être observé le reprit. Il avait l’impression d’être la proie d’un faucon qui l’observait.

Soudain, une question surgit dans son esprit.

Pourquoi l'”observateur” ne m’a-t-il pas suivi dans la cathédrale ? Certes, je pouvais me servir du prêtre et de l’obscurité pour disparaître un moment, mais était-il si difficile pour lui de continuer à me surveiller en faisant mine de prier ? A moins qu’il n’ait fait quelque chose de mal, il pouvait très bien entrer avec une attitude ouverte et franche…  A moins qu’il ne cache une histoire sombre et craigne l’Église ou l’évêque, sachant qu’ils pourraient détenir les pouvoirs d’un Transcendant…  

Si tel est le cas, il y a très peu de chances pour qu’il s’agisse d’un détective privé… 

Klein soupira et se calma.  Il fit tranquillement quelques pas avant de contourner le bâtiment et de se rendre Rue Zoeterland. Là, il s’arrêta devant un immeuble ancien aux murs tachetés qui portait sur sa porte le numéro 3 et dont l’enseigne indiquait : Club de Tir Zoeterland.  

Une partie du stand de tir souterrain réservé à la police avait été ouverte au public pour raison financière.  

Klein y entra et l’impression d’être épié disparut instantanément. Il en profita pour remettre son badge du Département des Opérations Spéciales au préposé qui, après une brève vérification, le conduisit au sous-sol jusqu’à un petit stand de tir confiné.

– « Cible à dix mètres », dit simplement Klein à l’employé, après quoi il sortit son revolver de son étui et prit dans sa poche la boîte de balles en laiton.

Le sentiment d’être soudain pris pour cible faisant que son désir de se protéger l’emporte sur sa procrastination, il avait hâte de commencer à s’entraîner. 

L’employé parti, il ouvrit le barillet, en retira les balles d’argent spécifiques à la chasse au démon et les remplaça par des balles normales mais cette fois, il le remplit entièrement. 

Il ne retira ni son costume ni son demi haut-de-forme car il pensait : si je me retrouve face à un ennemi, je ne me vois pas lui crier : “attendez une minute, que je passe quelque chose de plus confortable ! “

Klein referma le barillet et le fit rouler avec son pouce.

Soudain, il prit l’arme à deux mains, la leva et visa la cible placée à plus de dix mètres.

Cependant, il n’était pas pressé de tirer. Il prit le temps de se remémorer son entraînement militaire, l’alignement œil-viseur-cible ainsi que ce qu’il avait appris sur le recul. 

Ses vêtements bruissant, Klein, avec le sérieux d’un étudiant qui passerait un examen de fin d’études secondaires, répéta plusieurs fois sa visée et sa position de maintien, après quoi il recula vers le mur et s’assit sur une longue banquette. Posant son revolver près de lui, il se massa les bras et se reposa un bon moment.

Après quelques minutes à se remémorer son entraînement, il prit le revolver à la crosse de bois et au barillet de bronze, se mit en position et appuya sur la détente. 

Son bras trembla et le recul le repoussa en arrière. La balle manqua la cible.

Tirant parti de l’expérience acquise, il tira jusqu’à épuisement des six balles.  

Je commence à toucher la cible… Pensa Klein en retournant s’asseoir. Il reprit son souffle, puis, impassible, fit pivoter le barillet et tomber les six balles sur le sol, après quoi il y inséra ce qui lui restait de projectiles. 

Il détendit son bras, se releva et reprit sa position de tir.

Des coups de feu retentirent, la cible trembla. Klein alterna alors exercice et repos et tira encore une trentaine de coups. Progressivement, il finit par atteindre la cible et même à viser au centre.  

Le jeune homme détendit alors ses épaules endolories, tira ses cinq derniers projectiles, baissa la tête et inséra les balles de chasse au démon aux motifs complexes dans le barillet en prenant soin de laisser un emplacement vide de manière à prévenir les ratés.  

Il rangea alors le revolver dans son étui, tapota la poussière de ses vêtements et quitta le stand de tir. 

 

Sitôt dehors, l’impression d’être observé se fit à nouveau sentir. Klein, qui était bien plus calme désormais, se dirigea tranquillement vers la Rue Champagne. Il prit un transport à rails pour quatre pence jusqu’à la Rue de la Croix-De-Fer après quoi il rentra chez lui.  

Le sentiment d’être espionné disparut aussitôt.  Klein sortit ses clés, ouvrit la porte et vit un homme aux cheveux courts, environ la trentaine, vêtu d’une chemise en lin, assis à son bureau.

Son cœur fit un bond mais très vite, il se détendit et le salua en souriant :

– « Bonjour, Benson ! » 

Cet homme, en effet, n’était autre que le frère aîné de Klein et Melissa, Benson Moretti. Il n’avait que vingt-cinq ans mais en paraissait trente en raison de sa calvitie et de son apparence décrépie.

Avec ses cheveux noirs et ses yeux marrons, il ressemblait un peu à Klein, si ce n’était le petit air érudit de ce dernier. 

Benson se leva, le sourire aux lèvres :  

– « Bonjour, Klein. Comment s’est passé l’entretien ? » 

Son manteau noir et son demi haut-de-forme étaient suspendus à une saillie de leur lit superposé.

– « Horrible », répondit Klein, pince-sans-rire.

Puis, devant la stupéfaction de Benson, il ajouta avec un petit rire : 

 – « En fait, je ne m’y suis pas rendu car j’ai trouvé un emploi payé trois livres par semaine… »

Sur ce, il lui répéta ce qu’il avait dit à Melissa.

L’expression de Benson s’apaisa et il secoua la tête en riant. 

– « J’ai l’impression de voir un enfant grandir… Voyons, cet emploi me semble plutôt bien. » Il soupira et ajouta : « Je suis ravi d’apprendre une si bonne nouvelle sitôt de retour ! Et si nous achetions du bœuf pour fêter ça ? » 

– « Bien sûr, mais je crains que Melissa ne soit contrariée financièrement. Nous pourrions aller faire les commissions un peu plus tard ? Que nous faut-il ? Au moins trois soli ? Franchement, une livre vaut vingt soli et un soli douze pence. Il y a même des dénominations comme le demi-pence et le quart de pence. Ce système monétaire va tout simplement à l’encontre de la logique. C’est vraiment ennuyeux.  A mon avis, c’est certainement l’un des systèmes monétaires les plus stupides du monde.”

Voyant Benson prendre un air sombre, il se sentit un peu mal à l’aise et se demanda s’il avait dit quelque chose de mal.

Se pourrait-il que dans les fragments de souvenirs perdus du Klein original, Benson ait été un nationaliste pur et dur qui ne tolérait aucune critique négative ?  

Mais son frère fit quelques pas et, l’air toujours sombre, répondit : 

– « Ce n’est pas UN mais LE plus stupide des systèmes monétaires ! » 

D’abord stupéfait, Klein reprit aussitôt ses esprits. Il regarda son frère dans les yeux et rit. 

Benson était vraiment très doué pour l’humour taquin.  

Esquissant un sourire, ce dernier redevint sérieux :  

– « Il faut comprendre que pour instituer un système monétaire raisonnable et simple, il faut savoir compter et maîtriser le système décimal. Malheureusement, ces talents sont trop rares chez les personnages importants ».

🏆 Top tipeurs
  • 🥇1. Meifumado
  • 🥈2. matsu 1
🎗 Tipeurs récents
  • matsu 1
  • Meifumado


Rejoignez-nous et devenez correcteur de Chireads Discord []~( ̄▽ ̄)~*
Chapitre 25 : La Cathédrale Menu Chapitre 27 : Dîner en famille