Le Maître des Secrets | Lord of the Mysteries | 诡秘之主
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Chapitre 08 – Conseil d’un ancien marin
Chapitre 07 – Suggestion retenue Menu Chapitre 09 – Rapport d’enquête sur Sherlock Moriarty

Plutôt spacieux, le hall de la Billetterie du Port de Pritz comprenait sept guichets, mais déjà, une douzaine de personnes attendaient devant chacun d’eux.

Klein y jeta un coup d’œil et au lieu de se diriger vers celui où il y avait le moins de monde, il fit deux pas vers la droite et se retrouva devant un tableau marron.

Dessus étaient affichées des feuilles de papier blanc sur lesquelles figuraient toutes les informations relatives aux navires ayant transporté des passagers la semaine passée, dont leur destination, les ports traversés et les prix des différentes cabines.

Avant que Klein n’ait pu y regarder de plus près, un membre du personnel s’approcha et traça un cercle rouge autour d’une cabine de seconde classe avec cette mention :  “Complet”.

– « C’est très populaire… » soupira le jeune homme.

– « Bien sûr, le Port de Pritz est le plus grand port du royaume. D’innombrables personnes passent par ici pour se rendre sur le Continent Sud et dans les îles coloniales à la recherche d’opportunités », répondit d’un ton manifestement vantard un homme d’âge moyen debout près du panneau de bois.

Il portait un bonnet noir et un uniforme à carreaux noirs et blancs semblable à celui de la police, mais il n’avait pas d’épaulettes, seulement un insigne sur la poitrine représentant une mouette. Celui-ci était identique au logo de la Billetterie du Port de Pritz.

Son visage, ses mains et tout ce que l’on pouvait voir de sa peau étaient de couleur bronze et plutôt rugueux. On aurait dit qu’il avait été exposé de nombreuses années durant à la brise marine et au soleil, à tel point qu’on avait l’impression qu’il avait du sel dans ses rides.

En cas de litige, allez trouver le garde dans le hall… Ce doit être le garde… se dit Klein en repensant aux consignes qu’il avait lues à la porte.

Sans se formaliser du fait que l’homme lui ait adressé la parole, il eut un sourire :

– « Vous semblez bien connaître ce port. »

– « Autrefois, j’étais dans la marine du royaume, leur principale base étant située sur l’île d’Oak du Port de Pritz. J’ai servi durant quinze ans et passé beaucoup de temps en mer dans les environs. Si la guerre de Balam Est n’avait pas eu raison de ma santé, j’aurais pu rester marin durant dix ans encore ! Je connais ce port aussi bien que le corps de ma femme ! »

Quelque peu cultivé, mais un peu vulgaire… pensa Klein qui bavarda nonchalamment avec l’intention de lui demander des informations sur la mer.

– « C’est après avoir pris votre retraite que vous êtes devenu garde ici ? »

– « Non, j’ai été deux années entières coincé dans une école du soir en tant qu’étudiant et gardien. Par le Seigneur des Tempêtes, vous imaginez une personne de mon âge récitant ses leçons avec une bande d’adolescents ? Ils reconnaissent et retiennent les mots plus vite que moi ! », répondit le garde dont l’expression montrait à quel point il lui était insupportable de revenir sur le passé.

Tout en parlant, il se tapota la cuisse et soupira : « Dommage que mes genoux ne supportent pas le temps humide, sans quoi j’aurais pu être professeur du soir à temps partiel. Si ces enfants vous font vous sentir jeune, je ne nie pas que c’est avant tout pour gagner plus d’argent. Quand on a une femme et quatre enfants, il faut bien subvenir aux besoins de la famille ».

Monsieur, vous parlez un peu trop… C’est peut-être pour cela que billetterie vous a engagé comme gardien…

Klein sourit et changea de sujet :

– « J’ai lu les recommandations à la porte et découvert qu’il était interdit d’ouvrit des boîtes de poisson-loup. Pour être franc, je n’en ai jamais entendu parler. »

Le garde prit un air mitigé et se pinçant le nez, il expliqua :

– « C’est un aliment populaire dans des endroits comme la côte est de Feysac et l’Archipel de Gargas. Il s’agit de poisson-loup mariné dans du sel, mais il conserve son sang et l’odeur…l’odeur est très, très stimulante. Ça pue, c’est dégoûtant ! »

Un aliment d’origine inconnue… se dit Klein qui se mit à rire :

– « Je doute fort que des gens mangent délibérément des conserves tandis qu’ils font la queue pour acheter un billet, n’est-ce pas ? »

– « Vous ne comprenez pas. Peut-être qu’un jour vous comprendrez », répondit le garde dont le regard trahissait la crainte persistante. « Un jour, un barbare du nord est venu ici acheter un billet. Comme il y avait déjà beaucoup de monde devant les guichets – à tel point que le hall ressemblait à un tonneau rempli de poissons – il est devenu nerveux et a ouvert une boîte de poisson-loup. En moins de dix secondes, il ne restait plus, dans le hall, que lui et quelques gars. »

C’est… c’est une arme biologique… Une version ordinaire de ma Bouteille de Poison Biologique… pensa Klein en riant.

– « Pour finir, il a pu acheter un billet et l’on a rajouté une nouvelle consigne à l’entrée, c’est cela ? »

– « Les choses ne se sont pas passées comme il s’y attendait. La dame et le monsieur chargés de la vente des billets s’étaient enfuis eux aussi. Héhé, comme vous le savez, le cerveau des barbares est encore pire que celui des babouins à cheveux bouclés ! », répondit le garde en riant. « Quand j’étais marin, une rumeur circulait en mer selon laquelle un groupe de pirates avait pris le contrôle d’un navire marchand originaire de Rolls. Au fait, c’est une ville située sur de la côte est de Feysac. Bref, les pirates ouvrirent avec empressement leur butin, mais qui aurait pu savoir qu’il s’agissait de tonneaux remplis à ras bord de poissons-loups ? Devinez ce qui s’est passé ensuite ! Ils ont tourné de l’œil, ont vomi et perdu toute force de frappe. Finalement, l’équipage a touché la prime. »

– « Bonne histoire », commenta Klein en s’efforçant de ne pas rire.

Il reporta son regard sur les feuilles papier affichées sur le panneau, à la recherche d’informations concernant un navire dont le départ était prévu pour le 5 janvier.

En professionnel, il avait procédé une divination pour connaître la date la plus propice à un voyage en mer cette semaine-là. Il avait le choix entre le 5 et le 8. Et parmi les navires en partance pour l’Archipel de Rorsted, ceux qui lui convenaient le mieux étaient le Saint Havre et l’Agathe Blanche.

Il y a encore des places et les prix sont à peu près les mêmes : quatre Livres la troisième classe, dix Livres la seconde et trente-cinq Livres la première classe… Les gens qui dépendent de la mer pour survivre croient plus ou moins au Seigneur des Tempêtes. Même dans des pays comme Intis et Feysac, on trouve des pêcheurs et des membres d’équipage qui mettent secrètement leur confiance en cette divinité interdite afin d’assurer leur sécurité en mer… Le nom de Saint Havre provient de l’Église des Tempêtes. Il a un certain passé… 

Klein, en y réfléchissait, penchait pour l’Agathe Blanche.

Peu pressé de prendre une décision, il se tourna vers le garde.

– « Savez-vous quelque chose sur l’Agathe Blanche ? »

Le garde eut un sourire :

– « Monsieur, vous avez l’œil. L’Agathe Blanche est un navire à vapeur, mais qui a conservé sa voile. Sa vitesse maximale est de 16 nœuds.

« De plus, le capitaine est très expérimenté. Il a été maître d’équipage sur le William V de la Marine Royale. Non… il s’agit plutôt de la Marine Impériale. Le roi a toujours affirmé qu’il avait obtenu le titre d’Empereur à Balam. Dans la Marine Impériale, quel que soit le niveau d’excellence d’un individu, il ne peut qu’espérer devenir maître d’équipage. Jamais il ne deviendra officier à moins…à moins de satisfaire son supérieur, de quelque manière que ce soit ! Seulement alors il pourra être recommandé à l’Académie Navale de Pritz en tant qu’officier de réserve !

« C’est ainsi qu’Elland a été contraint de quitter la marine et a fini par rejoindre l’Agathe Blanche où, progressivement, il est devenu capitaine.

« Je vous suggère de choisir une cabine de première classe. Vous bénéficierez de chambres pour trois ou quatre domestiques, d’un assistant formé à l’étiquette, d’un chef cuisinier attitré doté d’excellentes compétences culinaires, d’un restaurant tranquille où vous pourrez profiter du paysage, d’une salle spéciale où fumer le cigare, et d’un endroit où vous pourrez vous réunir et jouer aux cartes… »

Devant ces explications détaillées, Klein ne put s’empêcher de ressentir de la méfiance.

Le garde, à qui son expression n’avait pas échappé, sourit d’un air embarrassé.

« Elland était mon patron autrefois. Il m’invitait souvent à boire un verre et me demandait de l’aider à promouvoir les cabines de première classe. Mais vous pouvez être certain que tout ce que je dis est vrai ! »

Ce n’est vraiment pas le problème, c’est plutôt une question d’argent… pensa le jeune homme.

Sa décision prise, il réfléchit et demanda :

– « Quel conseil donneriez-vous, Monsieur, à un aventurier des mers ? »

Pour s’adapter au personnage de Gehrman Sparrow, Klein avait légèrement modifié son image de manière à paraître plus froid et plus tranchant.

– « Un aventurier ? » s’exclama le garde en haussant inconsciemment la voix.

Bon nombre des personnes qui faisaient la queue se tournèrent vers Klein qui, se fiant à son intuition spirituelle, traça instinctivement une ligne de mire.

Il vit un homme d’une trentaine d’années portant un haut-de-forme noir. Il avait un visage rustre, des rides battues par les intempéries, n’était pas très grand mais plutôt costaud, et ses yeux bleu pâle étaient ceux d’un homme qui a beaucoup vécu.

Un autre aventurier ? les yeux de Klein et ceux de l’homme se croisèrent brièvement et ils détournèrent aussitôt le regard.

C’est alors que le garde esquissa un sourire :

– « Je suis désolé, je suis un peu trop sensible au terme d’aventurier. Dans mon esprit, cela désigne un fugitif, un bandit des mers, quelqu’un qui va à l’encontre de ses engagements. Mais je ne dis pas ça pour vous.

« Vous voulez un conseil sincère ? Je… Euh… Gardez bien à l’esprit trois choses.

« Premièrement, ne provoquez pas les pirates. Deuxièmement, ne provoquez pas les pirates. Troisièmement, ne provoquez pas les pirates !

« À moins que vous n’apparteniez à la marine ou à l’Eglise, ne vous opposez jamais aux pirates ! »

« Et… Ne vous fiez pas à l’enthousiasme des filles de l’île. Soit ce sont des pirates, soit elles veulent que vous les emmeniez à Pritz, à Backlund. Ce n’est pas entièrement de leur faute. Pour abuser d’elles, de nombreux marins, membres d’équipage et passagers leur peignent une métropole et une vie très attrayante, après quoi ils les chassent de leur lit et les laissent plantées là. »

Quelle bande de vils personnages… À notre époque, les gens qui vivent en mer ne doivent pas être très gentils… L’ordre en mer est-il donc si déplorable ? Les pirates si nombreux ?

Klein hocha la tête :

– « Merci, je sais quoi faire à présent. »

Sur ces paroles, il se dirigea vers la file d’attente où il y avait le moins de monde.

– « Et les légendes sur les trésors en mer sont toutes fausses ! », lui cria de loin le garde.

Après avoir acheté un billet de seconde classe pour l’Agathe Blanche, Klein retourna à l’hôtel et attendit patiemment que la nuit tombe tout en dégustant le poisson frit le plus célèbre du Port de Pritz. C’était plutôt bon mais vraiment, il ne mangerait pas ça tous les jours.

Un peu avant vingt heures, il se transporta au-dessus du brouillard gris. Le badge de Lanevus dans une main, il écrivit :

Qu’en est-il de ce rassemblement ?

Sa montre à gousset marquant vingt heures, il ferma les yeux, s’adossa à sa chaise et se mit à réciter l’énoncé divinatoire.

Il avait des raisons de croire que lorsque la porte de la salle de réunion s’ouvrirait, il serait en mesure, de là où il était, d’obtenir des informations à l’aide de ce médium qui avait verrouillé l’endroit !

S’il avait échoué, c’était parce qu’il ne s’était encore rien produit, mais cette fois, c’était différent. Il se passait des choses et il détenait le bon médium !

Klein ne tarda pas à pénétrer dans un monde onirique gris et flou.

Il vit la rivière Tussock couler tranquillement au centre d’une large vallée fluviale et une douzaine de gens dans des postures différentes. Enveloppés d’une fine couche de lumière, ceux-ci s’évaporaient, devenaient flous ou immatériels.

L’un d’eux avait des cheveux noirs et des yeux verts. Il était particulièrement beau et Klein le connaissait bien.

Léonard Mitchell !

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