Tout le monde était immobile. Le salon entier était silencieux et mort ; on aurait pu entendre une épingle tomber.

La famille Ji était très noble et très religieuse. Le grand-père Ji possédait l’autorité et la gouvernance les plus élevées. Personne ne pouvait croire qu’il était en train de regarder ce personnage vénéré s’agenouiller en larmes devant la mère d’Han Sen. Et malgré la défiance de cette dernière, il l’appelait « Dame ».

Même Han Sen était pétrifié. Il ne s’attendait pas à ce que le chef de la famille Ji pleure devant sa mère comme un enfant.

« Qui êtes-vous ? » Luo Sulan semblait un peu inquiète face à l’homme qui se trouvait devant elle. Elle tendit la main et tenta de le soulever. Ses lèvres se soulevèrent légèrement lorsqu’elle parla, ce qui indiqua à Han Sen qu’elle mentait, et qu’elle savait en fait qui il était.

« Dame Lan, je suis Ji Yanwu. Je suis le troisième frère. Il y a trente-quatre ans, j’ai eu la chance de vous rencontrer au Pavillon d’Eau Céleste. Vous n’aviez que onze ans et vous étiez aux côtés de Monsieur Haitang. Si vous ne portiez pas la broche du Saint Cœur de Haitang en ce moment même, j’aurais presque manqué de respect envers vous. Pardonnez-moi, s’il vous plaît. » Grand-père Ji ne se leva toujours pas.

« Ah, c’est le troisième oncle Ji ! Levez-vous ! Je ne peux pas accepter une telle révérence à mon égard. Je m’excuse de ne pas vous avoir reconnu, car à l’époque vous étiez encore un jeune homme aux cheveux noirs. Je n’arrive pas à croire qu’après toutes ces années, je suis maintenant une femme d’âge mûr. De plus, le temps a volé la couleur de vos cheveux. » Luo Sulan aida Grand-père Ji à se relever.

Le grand-père Ji, remis sur ses deux pieds, demande avec enthousiasme : « Dame Lan, comment va Monsieur Haitang ? »

« Le corps de grand-père est encore en bonne santé, mais il vieillit et ne sort plus beaucoup. » Luo Sulan sourit faiblement en parlant.

Voir le grand-père Ji discuter avec Luo Sulan déconcerta la famille Ji, qui ne comprit soudain pas ce qui se passait. Même Han Sen était perplexe ; sa bouche était grande ouverte d’admiration.

‘Pourquoi la famille de ma mère semble-t-elle soudain si puissante ? Suis-je vraiment issu d’une famille riche ? C’est impossible ! Si c’était le cas, pourquoi aurais-je grandi dans une telle pauvreté ? Plusieurs fois, nous avons failli perdre notre maison.’ Le cœur de Han Sen débordait à présent d’innombrables questions.

« Cet enfant est-il votre fils ? » Le grand-père Ji regarda Han Sen avec des yeux d’une gentillesse exubérante. Il le regardait plus brillamment qu’il ne le faisait pour ses propres fils.

« Oui, c’est mon fils. Il s’appelle Han Sen. » Luo Sulan sourit et présenta à nouveau Han Sen.

« Il n’est pas étonnant qu’il soit votre fils. C’est un garçon si intelligent, et il a accompli tant de choses à son âge relativement jeune. Son avenir est voué à la grandeur, et c’est une chance inouïe que Ji Yanran l’épouse. » Le grand-père Ji complimenta Han Sen comme s’il était la personne la plus intelligente de l’univers.

« Père, qui est-ce ? » Ji Ruozhen ne pouvait plus rester silencieux. Il voulait mieux comprendre la famille dans laquelle sa fille allait se marier.

Ce n’était pas seulement Ji Ruozhen qui voulait une explication, mais toutes les personnes présentes. Ils regardèrent tous Han Sen et sa mère avec perplexité, car ce qui venait de se passer ces dernières minutes était trop difficile à croire. Maintenant, ils voulaient vraiment savoir qui était la mère de Han Sen pour que le Grand-Père Ji se comporte ainsi.

« Ruozhen, nous allons devenir une famille avec Dame Lan. Vous devriez tous être gentils les uns envers les autres. » Le grand-père Ji avait l’air ravi, et il continua en disant : « Nous avons beaucoup de chance ! »

« Père, qui est Monsieur Haitang ? » Ji Ruozhen connaissait bien son père, et son comportement ne serait pas aussi bouillant s’il s’agissait de n’importe qui. Pour susciter une telle réaction, la personne dont il parlait devait avoir un statut légendaire ou mythique.

Les yeux de grand-père Ji semblaient compliqués à présent, comme s’ils étaient tournés vers son propre passé lointain. On aurait dit qu’il était plongé dans une rêverie béate, qu’il faisait un voyage dans ses souvenirs. « Son nom n’est peut-être pas très évocateur, mais vous savez qui il est. Il a longtemps protégé cette famille. Seul, il a atteint le Quatrième Sanctuaire et a même revendiqué un abri pour lui-même dans le royaume des demi-dieux. »

« Luo le Tueur de Dieu ? » Le visage de Ji Ruozhen changea soudainement. Avant qu’il ne puisse ajouter quoi que ce soit, des cris fusèrent déjà des différents coins de l’audience Ji. Tout le monde regarda Han Sen et sa mère avec un choc énorme.

Le Quatrième Sanctuaire n’était pas un endroit pour les humains ordinaires. Les élites des demi-dieux ne pouvaient qu’y mener une existence simple. Au cours de l’histoire, les humains n’avaient réussi à s’approprier que dix abris. Les humains de classe demi-dieu n’utilisaient ces endroits que comme des refuges, afin de rester en vie.

Neuf abris pour demi-dieux humains étaient le fruit d’un effort de coopération entre différentes factions de l’Alliance. Mais l’un de ces abris avait été revendiqué en solo, par un demi-dieu humain. Il s’était battu pour l’obtenir pendant quatre jours et quatre nuits. Cette personne était une énigme, et la plupart des gens ne connaissaient que son nom de famille. Il préférait faire cavalier seul et n’aimait rien de plus que de tuer des êtres plus grands que lui. Avec le temps, cela lui avait valu le titre de « Luo le Tueur de Dieu ».

Bien que Luo le Tueur de Dieu soit une personne violente à la personnalité étrange, il était un protecteur. Et ceux qui lui prêtaient serment d’allégeance recevaient sa tutelle.

« À l’époque, nous étions partis à la chasse. Avec quelques oncles, nous sommes allés éliminer un abri royal dans le Troisième Sanctuaire. Nous avons été victorieux, mais seulement pour une courte période. Nous sommes restés dans cet endroit pendant dix jours avant qu’il ne se passe quelque chose de terrible. Une bête est descendue du ciel et a dévasté notre nouvelle maison. Elle a submergé les forces de notre abri, et cette créature était si puissante qu’il semblait peu probable que nos forces combinées puissent la tuer ou même freiner son attaque. Moi et les deux mille membres de ma famille étions sur le point d’être tués par cette chose, mais c’est alors que Monsieur Haitang est apparu. Il est venu seul et d’un seul coup, il a tranché la tête de ce monstre. La famille Ji était sauvée. Sans Monsieur Haitang, la famille Ji n’existerait pas. Sans cet homme, je ne serais pas en vie aujourd’hui. »

Le grand-père Ji regarda les visages de sa famille et dit : « Monsieur Haitang a sauvé notre famille. Si quelqu’un ici ne traite pas Dame Lan avec le respect qu’elle mérite, il sera soumis à la discipline familiale. »

Ji Ruozhen et tous les autres furent rapidement d’accord, mais dans leur cœur, ils pensaient : ‘N’étais-tu pas celui qui s’est avancé, bouillonnant de rage au début ?’

Han Sen avait l’impression de rêver. Il y a dix minutes, la famille Ji malmenait sa mère. Maintenant, ils la félicitaient tous.

En voyant sa mère soudainement entourée de gens qui la considéraient comme une déesse, il ne pensait pas que ce qu’il voyait était réel.

‘Ma mère est-elle vraiment l’enfant de Luo le Tueur de Dieu ?’ Han Sen avait la tête pleine de questions.

Les discussions concernant les fiançailles reprirent, et elles semblaient bien se dérouler. Le grand-père Ji se tenait à l’écart, écoutant attentivement. En fin de compte, Luo Sulan avait le dernier mot sur tout. La famille Ji ne s’opposa à aucun de ses désirs.

Le grand-père Ji l’invita à rester chez lui, mais elle déclina l’offre. Plus tard, Han Sen et sa mère quittèrent donc ensemble la famille Ji. Le grand-père Ji s’assura que tous les membres de la famille leur fassent des adieux chaleureux lorsqu’ils montèrent à bord de leur navire.

« Maman, tu m’as caché beaucoup de choses. » Alors qu’ils n’étaient plus que tous les deux, Han Sen commença son interrogatoire.

Luo Sulan sourit simplement en réponse, et dit : « Qu’est-ce que je t’ai caché ? »

« Tu ne m’as jamais dit que mon grand-père était Luo le Tueur de Dieu. » Han Sen était impatient d’en savoir plus.

« Je ne l’ai pas caché, je crois que je n’en ai jamais parlé. Si tu avais voulu savoir, je te l’aurais dit. » Luo Sulan cligna des yeux.

Han Sen ne savait pas quoi répondre. Après quelques instants de silence, il eut une question à poser. « Si ta famille est si puissante, comment pouvons-nous être intimidés par nos deuxièmes oncles et tantes ? »