Les Chroniques d’un Pilleur de Tombes | Grave Robbers' Chronicles | 盗墓笔记
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Chapitre 16 – L’escalade
Chapitre 15 – Repos Menu Chapitre 17 – Le réseau de cadavres

Maître Liang posa la nourriture qu’il tenait à la main et nous décrivit brièvement les antécédents de ces deux personnes.

Les deux patrons de Guangdong s’appelaient Wang Qi et Li Pipa. Ils étaient tous deux originaires de Foshan et très célèbres dans l’industrie locale des antiquités. Nous connaissions déjà l’histoire de Li Pipa. Il avait fait fortune grâce à « Une collection de rivières et d’arbres », un vieux document détaillant l’emplacement d’un grand nombre de tombes anciennes.

Nous le savions parce que Lao Yang et moi l’avions entendu en discuter avec les autres. Mais c’était sa propre version des faits, probablement un peu exagérée, et nous ignorions la part de vérité dans tout ça. Les paroles de Maître Liang semblaient beaucoup plus convaincantes et crédibles.

Si le passé familial de Wang Qi n’était pas aussi illustre que celui de Li Pipa, il était certainement plus crédible. Ses ancêtres exerçaient un métier appelé chaofeng.

Qu’était le chaofeng ? Un terme utilisé pour désigner les assistants travaillant au comptoir principal des magasins de prêts sur gage. Le gros de leur tâche consistait à déterminer rapidement la valeur et l’authenticité des objets.

Ceux qui étaient chargés d’évaluer les biens de haute qualité et de s’occuper des affaires administratives quotidiennes étaient appelés chaofeng seniors. Ils étaient réputés avoir vu toutes sortes de choses étranges et être les plus érudits concernant les trésors du monde. L’ancêtre de Wang Qi était un célèbre chaofeng senior nommé Wang Xianchu. À la fin de sa vie, il avait écrit un livre intitulé « Le Registre des Trésors Etranges de la boutique des Créations Anciennes », considéré comme un ouvrage extraordinaire. Il y recensait tous les objets qu’il avait vus au cours de sa vie et qu’il trouvait insolites, donnait des informations détaillées sur leurs propriétaires, son estimation de leur valeur et bien d’autres choses encore. En termes d’archéologie, c’était un guide de référence très précieux.

Wang Qi, pour sa part, n’était pas très instruit, mais il avait une très bonne mémoire. Il avait tant de fois lu tout le contenu du « Registre » qu’il l’avait mémorisé sans s’en apercevoir. Un jour, alors qu’il assistait à une réunion d’échange dans la rue, il vit un lion de jade blanc qui ressemblait beaucoup à une sorte de boîte à puzzle décrite dans l’ouvrage. Sous le regard de tous, il suivit les instructions du livre et plaça le lion dans une tasse de thé. Très vite, celui-ci ouvrit la gueule et cracha une feuille d’or. Suite à cela, il devint célèbre et sa renommée, en tant que spécialiste, se répandit rapidement.

Quant à savoir quand les deux hommes s’étaient rencontrés, Maître Liang ne le savait pas avec certitude. Il n’était qu’un intellectuel, aussi n’était-il pas facile pour lui de les interroger à ce sujet.

En entendant cela, je demandai à Maître Liang pourquoi, cette fois, ils étaient venus en personne. Comment ces gens, visiblement habitués à vivre dans le luxe, pouvaient-ils supporter ce genre d’épreuve ?

― Qu’y a-t-il de mal à ça ? Demanda Lao Yang. C’est l’excès d’argent qui pourrit le cerveau. C’est ce qui arrive quand les riches ont trop d’argent. Ils perdent le sens du soi et commencent à chercher des choses pour valider leur propre valeur. En fait, il n’est pas rare que certaines personnes aillent mendier de la nourriture et ce même si elles sont riches.

Maître Liang eut un petit rire.

― Je le pensais aussi au début, mais j’ai découvert que ce n’était pas du tout le cas. Cette fois, ils étaient tous les deux très déterminés à venir. À mon avis, il doit y avoir une raison secrète à cela et la réponse se trouve très probablement dans cette tombe.

― Au fait, puisque vous avez lu « Une collection de rivières et d’arbres », savez-vous où il faut aller après avoir traversé la cascade ? demandai-je.

Maître Liang me jeta un regard :

― Ce livre était le trésor le plus précieux de Li Pipa. Je l’ai parcouru brièvement après sa mort. J’ai vu beaucoup de choses, mais pas la partie qui parlait de l’entrée dans la tombe antique. Plus tard, il fut remis au Patron Wang et je n’ai pas eu l’occasion de le consulter plus en détail. Toutefois, d’après ce que nous avons vu hier, l’entrée du tombeau est probablement quelque part dans ce tas de cadavres.

Maître Liang ayant dit qu’il ne savait pas, nous n’avions pas d’autre choix que de le croire. Après avoir terminé notre petit déjeuner, nous prîmes nos sacs à dos. Je desserrai la ceinture autour des mains de Maître Liang, ôtai mes vêtements de dessus, les attachai autour de ma taille et serrai mes lacets. Une fois prêts, nous redescendîmes vers le pont de pierre pour tenter d’escalader la falaise.

Ironiquement, j’étais probablement le plus en forme de nous trois, aussi tenais-je fermement la torche. En repensant au Palais du Roi de Lu aux Sept Etoiles et au fait que je n’étais qu’un novice, je ne pus m’empêcher de me sentir déstabilisé par la grande responsabilité que je venais de prendre.

Mais cela dit, je ne pouvais pas m’opposer à la situation présente. Nous descendîmes donc lentement la falaise, pas à pas, et nous rapprochâmes progressivement du fond de la sombre grotte.

Ce fut un pénible parcours. En fait, je faillis glisser et chuter à plusieurs reprises, mais dans l’ensemble, ce n’était pas difficile, compte tenu de la pente. Une petite fille courageuse et prudente aurait pu descendre, même si cela prenait un peu plus de temps.

A mi-parcours, les jambes de Maître Liang commencèrent à trembler. On aurait dit qu’il manquait d’expérience en matière d’escalade, mais pour ce qui était de moi, mes pieds touchèrent assez rapidement le sol.

Voir ces corps de près était bien plus terrifiant que ce à quoi je m’attendais. Ces cadavres étaient probablement tous des esclaves ou des prisonniers de guerre qui avaient été enterrés avec le défunt. Après avoir séjourné dans cette grotte froide et humide plusieurs années sans la présence de la lumière du jour, tous avaient des os noirs et moisis. De plus, une forte odeur de moisissure imprégnait l’air. Bon nombre des corps étaient démembrés et l’expression de leur visage était effrayante. Sur de nombreux crânes, j’eus même l’impression de voir ce qui s’apparentait à des crocs.

Alors que j’aidais Maître Liang à descendre de la falaise, il trébucha, marcha sur un crâne et fit un trou dans l’os déjà pourri. Heureusement, je pus l’attraper à temps pour qu’il ne dégringole pas. Ayant retrouvé son équilibre, il essuya la sueur qui perlait sur son front et nous dit :

― En votre for intérieur, vous devez vous moquer de moi. Je suis frêle et malade depuis que je suis enfant. La moindre brise suffisait à me faire tomber. Eu égard à mon corps, jamais plus je ne participerai à des expéditions de pillage de tombes.

Je le réconfortai de quelques mots, puis levai la torche pour éclairer les environs dans l’espoir de repérer le chemin à suivre.

Malgré l’empilement de cadavres qui formait comme une montagne, je pus apercevoir un passage. La lumière de la torche ne portant pas très loin, nous ne voyions guère à plus de   dix mètres devant nous, mais depuis la falaise, nous avions pu voir que ce chemin menait directement à l’espace ouvert. D’après mes calculs, en continuant dans cette direction, nous devrions être en mesure d’atteindre cet endroit.

Maître Liang était si épuisé après la descente qu’il ne pouvait plus marcher, aussi recommandai-je de faire une pause pendant que j’examinais les cadavres.

Durant mes allers-retours et alors que je regardais autour de moi, je remarquai un changement d’expression sur le visage de Maître Liang :

― Avez-vous remarqué quelque chose ? lui demandai-je.

― Il y a ici des cadavres qui ne sont pas humains. Quelque chose ne va pas dans la structure osseuse de ces crânes.

J’eus aussitôt la chair de poule et me demandai s’il ne s’agissait d’ossements de zombies dont le corps aurait subi une transformation.

― S’ils ne sont pas humains, alors qu’est-ce que c’est ?

― Je ne saurais le dire pour le moment. Si vous voulez savoir, je vais devoir en examiner d’autres. Il est préférable de choisir ceux qui ne sont pas totalement décomposés, mais je ne sais pas s’il y en a dans ces piles de cadavres. Vous voulez jeter un coup d’œil ?

Lao Yang prit une grande inspiration :

― C’est facile pour toi de dire ça ! Les corps sont couverts d’une énergie négative si lourde qu’il ne serait pas surprenant que certains d’entre eux se soient transformés. Comme nous n’avons pas de sabots d’âne noirs sur nous, si nous tombons sur un zombie, nous n’aurons aucun moyen de nous échapper et nous mourrons tous les trois.

J’étais tout à fait de son avis.

― Pas besoin, dis-je à Liang. Nous ne sommes pas ici pour faire des recherches.

Maître Liang semblait avoir beaucoup entendu parler des zombies car il hocha la tête :

― C’est juste. J’aurais refusé moi aussi si vous me l’aviez demandé.

Je vis soudain que la torche que nous avions allumée depuis un moment brûlait très rapidement et allait bientôt s’éteindre. Dans un endroit comme celui-ci, ce serait certainement fatal. Il était très difficile de trouver une autre source de lumière dans notre situation et dans le pire des cas, nous allions devoir marcher à tâtons parmi les cadavres. Les conditions étaient telles que je ne laissai guère aux autres le temps de se reposer. Quelques minutes plus tard, je les incitai à poursuivre notre route.

Nous marchâmes le long du chemin bordé, des deux côtés, de rangées de cadavres. Je fus soulagé de constater que parmi les corps, il y avait beaucoup de statuettes de pierre. Mais ce qui me surprit le plus, c’était l’espèce de boue noire qui maculait le sol de la grotte. Non seulement cela rendait la marche très difficile, mais à la pensée qu’il puisse s’agir de restes décomposés de personnes décédées, j’avais l’impression que mes pieds étaient glacés.

Au bout d’un certain temps, la flamme de la torche s’amenuisa et le rayon de lumière rétrécit. Nous accélérâmes le pas jusqu’à trottiner, mais au bout d’un moment, je ne pus me défaire de l’impression que quelque chose n’allait pas. Si nous regardions le pied de la falaise, la distance qui nous séparait de cet espace ouvert était d’à peine plus de deux cents mètres. Même en marchant lentement, nous aurions dû mettre cinq minutes. Pourquoi, au bout d’un quart d’heure, ne voyions-nous toujours pas l’ombre de la fosse ? Serions-nous accidentellement passés à côté dans l’obscurité ? Avions-nous pris par erreur une bifurcation ?

Nous courûmes droit devant nous durant cinq minutes, mais tout était pareil. Que ce soit devant ou derrière nous, je ne voyais que des tas d’os et au-delà, l’obscurité. Je ne pus retenir un juron.  J’avais dû faire une erreur de calcul. Je n’avais pas pris en compte le fait que notre vision serait limitée par l’obscurité une fois que nous y serions et qu’où que nous allions, tout se ressemblerait. A présent, je ne savais même plus dans quelle direction nous avions couru.

C’est alors que Maître Liang, qui n’en pouvait plus, me tira jusqu’à l’arrêt.

― Jeune Wu… cesse de courir, me dit-il, le souffle court. C’est… inutile. Nous sommes peut-être tombés dans un piège.



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