Chapitre 1021 – Citadelle de Bronze

« Elle a donc utilisé le corps situé de l’autre côté de la transmission pour fournir l’énergie nécessaire à l’envoi ? »
La lumière de la puce d’IA clignota, enregistrant l’incident et permettant à Leylin de percer le secret derrière la capacité employée par la Sorcière de la Nuit.

Il fallait bien moins d’énergie pour envoyer un simple fantôme qu’un corps véritable. Si cela avait été le cas, Lucas aurait encore eu un espoir de survie. Cependant, elle avait aussi envoyé un parchemin d’informations, et Lucas avait dû s’en charger.

À présent, Lucas avait complètement disparu, et Leylin détenait le prix du parchemin en peau de mouton. Toute l’énergie du malheureux avait été sacrifiée à cette livraison.

« Ainsi, pas un seul pétitionnaire n’a été épargné… Les diables sont de véritables maîtres en comptabilité et en planification méticuleuse. Si je n’avais pas inclus le coût de Lucas dans le prix, elle m’aurait certainement réclamé un paiement plus élevé… »

Après cet accord, Leylin avait encore approfondi sa compréhension de la ruse et de la perspicacité des diables.

« Cependant… La ligne de contrat que j’ai vue sur son corps était réelle. Même si j’ai dû payer un peu, j’ai finalement obtenu ce que je voulais. »

[Bip ! Parchemin scanné. 13,86 % du contenu est faux ou divers, supprimé. Les parties restantes ont été fusionnées avec les éléments pertinents. Organisation en cours… Transmission à la mémoire de l’hôte.]

« On dirait que la Sorcière de la Nuit ne m’a pas trompé. Est-ce à cause de ma force ? »
Leylin se caressa le menton.
« De plus, les âmes de ces fanatiques sont étonnamment utiles… »

Il avait utilisé les âmes endormies de plusieurs fidèles d’Akaban comme monnaie d’échange. Les âmes constituaient une ressource précieuse dans les Abysses et l’Enfer : diables et démons n’hésitaient pas à massacrer pour en récolter. Ils piétinaient les cadavres de leurs camarades pour se ruer vers le plan matériel primordial, laissant derrière eux d’innombrables carnages.

Comparé aux efforts acharnés de ces créatures, Leylin s’était contenté de pénétrer dans le sanctuaire d’un demi-dieu et d’en ressortir avec plusieurs siècles de réserves d’âmes d’Akaban. Celles accumulées par Sakartes, pieuses et puissantes, pouvaient séduire même les Archidiables.

Leylin n’avait aucun moyen de transformer ces âmes de croyants en ses propres suppliants, et les absorber directement aurait été un gaspillage monumental. Les utiliser ainsi relevait presque du recyclage.

« Cependant… » Ses lèvres s’étirèrent en un mince sourire, comme s’il contemplait une scène sinistre à venir.
« L’âme d’un indigène est en effet différente de celles du plan matériel primordial. Leur contamination est une chose que même les dieux redoutent. »

Le pouvoir de la foi n’était rien d’autre que la force de l’âme. Mais celle des indigènes était un poison que même les divinités n’osaient toucher. Cette corruption venait du plus profond de l’essence, et seul un œil exercé comme celui de Leylin pouvait la percevoir.

Il avait donc falsifié les âmes des adorateurs d’Akaban pour le commerce, leur donnant l’apparence d’âmes ordinaires. Une fois sur le marché, nombre de démons et de diables seraient contaminés à leur insu. Leylin attendait ce moment avec impatience.

Désormais muni d’une carte précise, il accéléra le pas. Plus il approchait de la Citadelle de Bronze, plus les diables se faisaient nombreux autour de lui. Certains défilaient en armure, d’autres stationnaient dans leurs campements. Cependant, que ce soit grâce à son alignement loyal ou à l’aura puissante qu’il dégageait, peu osaient l’approcher.

Il arriva sans encombre à la Citadelle de Bronze. La ville était protégée par douze anneaux concentriques de murs massifs, forgés dans un bronze sombre, chacun doté de sinistres machines de guerre.

La première vision que Leylin en eut fut celle d’une gigantesque bête d’acier allongée sur le sol. Partout, des diables mineurs et des diablotins s’affairaient aux côtés de pétitionnaires pour renforcer les défenses : échafaudages d’os, piliers soutenant les remparts, outils épars. La citadelle était en constante expansion.

À l’extérieur régnait une activité fébrile, mais ordonnée. Le périmètre du fort fonctionnait comme une immense machine réglée à la perfection.

Les visiteurs formaient une longue file devant la porte, subissant l’inspection de la garnison avant d’entrer. Dans un autre lieu, un tel contrôle aurait provoqué des émeutes, mais pas ici : la discipline était inscrite dans la nature même des diables, et Baator favorisait ces « bons enfants » qui respectaient les règles.

Leylin haussa les épaules et se plaça dans la file. Un groupe de barbazus — des diables barbus — assurait le contrôle. Leur aspect était intimidant : cornes et écailles de bouc, ailes d’os noir, cuirasses sombres, mains terminées par des crochets d’acier, barbes hérissées d’épines. Une aura glaciale et vénéneuse émanait d’eux.

Parfois, ces diables guidaient les âmes damnées, mais ici leur humeur était mauvaise. Leylin vit plusieurs malheureux traînés devant eux pour être interrogés et torturés par des kytons, diables enchaînés.

La file avançait lentement mais sûrement. Bientôt, ce fut son tour.

« Nom, identité et preuve d’allégeance… » grogna un barbazu à deux têtes.
Un diablotin, ailes brisées et yeux avides, se tenait non loin. De petites flammes dansaient entre sa bouche et ses joues, tandis que des insectes venimeux rampaient sur lui.

« Je viens du Second Enfer, Dis. Je sers dans les légions du seigneur, sous la juridiction du démon des fosses Azlok. »
Leylin écarta ses cheveux, laissant voir une marque obscure formée par son aura.

À Baator, nul n’était sans maître. La hiérarchie des diables était stricte, chaque rang soumis à un supérieur, jusqu’aux huit Archidiables.

« De Dis, hein… Cet endroit devient de plus en plus chaotique depuis la disparition de l’Archidiable… » marmonna le diablotin, inquiet.

L’aura de Leylin ne laissait aucun doute : il était un diable majeur. Or, le diablotin n’était qu’un inférieur. Bien que les supérieurs n’aient pas toujours autorité sur les subordonnés d’autres légions, Leylin pouvait l’éliminer à sa guise.

« Il y a beaucoup de diables de Dis qui arrivent ces derniers temps. Faites attention, mon Seigneur. »

« Mm… Pour l’instant, je préfère rester discret et obtenir des nouvelles de mes rivaux. »

Le diablotin plissa les yeux, mais le barbazu derrière lui intervint :
« Dix pièces, ou autre richesse, et on vous donne les informations immédiatement. »

Leylin sortit négligemment un sac en lin, révélant l’éclat d’âmes prisonnières. À Baator, tout — pièces, objets, richesses — avait une valeur en âmes.

Le lutin et le diable barbu échangèrent un regard avant de déclarer en chœur :
« Pas de problème, marché conclu ! »

Une fois l’échange conclu, Leylin entra dans la Citadelle. L’intérieur grouillait d’activité : diables mineurs se préparant pour la Guerre Sanglante, suppliants négociant dans le bazar… Le vacarme était permanent.

Tout en marchant, Leylin repensa aux informations obtenues. Une lueur de mélancolie passa dans ses yeux.

« L’impact de la disparition de Belzébuth est plus grand que je ne l’aurais imaginé… »

L’ordre infernal était maintenu par une hiérarchie stricte : au sommet, Asmodée, maître des Huit Sombres, chacun régnant sur des armées innombrables. Mais la disparition de Belzébuth avait ébranlé cet équilibre, provoquant un chaos qui menaçait Dis.

Si les sept Archidiables restants n’avaient pas rétabli l’ordre, la seconde strate de l’enfer aurait pu tomber aux mains des Abysses.

Malgré tout, nombreux étaient ceux qui convoitaient le titre de Seigneur de Dis : damnés des abîmes, Archidiables rivaux, voire les enfants d’Asmodée lui-même. Mais Asmodée, bien que Suprême, n’exerçait directement son autorité que sur le Neuvième Enfer, Nessus.

Et surtout, Belzébuth n’était pas mort… Seulement porté disparu. Son autorité n’avait pas encore totalement disparu.