— Tu… tu…
Chi Yue voulut parler, mais aucun son ne sortit de sa bouche, seulement une rivière de sang. Pendu à la lance de Lin Ming avec sa main gauche, il tentait désespérément de tendre son autre main comme pour attraper quelque chose. Son regard incrédule trahissait son refus d’accepter la réalité. Qui aurait cru qu’il mourrait un jour sous la lame d’un jeune homme ? Pis encore, un jeune homme avec une maigre cultivation à l’ouverture de la Condensation de l’Impulsion…
Chi Yue tomba à genoux, la lumière de ses yeux vacillante.
En définitive, ce n’était qu’un artiste martial ordinaire du monde des mortels. Si les Étendues Sauvages Australes n’étaient pas un territoire aussi morne et désolé, il n’aurait jamais pu y exercer un tel pouvoir. Comparé à des génies tels que Jiang Baoyun ou Qin Wuxin, son talent était tout bonnement insignifiant.
Pour quelqu’un comme lui, le Fier Empereur incarnait un mythe, un idéal de cultivation et de puissance. Mais en réalité, Lin Ming était déjà à un tout autre niveau.
La Lance Divine Pourpre ressortit de la gorge de Chi Yue dans une gerbe de sang, et le corps du Chaman retomba sur le sol. Il pouvait désormais mourir avec tous ses regrets.
Le chef de tribu assista à la scène avec un visage livide, la flamme de son espoir chancelante. Il tremblait de tout son être. Le tout puissant fondateur du Culte Ver de Feu venait-il vraiment de mourir comme un moins que rien ? N’importe lequel d’entre eux aurait trouvé cela dur à accepter, même en le voyant de leurs propres yeux. Ce jeune homme était un démon !
Toutes les esclaves présentes dans la salle partageaient le sentiment de vivre un rêve éveillé. À leurs yeux, le Chaman Ver de Feu était un sombre dieu maléfique aux pouvoirs sans limites. Et voilà que ce jeune homme d’une vingtaine d’années venait de lui ôter la vie ?
Cela ne faisait-il pas de lui quelqu’un d’encore plus terrifiant ? Le Sorcier s’était-il réincarné pour venir les sauver ?
Lin Ming jeta un coup d’œil à sa main droite, un sourire satisfait au coin des lèvres. Ses capacités défensives avaient encore augmentées grâce à l’action combinée de la véritable énergie azur et de Mitigation de la Moelle. Il était tout de même parvenu à bloquer la boule de feu de Chi Yue à mains nues, ce n’était pas rien !
Quant à l’énergie de feu qui s’était infiltrée dans son corps, la Graine des Dieux Infernaux n’en avait fait qu’une bouchée. La capacité de la graine à contrôler le pouvoir du feu était visiblement étroitement liée à sa force à lui.
Lin Ming se tourna alors vers le dernier personnage ‟important” de la Tribu Ver de Feu encore vivant dans cette tour – le Chef Tribal.
— Que… qu’est-ce que tu veux ? Je peux… je peux te donner… Ce dernier se mit aussitôt à bafouiller en reculant d’un pas incertain. Les chevaliers de sang qui l’entouraient étaient seulement au Façonnage Osseux. Sur le champ des batailles, c’étaient de véritables machines à tuer, mais face à quelqu’un comme Chi Yue, ils n’étaient rien d’autre que des insectes. Quelle résistance pouvait-il bien opposer à ce démon ?
Lin Ming regarda le chef de tribu avec un air de haine et de dégoût. C’était une vraie raclure, un de ces salopards dont le monde se serait bien passé. Pointant sa lance dans sa direction, il asséna d’une voix glaciale : — Tu ne possèdes rien qui m’intéresse. Je veux simplement te prendre ta vie.
— Ne me tue pas, je t’en supplie ! Je peux te donner des richesses et toutes les plus belles femmes que tu voudras… non, attends, je peux même te donner le trône ! Le visage disgracieux et grassouillet de ce chef minable n’arrêtait plus de remuer sous l’effet de la peur. Le désespoir l’envahissait déjà, l’enserrant de doutes et d’appréhension. Que s’était-il passé ? Pourquoi personne d’autre ne venait à son secours ? N’avait-il pas envoyé un talisman de transmission sonore pour sonner l’alerte ? Que faisaient les maîtres du culte ? Il y avait eu une si grosse explosion… si personne n’avait reçu son message, ils avaient au moins dû entendre cette explosion… Et le cercle de feu en dehors de la tour, comment personne aurait pu ne pas le voir ?
Ou alors, ils avaient tous été tués ?
Réalisant cette éventualité, son cœur sombra dans un abime de désespoir.
Chaque pas de Lin Ming le rapprochait un petit peu plus de sa fin et leur écho à travers la tour résonnait comme des coups portés directement à son cœur. Une pression invisible se répandit dans l’air, rendant jusqu’au simple fait de respirer difficile.
Une jeune esclave se jeta tout à coup au sol en s’inclinant de tout son long, le regard plein de dévotion et d’admiration, et elle se mit à réciter les mantras du Sorcier.
À ce stade, le chef de tribu suintait la peur par tous les pores de la peau. Tant et si bien qu’il n’arrivait même plus à prononcer le moindre son. Il n’était pas mort que la vie l’abandonnait déjà.
— Tous ensemble ! s’écria le capitaine des gardes dans un ultime élan de courage, comme pour se motiver lui-même de ne pas rester planté là à attendre que la mort vienne le chercher.
Une vingtaine de chevaliers de sang se jetèrent alors sur Lin Ming l’arme à la main.
Le jeune homme les regarda d’un air indifférent en déclarant : — Vous tous… seule la mort vous attend sur cette voie !
« Vouh ! »
La Lance Divine Pourpre fendit l’air, et d’innombrables éclairs apparurent derrière elle dans une formidable explosion de lumière. On aurait dit qu’un soleil pourpre venait de se lever à l’intérieur de la tour.
Les chevaliers de sang furent transpercés par ces éclairs, le pouvoir de la foudre dévastant tout à l’intérieur de leur corps dans un élan sauvage. Ils moururent tous avant même de toucher le sol.
Un seul coup de balance avait suffi à balayer toute la garde rapprochée, et il ne restait plus maintenant que leur chef.
Plusieurs esclaves observaient la scène avec horreur. Lin Ming venait de massacrer plus de vingt grands maîtres d’un seul coup de lance ! À leurs yeux, c’était encore plus choquant que de le voir tuer Chi Yue. Leurs tribus avaient toutes été réduites en cendres par les armées du Ver de Feu. Elles avaient vu ces chevaliers de sang écraser leurs plus grands guerriers. Et voilà que ces mêmes chevaliers de sang gisaient désormais sous leurs yeux ébahis.
Comment un seul homme pouvait-il détenir un tel pouvoir ?
Le Sorcier !
C’était l’envoyé du sorcier venu pour les sauver !
D’autres esclaves se prosternèrent à leur tour avec ferveur. Le chef de tribu était complètement abattu ; les genoux flageolants, il s’écroula sur le sol. En tant que tyran sanguinaire, il ne connaissait que trop bien le goût et l’odeur de la mort, mais cette fois les rôles s’inversaient, et c’est sa vie qui se retrouvait dans les mains d’un autre.
— Te tuer ne ferait que salir ma lance, lâcha Lin Ming avec dégoût.
Et alors que sa voix retombait, deux vortex noirs apparurent dans ses yeux.
Le chef de tribu convulsa aussitôt, du sang lui coulant par le nez et les oreilles. Il avait atteint le sommet de l’Entraînement des Entrailles de manière purement artificielle. Face à l’inspiration martiale Samsara, sa mer spirituelle n’avait tout simplement pas tenu le choc et son cerveau avait volé en bouillie.
Lin Ming se retrouva ainsi seul dans la grande salle, entouré d’un groupe d’esclaves effrayées.
— Vous pouvez toutes partir, leur dit-il. Ce n’était pas un meurtrier sans scrupule. Il avait tué tous les chevaliers de sang uniquement à cause de leur propre aura meurtrière. Ces guerriers sanguinaires avaient pris part à de nombreuses guerres au cours de leur vie, massacrant des innocents et commettant toute sorte d’atrocités. Ils avaient fait eux-mêmes le choix de suivre la voie de la mort, et aujourd’hui ce choix se retournait contre eux, les meurtriers devenant les victimes.
La Lance Divine Pourpre transperça tout d’un coup l’être de feu encore agonisant sur le sol, et une boule de feu d’un rouge vif s’en échappa brusquement, filant droit vers la fenêtre la plus proche.
Mais alors qu’elle s’apprêtait à passer à travers, elle fut repoussée en arrière comme si elle venait de heurter un mur étonnement solide. La fenêtre semblait recouverte par un voile invisible et indestructible.
Lin Ming rangea tranquillement sa lance. Il avait pris le soin d’installer l’enchantement des songes avant de pénétrer dans la tour.
Cet enchantement offert par Mu Qianyu ne pouvait pas être détruit par qui que ce soit en dessous du Xiantian. Naturellement, ce petit Esprit de Feu du degré humain de grade intermédiaire n’avait pas la moindre chance.
La Flamme Eternelle de la Tribu Ver de Feu était donc une Flamme Tellurique …
Sur cette découverte, plusieurs centaines de fils de véritable énergie s’enroulèrent autour de l’Esprit de Feu pour l’enchaîner. Lin Ming avait lu un grand nombre d’ouvrages traitant des essences élémentaires ces derniers temps, et en particulier des textes anciens décrivant les Esprits de Feu et les Âmes de Foudre. Ses connaissances en la matière étaient donc bien établies. Le nom de Flamme Eternelle était simplement un nom donné par les membres de la Tribu Ver de Feu et les habitants des Étendues Sauvages Australes. En réalité, il s’agissait d’une Flamme Tellurique, un Esprit de Feu du degré humain de grade intermédiaire apparaissant généralement sous terre dans des régions avec une forte activité volcanique.
Si le grade de celle-ci n’était pas particulièrement élevé, le Chaman Ver de Feu l’avait alimentée avec attention durant toutes ces années, renforçant son pouvoir.
Le grade d’une essence élémentaire était déterminé à sa formation et ne pouvait pas évoluer, peu importe son attribut. Sa puissance en revanche était, elle, susceptible d’une légère amélioration ou détérioration au fil du temps. Cette Flamme Tellurique débordait par exemple d’énergie grâce à tous les matériaux de feu qu’elle avait absorbés, au point d’être quasiment saturée.
Je me demande bien quel grade l’Esprit de Feu de la Graine des Dieux Infernaux atteindra une fois que je l’aurai absorbée . Tandis qu’il était plongé dans ses pensées, ses doigts dansaient en formant des runes pour sceller la Flamme Tellurique.
Certains objets ne pouvaient pas être stockés tels quels à l’intérieur d’un anneau spatial et nécessitaient quelques dispositions particulières ; c’était notamment le cas des essences élémentaires. Selon son attribut, un artiste martial devait utiliser sa propre véritable énergie élémentaire pour réussir à la sceller. Grâce à ses lectures récentes, Lin Ming maîtrisait désormais parfaitement ces méthodes, et il n’eut aucun mal à s’occuper de cet Esprit de Feu du degré humain. Évidemment, la situation aurait été tout autre face à une essence élémentaire du degré terrestre…
Une fois la Flamme Tellurique bien enchaînée, Lin Ming remarqua avec surprise que les esclaves étaient toujours prosternées sur le sol.
— Vous n’êtes pas encore parties ? interrogea-t-il.
— Sorcier… Envoyé du Sorcier, répondit l’une d’elles d’une voix tremblante. Tout le monde est mort, si nous partons, nous mourrons nous aussi. Je vous en supplie grand Envoyé du Sorcier, sauvez-nous… nous ferions n’importe quoi pour quitter cet enfer…
Maintenant que Lin Ming avait massacré les chefs de la Tribu Ver de Feu, elles espéraient toutes pouvoir suivre ce mystérieux sauveur.
Lin Ming soupira devant les sanglots affolés et désespérés de ces femmes. La force et le pouvoir régnaient en maître absolu en ce monde. Les puissants commandaient aux faibles et il en était ainsi depuis la nuit des temps, formant comme une sorte de loi immuable.
Lin Ming n’était pas un tendre, et encore moins un faible. Les tragédies faisaient partie de ce monde au même titre que les miracles ; des crimes odieux et des méfaits atroces survenaient partout et en tout temps, mais que pouvait bien représenter la volonté d’un seul face à la nature humaine ? Évidemment, maintenant qu’il se retrouvait devant ces femmes, Lin Ming ne pouvait pas ignorer leur détresse.
— Dis-moi où ma lance doit s’abattre et je me ferai le bras armé de votre vengeance.
D’abord surprise par cette déclaration soudaine, la femme qui avait pris la parole serra aussitôt les poings en déclarant : — Tous ceux qui vivent au cœur de la ville sont des membres de haut rang de la Tribu Ver de Feu. S’ils n’avaient pas servi dans l’armée, pillant, violant et massacrant des innocents, ils ne se seraient jamais retrouvés à cette place…
Cette femme avait beau être une esclave, ses mots n’étaient pas moins clairs et son raisonnement cohérent. Sans doute était-elle la fille d’un seigneur local tué au combat. Les esclaves au service du chef de tribu et des plus hauts dignitaires étaient rarement de simples paysannes.
— Comme tu voudras !
Alors, Lin Ming empoigna la Lance Divine Pourpre et, retirant l’enchantement de la Perle des Songes, sauta par la fenêtre avant de disparaître dans l’obscurité.
Le regard de la femme se perdit dans le vide derrière lui. Tout cela était-il bien réel ?
Quelques instants plus tard, les premiers cris résonnèrent en dehors de la tour, déchirant le silence de la nuit.
Le groupe d’esclaves se précipita immédiatement à la fenêtre pour regarder en dehors, et elles virent des éclairs violets illuminer la ville. En une fraction de seconde, plusieurs dizaines de personnes furent réduites en cendres. Les jeunes femmes restèrent parfaitement interdites devant ce spectacle terrifiant. Ces individus qui venaient de mourir étaient tous des personnages importants ou de grands guerriers de la Tribu Ver de Feu. Et pourtant, ce démon encapuchonné les tuait les uns après les autres tels des insectes.
Les jeunes femmes avaient déjà été témoins de la force de Lin Ming, mais elles auraient pu la revoir mille fois qu’elles seraient toujours dans le même état de choc. L’existence de Lin Ming dépassait le spectre de leur compréhension…
La longue lance dansait au milieu du feu et de la foudre, emportant plusieurs vies avec elle à chaque coup. Et de toutes ces personnes, les plus mauvais d’entre eux étaient au Façonnage Osseux, quand la plupart se trouvaient à la Condensation de l’Impulsion.
Cette nuit sanglante sonnerait le glas de la Tribu Ver de Feu…
