Le Maître des Secrets | Lord of the Mysteries | 诡秘之主
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Chapitre 76 – Gestion des suites
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Chapitre 76 – Gestion des suites

La balle d’argent parcourut la courte distance qui séparait Klein du clown et traversa avec précision son cou, projetant de grandes quantités de sang qui vinrent teinter de rouge sa peau et son nœud papillon.

Le clown en costume ne put pas même pousser un cri : sa gorge produisait des sons similaires aux halètements de quelqu’un qui manquerait d’air. Il aurait voulu lever le bras pour détourner la blessure mortelle, mais ses articulations semblaient pleines de colle. Ses mouvements étaient lents et saccadés.

Entré en état semi-méditatif, Klein, nullement impressionné à la vue du sang, appuya une nouvelle fois sur la gâchette, aussi calmement que s’il était à son entraînement quotidien.

Un horrible trou apparut sur le front du clown en costume et un flot de cramoisi en sortit. La lueur de ses yeux s’estompa : ce revolver était beaucoup plus puissant que Klein ne l’aurait imaginé.

Les genoux du clown se dérobèrent et, les bras pendants, il s’effondra lentement sur le sol, les yeux fixes et hagards.

Son corps convulsa à plusieurs reprises, puis se relâcha et cessa de bouger.

Klein se détourna froidement, tourna le barillet de son revolver pour faire tomber les douilles et, toujours vêtu de son costume noir et de son semi-haut-de-forme coupé, se dirigea vers Ayur Harson. Il prit alors dans sa poche sa dernière balle de chasse au démon et l’inséra dans la chambre du revolver.

S’il ne s’était pas retourné pour assister à la fin tragique du clown en costume, c’était uniquement parce qu’il n’était pas à l’aise d’avoir commis son premier meurtre. Mais il n’avait pas le choix, ne sachant pas ce qui se passerait si son adversaire était sous le contrôle total de la marionnette.

De plus, il ne voulait pas prendre le risque d’entrer dans la zone d’influence effective de l’Artefact scellé 2-049. En effet, nul ne pouvait savoir si des phénomènes étranges se produiraient, de nature à faire échouer le rituel qui lui avait permis de s’en sortir indemne.

Klein ne se souciait guère des objets que pouvait porter sur lui ce clown, excepté d’éventuels indices ou encore la formule de sa potion. Cependant, il n’était pas pressé car d’ici peu, il pourrait examiner cela avec Dunn, Ayur et les autres. Si la formule tombait entre les mains des Faucons de Nuit, il était, pour ainsi dire, certain de l’obtenir, car il n’y avait aucune raison qu’ils refusent de lui en faire part. Tout au plus serait-il tenu de cumuler les contributions au fil du temps. Après tout, il n’y avait que depuis peu qu’il était devenu Voyant et il lui faudrait encore longtemps avant de totalement l’intégrer.

Tout à ses pensées, Klein s’approcha rapidement d’Ayur Harson. L’homme en coupe-vent gris luttait pour s’asseoir mais en vain. Il était couvert de poussière et de terre.

– « Que voulez-vous que je fasse, M. Harson ? » demanda-t-il en s’accroupissant, le revolver pointé vers le sol pour éviter tout accident.

À court de souffle, Ayur soupira :

– « Le monstre était trop fort. Sans cette faiblesse… » il pointa du doigt un petit flacon de métal bleu ciel non loin de lui et ajouta avec un sourire amer : « J’ai tenté de prendre ce remède mais ma main tremblait trop… »

Le flacon en question était à peu près aussi large que le doigt de Klein. Il ne mesurait pas plus de cinq centimètres de long et un bouchon qui cachait des motifs en spirale reposait non loin. Tout le liquide s’était déversé.

Klein tendit la main pour ramasser la petite bouteille, la regarda attentivement puis répondit, impuissant :

– « M. Harson, il ne reste plus que quelques gouttes. »

– « Allez voir… Borgia et fouillez ses poches…ses poches intérieures », dit Ayur, à bout de souffle.

Klein se releva :

– « Entendu. S’agit-il d’un remède régénérateur ? » demanda-t-il, mine de rien, en pensant à Un objet occulte ?

– « Non, ses effets thérapeutiques sont moindres. Il sert essentiellement à stimuler notre esprit et à exprimer le potentiel… de notre corps. Ses effets sont de courte durée, mais il nous permet de retrouver un état suffisant pour rentrer et recevoir un traitement. » Ayur fit une nouvelle tentative pour s’asseoir mais retomba : « Son nom est Regard de la Déesse… N’oubliez pas d’en faire boire la moitié à Borgia. »

Klein ne perdit plus une seconde. Il se précipita vers Borgia qui gémissait de douleur, fouilla dans sa poche et, ayant trouvé le petit flacon, le déboucha et le pressa avec précaution contre les lèvres du Faucon de Nuit.

L’ayant senti, celui-ci fit son possible pour ouvrir la bouche et un liquide rouge sombre s’écoula.

Klein ayant estimé la quantité de liquide contenue dans la petite bouteille, il s’arrêta juste à temps et remit le bouchon en place.

Le remède était plutôt efficace, car il ne fallut à Borgia que quelques secondes pour que son regard reprenne vie.

– « Merci », murmura-t-il en prenant appui sur le sol pour s’asseoir lentement.

Il s’occupa d’abord de ses blessures puis se dirigea vers Loretta et Dunn, toujours inconscients et récupéra le Regard de la Déesse dans la poche intérieure de ce dernier.

Klein, de son côté, retourna près d’Ayur et lui versa dans la bouche la demi-bouteille restante.

Après qu’il eût haleté à plusieurs reprises, ses gestes devinrent soudain plus agiles et il se releva. On aurait dit qu’il n’avait jamais été blessé.

– « Je vais aider Borgia. Vous, allez vous occuper de votre partenaire », dit le charmant gentleman d’âge moyen en montrant du doigt Léonard Mitchell.

Klein, qui n’y voyait aucune objection, courut vers le “poète”.

– « Inutile, je peux boire seul », dit Léonard, les cheveux ébouriffés, en souriant, après quoi il leva le petit flacon bleu ciel.

En voyant Léonard se lever avec agilité, ne s’aidant que d’une main, Klein qui s’apprêtait à le railler, fut soudain stupéfait.

Les blessures de Léonard sont plus légères que je ne le pensais…

S’il était en capacité de consommer le médicament dès le début, il a parfaitement pu me voir marcher dans le sens inverse des aiguilles d’une montre comme je l’ai fait lors de mon rituel.

Non, c’est bon. J’ai récité mentalement mes incantations et extérieurement, le rituel n’avait rien d’étrange sans quoi le clown en costume ne serait pas tombé dans le panneau…

Mais ceci dit, Léonard, qui était remis depuis longtemps mais a préféré observer sans se manifester, a vu beaucoup de choses. Par exemple le fait que je ne sois pas affecté par le 2-049 et mon attaque furtive contre le clown…

Klein plissait légèrement les yeux lorsque Léonard, qui marchait dans sa direction, s’arrêta près de lui et eut un léger rire :

– « En fait, je m’apprêtais à venir à votre secours, mais je me suis aperçu que vous n’en aviez pas besoin. 

« Ne vous en faites pas, il y a beaucoup de gens spéciaux dans ce monde, capables de faire des choses impossibles aux autres, comme vous…

« …et moi », acheva le “poète” en souriant, après quoi il passa devant Klein et se dirigea vers Dunn et Loretta qui revenaient à eux.

Narcissique… Se dit Klein, beaucoup plus détendu.

À première vue, Léonard Mitchell cachait pas mal de secrets…

Alors qu’il rejoignait les autres, plongé dans ses pensées, il vit le Capitaine Dunn prendre un chiffon et ramasser le carnet de la famille Antigonus couvert de taches de sang d’un brun jaunâtre.

Celui-ci était entièrement recouvert d’un papier noir épais qui dégageait une aura antique et lointaine, sans présenter le moindre signe de ramollissement ou de pourriture. Il était presque identique à celui que Klein avait vu en rêve et il se dit qu’en l’ouvrant, il tomberait sur le Fou coiffé d’un splendide couvre-chef.

Cependant, il se rendit aussitôt compte qu’il avait extrapolé en voyant Dunn feuilleter le carnet pour une dernière confirmation.

Le jeune homme, qui n’était pas sous le bon angle, ne pouvait discerner le texte mais une chose était certaine : il n’y avait, dans le carnet, aucun dessin représentant un Fou aux vêtements magnifiques et à la splendide coiffe.

– « Euh… je ne vois rien de mauvais », dit Dunn en refermant le document qu’il serra fermement dans sa main. Puis, il regarda Ayur et les autres : « Stockons ce carnet et l’Artefact Scellé 2-049 derrière la porte Chanis de Tingen. Nous attendrons que vous ayez tous récupérés ou que Backlund nous envoie quelqu’un. »

En entendant cela, Klein se sentit à la fois un peu déçu et ravi. Il souhaitait revoir le carnet de la famille Antigonus et comprendre la raison de la mort du Klein original, de Welch et de Naya. Cependant, il avait aussi le sentiment que cet objet ancien apportait le malheur et était souvent à l’origine de catastrophes, aussi n’osait-il pas y toucher.

Le remettre au siège de l’Église et le sceller est la solution la plus sage, soupira-t-il intérieurement.

– « Très bien », répondirent à l’unisson Ayur Harson, Borgia et Loretta qui se dirigèrent vers l’Artefact Scellé 2-049.

Ils se réveillèrent mutuellement et remirent la marionnette qui avait recommencé à se mouvoir dans le coffre noir, la fissure leur permettant de la surveiller de près.

– « Tout est rentré dans l’ordre », commenta Ayur, visiblement plus détendu.

À l’intérieur du coffre noir faiblement éclairé, la marionnette enveloppée d’un chiffon taché d’huile se retourna avec un grincement et offrit son visage de clown peint à la source de lumière.

Sur ce visage à donner la chair de poule, sous les yeux noirs sans pupille, apparurent deux fissures cramoisies à peine perceptibles.

Pendant ce temps, Dunn, Léonard et Klein qui avait retrouvé courage, se mirent à fouiller le cadavre du clown en costume. Ils y trouvèrent des fleurs en papier, des mouchoirs, des cartes de poker, des morceaux de verre et toutes sortes d’objets étranges.

Outre cela, il ne semblait y avoir aucun indice prometteur ou ayant une quelconque valeur.

Hmm, à part le portefeuille qui contient soixante-dix à quatre-vingts Livres et dix Soli… soupira discrètement Klein.

Cet argent en tête, il baissa aussitôt les yeux pour s’inspecter et son visage s’allongea littéralement.

Son costume, qui lui avait coûté plusieurs livres, était déchiré en six endroits du fait qu’il avait roulé sur le sol. De plus, il était couvert de poussière et de saleté. 

Dunn lui jeta un coup d’œil et esquissa un sourire :

– « Les pertes subies lors d’une mission peuvent être remboursées. »

Remboursés… En entendant le terme “inventé” par l’empereur Roselle, Klein se sentit soudain merveilleusement bien.

Ce costume a juste besoin d’être nettoyé et raccommodé. Il est encore présentable…

Et quand j’aurai été remboursé, je pourrai en acheter un autre et les porter à tour de rôle !

Hmm, je ne suis pas le genre de personne à utiliser un remboursement pour autre chose que ce à quoi il était destiné…

Mais tout de même, je devrais penser à me procurer des vêtements pour le combat, comme le coupe-vent noir du Capitaine… Des vêtements faits dans un tissu légèrement plus modeste seraient beaucoup moins chers qu’un smoking… Je suis sûr que c’est ce à quoi pense cet idiot de Léonard, c’est pourquoi il n’aime pas porter de costumes…

– « Laissez Frye s’occuper du cadavre. Nous verrons bien s’il parvient à savoir à quoi cet homme ressemblait à l’origine ou s’il trouve des indices pertinents », dit Dunn en effleurant le visage peint du clown de sa main gantée.

Ils fouillèrent ensuite l’entrepôt central et virent des morceaux de chair ensanglantée, visiblement écrasés par des rochers, puis des os blancs éparpillés partout.

– « Ray Bieber absorbait le pouvoir du carnet via un ancien rituel, tout comme nous lorsque nous absorbons une potion de Séquence de niveau supérieur. Ces rituels, extrêmement dangereux, doivent être effectués dans un environnement isolé de toute perturbation. De plus, son rituel nécessitait certainement qu’il reste un certain temps en état de sommeil profond, ce qui témoigne qu’il n’ait pas encore quitté Tingen », expliqua Dunn après avoir fait le tour de l’entrepôt.

À ces mots, Loretta eut un sourire. Ses cheveux noirs contrastaient fortement avec son visage pâle.

– « Quel dommage que nous l’ayons réveillé trop tôt. Sa colère était vraiment impressionnante ! »

– « C’est une sorte de perte de contrôle », dit Dunn, à la fois comme une explication et comme une leçon, en regardant Klein.

– « Pourquoi n’a-t-il pas simplement quitté Tingen et essayé de l’absorber ailleurs ? » demanda ce dernier, perplexe.

Ayur eut un sourire en désignant sa tête :

– « Les personnes influencées par des pouvoirs anciens ou maléfiques font souvent défaut dans ce département. »

Dunn prit une inspiration et, dissimulant sa douleur, intervint :

– « Léonard, puisque vous êtes en bonne condition, restez ici pour empêcher toute personne ordinaire de s’approcher… Nous autres, nous allons immédiatement rechercher des objets parmi les restes de Ray Bieber, que nous rapporterons avec l’Artefact Scellé et le carnet de la famille Antigonus. Nous ferons ensuite venir Frye, Royale et la police. »

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