Le Maître des Secrets | Lord of the Mysteries | 诡秘之主
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Chapitre 72 – Le Clocher de Minuit
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Vol 2 : L’Homme Sans Visage / Chapitre 72 – Le Clocher de Minuit

Audrey, qui avait mis en place un mode de communication d’urgence avec Xio et Fors, leur transmit aussitôt le message du Fou par l’entremise Susie, prétendant que les informations qu’elle avait reçues provenaient d’autres sources.

A l’angle d’une vieille église, tout en réfléchissant à un moyen d’être certaine de l’identité de Lanevus, à la façon de créer le chaos et de venger Williams, Xio déplia la boule de papier.

… Inutile de vérifier. C’est donc bien Lanevus ? Ses yeux s’élargirent à mesure qu’elle parcourait le message. Son contenu était clair :

« Seule solution, prévenir l’Église de la Déesse de la Nuit Éternelle. Faites-leur savoir que Lanevus est doté de la divinité du Vrai Créateur. »

– « La divinité ? La divinité du Vrai Créateur ? » S’écria Xio en regardant sa chienne.

L’animal aussi était abasourdi.

– « Quoi ? »

Fors, qui écoutait, eut soudain l’impression que quelque chose clochait. Elle s’empara du papier et le parcourut.

Un moment plus tard, désemparée, elle fit une moue et lâcha :

– « Ce… ce doit être une blague, non ? Pourquoi serions-nous impliquées dans une affaire liée à la divinité d’un dieu maléfique ? »

Nous étions supposées contribuer à la capture d’un escroc rusé pour seulement 200 Livres !

Susie, par ses grands yeux innocents, lui fit comprendre qu’elle n’était qu’un chien et ne savait pas non plus ce qui se passait.

Fors, qui n’attendait pas d’un animal qu’il réponde à ses questions, regarda Xio :

– « J’ai bien peur que Miss Audrey ne soit pas aussi naïve et innocente que nous le pensions. Elle cache de nombreux secrets. Il pourrait s’agir d’une lutte de pouvoir entre une secte, les nobles et l’Église.

« Mais de toute évidence, elle n’était pas au courant de cette question de divinité, donc quelqu’un se sert d’elle. Hmm… Ce pourrait être son père, le Comte Hall. 

« Par chance, l’affaire se termine ici. Vous n’aurez plus à prendre de risque. Trouvez quelqu’un pour faire le rapport et attendez tranquillement de toucher la prime. »

– « C’est vrai… », Murmura Xio, surprise. « Espérons que les Faucons de Nuit seront en mesure de venger Williams. Ils sont si forts qu’ils y parviendront sûrement. Certainement que… »

Elle ne termina pas sa phrase. Détournant la tête, elle ajouta comme pour elle seule : « Je suis encore trop faible…. Trop faible. »

Sur ces paroles, elle se couvrit la bouche et le nez.

Je suis encore trop faible… Sans quoi j’aurais choisi de me venger moi-même mais pour le moment, je ne puis que reculer… Ne parlons même pas du ‘Géant’ et de ces assistants autour de Lanevus. Sa seule divinité ne me permet pas de l’affronter… A la vitesse où réagissent Les Faucons de Nuit, ils passeront certainement à l’action ce soir, dès qu’ils auront reçu le rapport. Le diocèse de Backlund arrive en second après le siège de l’Église. Ils ont beaucoup d’Artefacts scellés et de puissants Transcendants. Inutile d’attendre des aides supplémentaires…

Après avoir passé les informations à Audrey, Klein retourna dans le monde réel. Il se colla une barbe, changea de coiffure et se regarda longuement dans le miroir avec une impatience et une excitation mêlées à une certaine déprime et à un sentiment d’impuissance.

Avant que le soir ne tombe, le jeune homme quitta le Club Quelaag pour rentrer chez lui. En chemin, il s’arrêta au marché et sur un étal très fréquenté, acheta plusieurs masques dont un de clown.

Il avait décidé d’assister le soir même à la traque de Lanevus!

Il voulait, de ses propres yeux, le voir payer le prix de sa folie !

N’étant pas assez puissant, il ne pouvait qu’observer de loin, n’ayant pas la possibilité de s’approcher.

À onze heures, heure où beaucoup étaient plongés dans leurs rêves, Klein revêtit l’uniforme d’ouvrier gris-bleu qu’il portait la veille, mit sa casquette, parcourut quelques rues et prit une voiture de location en direction du Quartier du pont Backlund.

Arrivé là, il se rendit à pied au quai de Balam Est.

La veille, au cours de ses interviews, il avait posé des questions comme “où logez-vous maintenant” et “à quoi cela ressemble-t-il”. Il savait donc pertinemment que Lanevus passait ses nuits au dortoir que le Syndicat mettait à sa disposition.

Mais au lieu de s’en approcher, le jeune homme prit soin de le contourner. Il avait l’intention de se rendre au clocher du Quai de Balam Est.

Outre l’église de Backlund au haut clocher emblématique, de nombreux bâtiments gouvernementaux en possédaient un. Pas nécessairement hauts, grandioses ou magnifiquement décorés, ceux-ci avaient été construits pour des raisons pratiques, comme c’était le cas pour celui situé sur le quai de Balam Est.

Comparé aux bâtiments environnants qui faisaient au maximum deux étages, il surplombait toute la zone, semblable à un géant dressé dans le ciel nocturne.

Klein accéda sans difficulté au clocher et dans l’obscurité, grimpa rapidement l’interminable volée de marches en spirale.

Enfin, il arriva au sommet de la gigantesque horloge murale. Elle était entourée d’une clôture d’un jaune sombre et au-dessus de sa tête, à portée de main, se dressait une flèche.

Klein fit quelques pas puis, caché dans l’ombre, prit ses repères et regarda en direction du dortoir du Syndicat.

C’était un bâtiment rouge-brique de deux étages et les piétons occasionnels, vus de si haut, ressemblaient à des points noirs.

Le jeune homme observa quelques secondes, puis recula et se fondit dans l’obscurité.

Là, il sortit le masque qu’il venait d’acheter et le mit.

C’était un masque de clown avec son nez rouge et son large sourire.

Un clown joyeux.

Son masque sur le visage, Klein, enveloppé d’épaisses ténèbres, attendit patiemment le spectacle programmé.

Deux heures s’écoulèrent.

Les aiguilles de la grande horloge murale indiquaient une heure passée lorsque soudain, il vit quelque chose voler au loin.

C’était un immense dirigeable entièrement peint en noir !

Sans le faible clair de lune, il aurait été impossible de le distinguer du ciel nocturne. Contrairement à ce qu’en disaient les journaux et magazines, qui les décrivaient comme des machines émettant de lourds bruits mécaniques, l’aérostat était aussi silencieux qu’un vautour qui vient de repérer sa proie et attend le bon moment.

Sous le cadre, fait d’un alliage solide et léger recouvert de toile de coton, était suspendu le compartiment destiné aux canons, lanceurs de projectiles et fusils. Un puissant moyen dissuasif au premier coup d’œil.

Aucun bruit… Est-ce un effet temporaire obtenu par des moyens Transcendants ? Se demanda le jeune homme en observant dirigeable qui descendait lentement.

Mais ce qui le laissait perplexe, c’était surtout le fait d’utiliser un dirigeable dans le cadre d’une petite bataille entre Transcendants et ce dans une zone densément peuplée de la ville !

N’ont-ils pas peur d’infliger des dommages collatéraux aux citoyens des environs ? Ne craignent-ils pas de provoquer la panique ?

Bientôt, le dirigeable se mit à planer à une dizaine de mètres dans les airs, de sorte que Klein n’eut pas à craindre d’être découvert. En effet, il se trouvait bien plus haut.

Alors qu’il observait ce qui se passait en-dessous, il eut soudain une intuition. L’aérostat n’allait certainement pas s’engager dans le combat. Il était là pour assurer la surveillance aérienne afin d’offrir une meilleure perspective au personnel impliqué dans l’opération et d’empêcher la cible de s’échapper en cas d’accident.

Au même moment, trois silhouettes en robes noires apparurent devant le bâtiment rouge brique.

L’homme à leur tête, qui ne portait pas de chapeau, avait des cheveux châtain doré coupés très court et des yeux vert sombre aussi profonds qu’un lac lorsqu’il n’y a pas de vent.

Il avait relevé le col de sa chemise, celui de son coupe-vent et portait des gants rouge sang.

Autour de son poignet gauche était enroulée une chaîne de métal blanc-argenté reliée à une valise métallique.

Il s’agissait de Crestet Cesimir, l’un des neuf diacres de haut rang de l’Église de la Déesse de la Nuit Éternelle et l’une des trois puissances des Gants Rouges, qui se trouvait justement à Backlund.

Cesimir regarda devant lui puis tourna la tête vers la gauche et a dit à son subordonné :

– « Utilisez l’Artefact Scellé 1-63. »

– « Bien, Votre Excellence », répondit le Faucon de Nuit en s’accroupissant pour détacher la chaîne enroulée autour de la mallette.

Crestet Cesimir avait les muscles particulièrement tendus, comme s’il luttait contre quelque chose.

Le Faucon de Nuit qui se tenait à sa gauche prit une profonde inspiration et appuya brusquement sur la boîte, créant une fissure dans les ondulations irréelles formées à sa surface.

Le halo tout autour disparut, comme aspiré dans la mallette tandis qu’une épée d’os, qui mesurait moins d’un mètre de long, s’élevait lentement dans les airs en émettant une brillante lumière d’un blanc immaculé.

A sa lame était attaché un antique miroir recouvert d’argent dans lequel les images reflétées se superposaient à l’infini.

Le Faucon de Nuit le prit et le pointa vers le bâtiment rouge brique qui s’y refléta clairement, sans changement apparent.

Cesimir expira lentement et tendit la main gauche pour saisir la courte épée dont le halo était quelque peu restauré.

– « Entrons », dit-il en s’avançant vers le bâtiment de briques.

Les trois Faucons de Nuit pénétrèrent alors dans le sombre immeuble et avisèrent l’escalier qui menait à l’étage.

Soudain, un grand et mince personnage qui se tenait caché dans un coin émergea de l’ombre. Il portait un uniforme de prêtre noir, avait des cheveux bouclés d’un blond pâle et des yeux de bête marron foncé.

– « Vous êtes l’Épée de la Déesse ? » Demanda le “Géant” de près de deux mètres de haut d’une voix grave.

Au même moment, il serra le poing droit et les membres du syndicat endormis dans le petit bâtiment explosèrent l’un après l’autre sans même avoir eu le temps de pousser un cri.

La moitié de leurs corps transformés en un amas de chair gluant se précipita vers le “Géant” pour lui former une cape capable de réduire les dégâts magiques tandis que l’autre se condensait en une couverture de fourrure géante et recouvrait les trois Faucons de Nuit.

Crestet Cesimir se contentait d’observer en silence.

Sans un bruit, la chair et le sang se dissipèrent et retombèrent en pluie sans toutefois tacher le sol.

Dans chacune des pièces, les silhouettes profondément endormies réapparurent.

– « Voici le monde du miroir, un monde qui ne cible que les Transcendants. Les bombes de chair que vous avez plantées dans le corps de ces gens ordinaires ne sont qu’illusions ici », dit Cesimir qui, levant l’Artefact Sacré qu’il tenait à la main, fit disparaître la lumière autour de lui.

Hmph ! le “Géant” s’arracha brusquement le bras gauche et le lança !

Celui-ci explosa tel une bombe et se répandit en une pluie de sang sur les trois Faucons de Nuit.

Dans le même temps, la chair de son épaule se mit à se tortiller et un nouveau bras repoussa peu à peu, encore tout sanguinolent et dépourvu de peau.

Les gouttes de pluie couleur de sang, évitant avec précision Cesimir et les autres, retombèrent en grésillant sur le sol où elles laissèrent des traces sombres et profondes.

Elles avaient beau essayer, elles manquaient toujours d’un cheveu les trois Faucons de Nuit, comme si c’était une fatalité.

– « Mes ennemis n’ont pas toujours de la chance », lança Cesimir avec un rictus.

Il fit un pas et se retrouva aussitôt devant le “Géant” dont les yeux se rétrécirent tandis qu’il fondait tel une bougie en un amas de chair et de sang qui s’infiltrèrent aussitôt dans le sol.

Cesimir s’agenouilla et y plongea l’Artefact Sacré.

– « Non ! »

Un rugissement de douleur et d’horreur s’éleva au milieu des ténèbres, immédiatement englouti par la tranquillité et la sérénité.

Cesimir se releva et retira l’épée. Une goutte rouge sombre s’écoulait lentement de sa pointe et du sol suintaient de la chair et du sang qui prirent la forme d’un visage désespéré. C’était précisément le “Géant” à la bouche légèrement tombante.

Trois ombres apparurent successivement autour de Cesimir mais inexplicablement, elles s’écroulèrent sur le sol, prises d’assaut par une foule d’entités invisibles !

Un autre Faucon de Nuit tira une balle dont on aurait dit qu’elle était ornée de l’Emblème Sacré de la Nuit Éternelle et brusquement, les trois assaillants cachés dans l’ombre apparurent, tremblants et à court de souffle.

– « L’Évêque Rose, l’Ascète de l’Ombre… Des gens de l’Ordre Aurora », murmura Cesimir en fronçant les sourcils, après quoi, sans se retourner, il ajouta à l’adresse de ses compagnons : « Quelque chose ne va pas. C’est très étrange. Soyez prudents. »

Il n’avait pas fini de parler qu’un bruit de pas traînants se fit entendre dans le profond silence et il vit Lanevus au visage buriné, vêtu d’une chemise de lin, descendre tranquillement le sombre escalier. Il ne montrait aucun signe de peur.

– « Quelque chose m’intrigue. Pourquoi l’Ordre Aurora enverrait-il des gens pour vous protéger alors qu’à leurs yeux, vous êtes un blasphémateur ? » Demanda Cesimir – qui de toute évidence n’avait pas remarqué l’anomalie – sur un ton désinvolte.

Avec son sourire moqueur bien caractéristique, Lanevus répondit :

– « C’est simple. Je ne suis plus seulement Lanevus. »

Il s’arrêta un instant et son regard devint froid : « Désormais, je suis davantage le Vrai Créateur ! »

D’un geste sec, il ouvrit sa chemise de lin, révélant sa poitrine et son abdomen dépourvus de peau dont la chair et le sang réunis formaient l’image d’un pendu !

Tout à coup, le vide autour d’eux se brisa comme du verre et toutes les images disparurent.

C’était l’effet d’une aura divine.

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