Le Maître des Secrets | Lord of the Mysteries | 诡秘之主
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Chapitre 256 – La Reine Vampire
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Au-dessus du brouillard gris, à l’intérieur du palais semblable à la résidence d’un géant…

 

Emlyn, alias La Lune, réfléchit longuement à la partie de l’histoire des Sanguins qu’il allait devoir raconter au Fou.

 

Lui et l’Ancêtre étant de vieux amis, il doit savoir ce qui s’est passé avant le Cataclysme, je n’ai donc pas besoin de le répéter… Aux Quatrième et Cinquième Époques, la gloire des Sanguins n’était pas chose rare et s’il y a une grande part d’histoire à raconter, un seul point est particulièrement important…

 

Très vite, Emlyn eut une idée.

 

De ce qu’il savait, le Fou était probablement un antique dieu d’avant le Cataclysme. Pour des raisons inconnues, il n’avait pas péri. Il avait dormi jusqu’à ce jour et se rétablissait progressivement.

 

Cela expliquait pourquoi les archives des Sanguins, dont l’histoire s’étendait sur des millénaires, ne faisaient nullement mention d’une entité secrète de ce genre. Ceci jusqu’à ce que son titre honorifique, brusquement, se répande.

 

Après quelques délibérations, le vampire se redressa :

 

– « Après le Cataclysme », commença-t-il, « les Sanguins ont quitté le centre de la scène historique des Continents Nord et Sud et à titre individuel plutôt qu’en qualité de race, sont devenus des nobles appartenant à différents empires et dynasties. Ils gouvernaient des territoires ou gardaient des châteaux situés dans des zones clé.

 

« Cela a duré jusqu’à ce que notre reine Auernia, la Reine de la Lune de Sang qui nous a fait sortir de l’âge des ténèbres, épouse l’Empereur de la Nuit de la dynastie Trunsoest. Elle a alors rassemblé tous les Sanguins qui sont devenus d’importants partisans de la dynastie. À cette époque, Augustus de Loen et Einhorn de Feysac étaient tenus de s’adresser respectueusement à notre reine en l’appelant ‘Sa Majesté’.

 

« La reine Auernia était alors le symbole de la beauté. Un miroir magique capable de répondre aux questions l’aurait aussitôt désignée en réponse à ‘qui est la plus belle de toutes’… »

 

Plus Emlyn parlait, plus il était fier. De réservé et sérieux, il était devenu extrêmement bavard.

 

Un miroir magique capable de répondre aux questions, ne serait-ce pas Arrodes ? Je me demande s’il existe des membres de la Conscience Collective des Machine qui s’ennuient tellement qu’ils posent la question “Miroir, miroir sur le mur, qui est la plus belle d’entre toutes”… Je serais curieux de connaître la réponse d’Arrodes.

 

Klein, toujours assis dans la même posture, eut un sourire alors que ses pensées vagabondaient.

 

Après un long discours, Emlyn prit un air grave.

 

– « Tout cela a volé en éclats lors de la Guerre des Quatre Empereurs. L’Empereur de la Nuit et la reine étant morts, les Sanguins ont subi un coup terrible et alors qu’ils tentaient de récolter les derniers fruits de la victoire, les quatre familles nobles – Augustus, Einhorn, Sauron et Castiya – ont divisé l’empire, détruisant la famille royale qui manquait d’êtres de haut niveau. Les Sanguins n’eurent d’autre choix que de se retirer dans une montagne inhabitée et se cacher dans l’ombre afin de maintenir la pérennité de notre race. »

 

Je m’en doutais… Les sept dieux étaient déjà les sept dieux durant la Guerre des Quatre Empereurs… se dit Klein, se remémorant la statue des six dieux dans les ruines Tudor.

 

– « Heureusement, les sept dieux étaient divisés à l’époque et les quatre pays s’attaquaient mutuellement. Nous en avons payé le prix, mais avons finalement échappé au désastre », expliqua Emlyn qui, chose rare chez lui, était particulièrement animé.

 

Il regarda Klein : « Honorable M. Le Fou, avez-vous le temps de m’écouter vous parler des actes de la Reine de la Lune Sanglante et de la gloire dont jouissaient autrefois les Sanguins ? Il s’agit d’un lourd tome aux pages pleines d’exposés glorieux. Je peux répéter tout ce qui s’y trouve. »

 

Apparemment vous êtes intarissable… Moi qui pensais que vous étiez un vampire qui aimait les marionnettes et ne connaissait pas grand-chose à l’histoire. Je n’aurais pas cru vous puissiez être aussi professionnel et académique… Pas étonnant que vous ayez toujours cru que les Sanguins étaient des nobles et que vous en soyez fier… Ce genre de type qui n’aime pas sortir va se plonger dans des recherches approfondies sur un sujet qui l’intéresse. De plus, les vampires vivent plutôt longtemps…

 

Klein hésitait, prêt à décliner l’offre d’Emlyn en usant d’euphémisme.

 

Même s’il ne manquait pas d’intérêt pour l’histoire, le temps ne lui permettait pas de tout écouter.

 

– « Cela suffira », dit-il avec un sourire. « J’aime les échanges équitables, aussi je ne permettrai pas que vous fassiez des déclarations sans y gagner quelque chose. À l’avenir, lorsque vous en aurez l’occasion, vous pourrez utiliser votre histoire pour obtenir de moi ce que vous souhaitez. »

 

– « … Très bien », répondit Emlyn, un peu perdu sur le moment.

 

C’était la première fois qu’il avait l’occasion de parler à quelqu’un de la gloire des Sanguins.

 

En temps normal, il ne pouvait se montrer aux humains. Quant aux Sanguins, ils savaient tout ce qu’il fallait savoir et il n’était pas chargé d’éduquer les nouveau-nés.

 

Klein reprit son attitude hautaine :

 

– « Très bien, vous pouvez repartir à présent. »

 

Aussitôt, une lumière rouge sombre s’alluma devant les yeux d’Emlyn White et l’engloutit.

 

Après un bref étourdissement, il s’aperçut qu’il était toujours assis dans la calèche.

 

Puis il vit un parchemin illusoire en peau de chèvre et apprit comment solliciter l’aide du Fou par le biais d’un rituel de pacte secret.

 

Une fois rentré chez moi et lorsque j’aurai un moment de libre, je procèderai au rituel et demanderai à M. Le Fou de dissiper mon indice psychologique… se dit-il, soudain tout excité.

 

Lorsque la calèche arriva à l’Église de la Moisson, il se calma et régla sa course.

 

Une fois entré, il vit avec soulagement l’évêque Utravsky prêchant aux quelques croyants présents. Il n’était plus aussi contrarié qu’à l’accoutumée et se sentait plutôt détendu.

 

Soudain, quelque chose lui traversa l’esprit.

 

Le Père Utravsky n’a jamais semblé vouloir m’empêcher de trouver un moyen de dissiper l’indice psychologique… Qu’a-t-il en tête exactement ?

 

 

Quartier Est, dans un café graisseux…

 

Klein, qui était arrivé à l’heure prévue, dégustait du pain de blé accompagné d’un ragoût d’agneau aux pois frais tout en écoutant le vieux Kohler lui rapporter les informations qu’il avait recueillies au cours de la semaine.

 

Malheureusement, il n’y avait rien qui puisse avoir de la valeur.

 

Lorsque le vieil homme eut terminé, Klein réfléchit un moment puis prit deux livres en billets qu’il poussa devant lui.

 

– « Vous m’avez déjà payé tout à l’heure ! », s’exclama Kohler en agitant les mains.

 

Klein eut un petit rire :

 

– « D’ici une semaine, je pars en vacances dans le sud. Après une année de dur labeur, il est temps pour moi de prendre un peu de repos. Comme il se peut que je ne revienne pas avant deux ou trois semaines, je vous règle d’avance. Héhé, n’oubliez pas de collecter des informations. »

 

– « D’accord, d’accord ! »

 

Le vieux Kohler prit les billets avec un mélange de joie et de gratitude.

 

Il avait déjà réfléchi à la façon dont il passerait le nouvel an.

 

Il se procurerait le jambon cru qu’il avait hésité à acheter pour le manger avec son pain.

 

Je ne peux plus attendre… Merci, détective Moriarty ! pensa-t-il en avalant sa salive sans s’en rendre compte.

 

Klein prit son chapeau, hésita un instant et dit :

 

– « Vous avez dû remarquer que le Quartier Est est un peu chaotique ces derniers temps. N’allez pas prendre de risques pour de simples informations. Si vous remarquez quelque chose d’anormal, cachez-vous immédiatement et évitez de vous impliquer. »

 

L’affaire du Prince Edessak l’inquiétant beaucoup, il avait tenu à rappeler cette règle au vieux Kohler.

 

– « Je comprends. Je suis très craintif, aussi ne prendrai-je pas de risques », répondit l’homme en se tapotant la poitrine.

 

– « Très bien. »

 

Puis, se souvenant de la blanchisseuse Liv et de ses deux filles Freja et Daisy, qui aimaient lire et voulaient changer leur destin, Klein ajouta d’un air pensif : « Faites attention à la famille de Liv. Ne les laissez pas se faire intimider et s’il survient des émeutes dans le Quartier Est, emmenez-les en lieu sûr. »

 

– « Des émeutes… Vous voulez parler de la résistance des travailleurs ? » demande le vieux Kohler, perplexe.

 

– « Plus ou moins », répondit vaguement Klein.

 

Il ne pouvait rien révéler de plus, sans quoi il risquait d’être repéré par d’autres, voire par l’Artefact Scellé.

 

 

Rentré chez lui à midi, Emlyn White s’assit dans son fauteuil, dans une pièce encombrée de poupées de toutes tailles et profita de la pénombre créée par les rideaux.

 

Il regarda autour de lui et serra les poings.

 

« Je vais m’applaudir ! »

 

Sur ce, il fouilla à la recherche de matériaux contenant de l’énergie spirituelle et se mit à écrire le titre honorifique du Fou accompagné de ses symboles magiques.

 

Après s’être affairé, il tenta le rituel du pacte secret. Peu à peu, son énergie spirituelle se dissipa, comme s’il était arrivé en un lieu incommensurablement élevé.

 

Il distinguait vaguement d’innombrables ombres aux formes ineffables, sept couleurs de lumière qui semblaient renfermer un savoir immense et surplombant le tout, une immensité de brouillard d’un blanc grisâtre.

 

Au-dessus se dressait un antique palais que l’on ne pouvait voir clairement avec, à l’intérieur, une personne enveloppée de brouillard gris.

 

Emlyn vit alors une silhouette dorée, majestueuse et sainte, et des ailes noires qui masquaient le ciel.

 

Il n’eut même pas le temps de compter le nombre de de ces ailes mystérieuses qu’il se sentit flotter, s’élever et il entra en contact avec la silhouette dorée.

 

« Ah ! » S’écria-t-il, pitoyable en se prenant la tête, après quoi il roula sur le sol tandis que de son corps s’échappait une fumée verte.

 

Le vampire mit un certain temps à se calmer, puis la voix grave du Fou retentit à ses oreilles.

 

– « Votre indice psychologique a été supprimé. »

 

C’est donc ce que l’on ressent quand on dissipe un indice psychologique ? C’est vraiment douloureux… pensa Emlyn en s’asseyant sur le sol, haletant. Ses cheveux, d’ordinaire soigneusement peignés, pendaient lamentablement.

 

Au-dessus du brouillard gris, Klein, pensif, hocha la tête :  Les effets purificateurs et dissipateurs de la Broche du Soleil peuvent aussi nuire aux vampires, se dit-il.

 

Ayant fait des calculs pour s’assurer que la ” lumière solaire ” nécessaire pour éliminer l’indice psychologique affaibli n’endommagerait pas gravement Emlyn, il ne pouvait se donner la peine de passer à une approche plus complexe. Et le résultat correspondait effectivement à ses attentes.

 

Cette question réglée, il détacha de son poignet gauche le pendentif en topaze avec dans l’idée de procéder à une divination.

 

Il convient de me rendre au Manoir de la Rose Rouge cet après-midi. 

 

Après avoir psalmodié sept fois cette phrase dans son esprit, il ouvrit les yeux et constata que le pendule restait immobile.

 

Il est bien trop difficile d’obtenir des informations par la divination concernant une chose impliquant un Artefact Scellé de Grade 0 ou une puissance liée. Je ne parviens pas à obtenir de révélations efficaces… soupira le jeune homme qui avait compris l’essentiel du problème.

 

Il recommença pour savoir s’il lui était possible de se rendre au manoir le lendemain après-midi, mais une nouvelle fois, ce fut un échec.

 

Les pensées de Klein se bousculaient.

 

On a toujours dit que la divination n’était pas toute puissante et je viens d’en avoir la preuve… Je vais devoir décider seul… Je dois faire ce pas sans quoi, je n’aurai aucun moyen de quitter la scène sans me faire remarquer pour me rendre en coulisses… Le plus tôt sera le mieux. Je ne peux différer, sinon, je pourrais ne pas pouvoir sortir de cette affaire… 

 

Sa décision prise, il retourna aussitôt dans le monde réel, enfila sa redingote à double boutonnage, mit son semi haut de forme, quitta le 15, rue Minsk et prit la direction du Manoir de la Rose Rouge où vivait le Prince Edessak.

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