Le Maître des Secrets | Lord of the Mysteries | 诡秘之主
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Chapitre 01 – Terre d’Espoir
Chapitre 213 – Encore un regard Menu Chapitre 02 – Madame Sammer

Choo-choo !

Le sifflement d’un train retentit dans toute la gare et un mastodonte métallique, sous la forme d’une locomotive à vapeur avec plus de vingt wagons à sa suite, s’arrêta lentement.

Vêtu d’un smoking et coiffé d’un semi haut-de-forme, Klein, qui portait un sac de voyage qui semblait beaucoup trop grand pour lui, posa fermement le pied sur le sol de Backlund, la capitale du Royaume de Loen.

Cette ville était divisée en deux par la rivière Tussock qui coulait en direction du sud-est, les deux terres étant reliées par le Pont de Backlund et desservies par des ferries. Avec sa population surpassant les cinq millions d’habitants, c’était, des Continents Sud et Nord, la capitale la plus prospère. 

Au loin s’étendaient des brumes légèrement jaunâtres et la visibilité était si mauvaise que les lampes à gaz suspendues au-dessus du quai étaient déjà allumées pour dissiper l’obscurité. 

Il n’est que dix-huit heures trente ? On pourrait croire qu’il est vingt-et-une heures, se dit Klein en secouant imperceptiblement la tête. Soudain, il se souvint d’une blague qu’il avait lue sur le Tussock Times.

Un monsieur qui vient d’arriver à Backlund se retrouve perdu dans la brume épaisse. Impuissant, il voit passer un autre monsieur, tout mouillé, et lui demande : 

– « Comment se rend-on à la rivière Tussock ? »

– « Allez-tout droit », répond aimablement le monsieur. « J’en viens à la nage. » (*)

A chaque fois que je lis les journaux ou les magazines de Backlund, les reporters et les rédacteurs tournent en dérision de toutes les manières possibles et imaginables la pollution de l’air ou le nombre croissant de jours de brouillard… Le Backlund Daily Tribune a même fait des statistiques et constaté que de 60 jours par an il y a trente ans, ils sont passés à 75…. De fait, de nombreuses personnes clairvoyantes ont créé des organisations comme l’Association pour la Réduction de la Suie, l’Association pour la Réduction de la Fumée… Apparemment, un projet de loi en septembre a fait valoir la nécessité d’instaurer un Conseil National de la Pollution Atmosphérique… 

Klein posa son énorme sac de voyage et se pinça le nez pour soulager temporairement ce brusque inconfort.  

Puis, remontant le long de sa chaînette d’or, il sortit de la poche de son gilet une montre à gousset et l’ouvrit.  

Après avoir fait ses adieux à ses frère et sœur, il s’était rendu dans un grand magasin aux fins d’acheter une montre en or pour 4 Livres 10 Solis, assortie d’une chaîne qui lui avait coûté 1 Livre 5 Solis.

Il était terrifié, en effet, à l’idée de ne pas connaître à tout moment l’heure exacte.   

Au départ, le jeune homme envisageait d’acheter une montre à gousset en argent, pensant que cela correspondait mieux à son tempérament. Mais prenant en considération la véritable essence du Clown, il avait finalement opté pour une montre en or, plus ostentatoire. 

6:39… Il n’est pas très tard… 

Il rangea sa montre, reprit sa canne et son sac et suivit tranquillement la foule qui se dirigeait vers la sortie. 

Brusquement et sans crier gare, il prit un virage, et la personne qui le suivait et tendait la main vers sa poche en fut pour ses frais.  

Nullement perturbé par cet épisode, Klein suivit la rue pavée grouillante de monde jusqu’à une intersection. 

Là, au centre d’une pelouse et d’un jardin, se dressait une colonne semblable à une cheminée. 

C’est très probablement une cheminée… Se dit-il en constatant que de l’extrémité de la construction s’échappait une épaisse fumée.  

Une partie de celle-ci flottait haut dans le ciel tandis qu’une autre se condensait en minuscules gouttelettes disséminées.

A nouveau, le jeune homme s’arrêta et posa ses bagages, puis ouvrit le journal et la carte qu’il tenait de l’autre main. Il avait déjà déterminé dans le train où il comptait aller et ce qu’il ferait ensuite.

Son expérience et ce qu’il avait vécu lorsque, le matin même, il s’était déguisé en clown lui avaient fait comprendre la véritable essence de ce personnage.  Même si l’on est en mesure de prédire quelque peu le destin, on n’en est pas moins impuissant face à lui.  On pourrait tout aussi bien dissimuler toute sa douleur, son chagrin, sa confusion ou sa déprime derrière un visage souriant.   

À ce moment-là, il avait nettement senti qu’il « digérait » la potion du Clown et fut convaincu que s’il continuait à « jouer » de cette façon, il ne tarderait pas à tenter une nouvelle évolution.  

Mais c’était précisément là que résidait le problème : il ne connaissait pas le nom correspondant à la potion de la Séquence 7 et encore moins sa formule exacte.

Comment obtenir cette formule ? L’Ordre Secret ne se montre que rarement. Visiblement, ils ne s’intéressent qu’aux objets provenant de la famille Antigonus… C’est une des raisons pour lesquelles les autres ne savent pas grand-chose à leur sujet. Voyons, je devrais prendre en considération deux aspects. Tout d’abord, je vais devoir entrer en contact avec les cercles locaux de Transcendants et voir si je peux trouver des indices. Ensuite, il me faudra tendre un piège à l’Ordre Secret avec pour appât le trésor de la famille Antigonus. D’autant que je possède certaines connaissances au sujet de l’étrange pupille verticale formée de mystérieux symboles.  

Mais c’est très risqué. Je dois me montrer prudent et l’appât ne doit être ni trop, ni trop peu intéressant. Dans le premier cas, je risquerais d’attirer un requin, un requin susceptible de ne faire qu’une bouchée de moi et dans le second, il ne les intéresserait pas…  Zaratul, le chef de l’Ordre Secret, a lui-même instruit l’Empereur Roselle. Peut-être a-t-il obtenu la plus grosse part du gâteau lors de ce festin révolutionnaire… Ceci dit, il n’est peut-être plus en vie car cela remonte à deux cents ans…

Pris dans ses pensées, Klein ressentit soudain le froid qui régnait à Backlund et ne put s’empêcher de frissonner. Il décida de trouver au plus vite un logement.

Il reprit le journal, parcourut la catégorie locations et tomba sur une petite annonce encerclée.  

15 rue de Minsk, Quartier de Cherwood … maison de ville… Loyer hebdomadaire : 18 Solis…

Klein avait mûrement réfléchi au quartier dans lequel il souhaitait résider. Bien que Backlund comptât plus de cinq millions d’habitants, il lui fallait tout de même se méfier d’éventuelles rencontres avec les Faucons de Nuit locaux. Daly ou Loretta, récemment transférées, ou encore Aiur Harson et Borgia, qu’il avait déjà rencontrés, seraient certainement en mesure de le reconnaître.

Le jeune homme avait donc éliminé le Quartier Nord – où se trouvait le siège du diocèse de Backlund de l’Église de Déesse et la Cathédrale Saint Samuel – ainsi que les endroits particulièrement sécurisés, le Quartier de l’Impératrice et le Quartier Ouest, extrêmement surveillés. Ces deux derniers appartenaient aux nobles et aux plus riches magnats, la plupart des aristocrates vivant au plus près du Quartier de l’Impératrice.

Après avoir éliminé les quartiers ouvriers, le port, le Quartier Est et le secteur du Pont de Backlund où s’amassaient les pauvres, il n’avait plus guère de choix. Il lui restait le Hillston Backlund, où se trouvaient la Bourse de Backlund, la Chambre de Compensation, le Centre des Marchés à terme, le siège des sept grandes banques, divers Fonds Fiduciaires, des compagnies ferroviaires et des sociétés de commerce de marchandises en vrac. Il était connu comme le centre financier, commercial et économique du royaume de Loen. Il y avait également le Quartier de Cherwood, peuplé de nombreuses petites entreprises et d’immeubles résidentiels.

Les deux arrondissements étant particulièrement peuplés et la sécurité relativement bonne, c’était l’endroit idéal pour se cacher. Après mûre réflexion, il avait donc choisi le Quartier de Cherwood, qui était moins cher.

S’il ne s’était pas mis en quête d’organismes comme la Société d’Amélioration de l’Habitat ou l’Association pour l’Amélioration de l’Habitat dans la Capitale, c’était parce qu’il lui aurait fallu présenter une pièce d’identité, ce qui n’était pas possible pour le moment. 

Si je ne trouve pas d’endroit à louer aujourd’hui, j’irai passer la nuit dans un motel où on ne contrôle pas votre identité… Se dit-il en rassemblant ses affaires. 

Il reprit son sac de voyage puis, s’aidant de la carte, se dirigea vers ce qui ressemblait à l’entrée d’un grand magasin.

C’était l’entrée du Métro de Backlund.

Oui, un métro !

La première fois que Klein a vu ce mot dans les journaux et les magazines, il avait manqué de bondir de peur. Il ne s’attendait pas à ce que ce type de transport soit devenu une réalité à une époque qui n’était pas encore entrée dans l’ère de l’électricité.

Né vingt-cinq ans auparavant, il reliait à l’origine les deux rives de la Rivière Tussock avant de s’étendre aux principaux quartiers de la ville. Ceci dit, il n’y avait pas beaucoup de stations.

Passant la porte principale, Klein suivit les gens jusqu’à la billetterie.  

Après quelques minutes passées dans la file d’attente, il se retrouva devant une caissière aux magnifiques cheveux dorés.

Sans même lever la tête, celle-ci pointa du doigt le tableau de bois sur le côté de la fenêtre où étaient indiqués les prix.  

Heures de pointe (7h-9h, 18h-20h) :  toutes les 10 minutes.

15 minutes le reste du temps.

Place de première classe : 6 Pences

Place de seconde classe : 4 Pences

Place de troisième classe : 3 Pences.

Trajets aller-retour : 9, 6 et 5 Pences.

Abonnement annuel

Première classe : 8 Livres

Seconde classe : 5 Livres 10 Solis

Troisième classe : Pas de carte annuelle

C’est moins cher que je ne l’aurais cru… Et il n’y a aucune restriction de distance… Melissa préférerait certainement cela à une calèche. C’est le top en matière de mécanique… se dit le jeune homme, soudain bouleversé.

Avec un large sourire, il tendit 4 Pences à la caissière :  

– « Une place de seconde classe. »

La préposée déchira un ticket, le tamponna et le lui remit.  

Lorsqu’il eut localisé la ligne qui menait au Quartier de Cherwood et passé de brefs contrôles de sécurité, Klein descendit une volée de marches et se retrouva sur le quai. Là, il suivit le marquage au sol qui lui indiqua où attendre pour les places de seconde. 

Peu de temps après, le sifflement tonitruant de la vapeur et le bruit du train se firent entendre. Un immense train à vapeur approchait. 

Avec son corps large et sinueux, son éclat noir métallique et sa machinerie complexe, il était d’une beauté unique.

Le métro de Backlund était également équipé de locomotives à vapeur. La fumée qu’elles crachaient, selon une conception bien spécifique, pénétrait dans un tuyau situé plus haut et voyageait jusqu’à la cheminée avant de s’échapper vers le monde extérieur. 

C’était aussi la véritable raison d’être de la pelouse et du jardin que l’on pouvait voir dans la rue.

Sous un bruit strident de frottement métallique, Klein attendit que les passagers soient descendus, puis prit sa canne et son sac de voyage et s’avança lentement pour présenter son billet au contrôleur. 

Contrairement aux places de troisième classe, il n’y avait, en seconde, qu’une personne par siège. Aucun risque, donc, de se faire voler sa place. Klein était assis et venait de ranger ses bagages lorsqu’appuyé sur sa canne, il entendit soudain des pas précipités. 

Instinctivement, il regarda en direction de la porte et vit un frêle adolescent se précipiter dans le wagon.

Vêtu d’un manteau qui ne correspondait pas à son âge, celui-ci portait un haut-de-forme arrondi et un sac à dos en lambeaux. Il avait la tête enfoncée dans son col.

– « Je suis désolé, je suis monté dans le mauvais wagon. Je suis en troisième classe… », s’excusa-t-il avant de montrer son billet et de se diriger d’un pas vif vers le wagon de troisième classe.

Détournant le regard, Klein vérifia une nouvelle fois son itinéraire et attendit que les portes se ferment.  

C’est alors qu’il entendit des bruits de pas chaotiques et précipités. Des hommes vêtus de manteaux noirs et portant des semi hauts-de-forme se ruèrent dans le wagon.

Seraient-ils à la poursuite de ce garçon de quinze ans ?  Se demanda-t-il par instinct.

Puis, secouant doucement la tête, il se replongea dans la lecture de sa carte et de son journal, tout comme les autres passagers.  

Note de l’Auteur : (*) Cette blague est tirée d’un ancien magazine britannique, Clumsy.

 

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