Auteur : Entrail_Jl
Traductrice : Moonkissed
« … Rien ici. »
Leon jeta plusieurs coups d’œil autour de lui avant d’acquiescer et de détourner le regard. Il n’y avait rien d’inhabituel.
Il prenait son travail au sérieux.
Bien qu’il n’était techniquement pas obligé d’être là puisqu’il avait déjà un emploi, il avait choisi de participer. Principalement parce que son « instinct » lui disait que quelque chose allait se passer ici.
Il ne savait pas exactement quoi.
C’est pourquoi il regardait autour de lui et prenait tout en note.
C’était pour qu’il puisse détecter l’anomalie et l’arrêter avant qu’il ne soit trop tard.
« Que fais-tu ? »
Alors qu’il marchait, une silhouette s’approcha soudainement de lui. Les détenus se moquèrent d’elle et sifflèrent à son apparition. Leon ne pouvait pas leur en vouloir.
Son aura à elle seule la rendait unique, et son apparence était difficile à égaler.
« Tiens. »
Insensible à tout cela, Aoife lui tendit un petit carnet.
« Le professeur m’a demandé de te remettre ceci. Si tu trouves quelque chose qui, selon toi, doit être amélioré à la prison, tu peux l’écrire ici. »
Surpris, Leon haussa les sourcils.
Aoife leva son autre main pour montrer un carnet similaire.
« J’en ai un aussi. »
« … Je vois. »
Leon prit le carnet et en feuilleta le contenu avec désinvolture.
Il était vide.
« Est-ce que ça va être anonyme ou est-ce que je dois écrire mon nom ? »
« Comme tu veux. Le professeur a dit que ça n’avait pas vraiment d’importance. »
« Oh. »
Si c’était le cas…
Il sortit un stylo et commença à griffonner quelques mots. Aoife, stupéfaite, le regarda avec des yeux encore plus écarquillés.
« Tu as déjà des plaintes ? »
« Plusieurs. »
La prison était généralement bien gérée, mais il y avait encore des choses à améliorer. Après avoir observé pendant plusieurs heures, il avait déjà établi une courte liste dans son esprit.
« Surpopulation. L’établissement compte bien trop de détenus. Il y a plus de cinq détenus par cellule. Une telle situation ne peut que créer des problèmes à l’avenir. La nutrition n’est pas non plus à la hauteur, la composition des repas manque de fibres et de protéines. Dans l’idéal, il serait préférable que… »
Il ne se déroba pas et commença à écrire toutes les plaintes qu’il avait.
Bang !
Il fut soudainement distrait par un grand bruit de claquement. Lorsqu’il leva la tête, il vit Aoife regarder dans la même direction que celle d’où provenait le bruit.
Il suivit son regard.
« … Ah. »
Là, au loin, ils aperçurent Kiera qui regardait fixement tous ceux qui regardaient dans sa direction. Tous deux ne furent pas épargnés par son regard, qui semblait dire : « Quoi ? Mêlez-vous de vos affaires, putain. »
« Salope folle. » murmura Aoife d’une voix suffisamment audible pour que Leon l’entende.
Leon fut surpris.
« Ai-je bien entendu ? »
Aoife, d’habitude calme et raffinée, avait juré ?
« … Tu ne l’aimes pas ? »
Pendant un certain temps, Leon remarqua une étrange tension entre Aoife et Kiera. Des étincelles jaillissaient chaque fois que les deux filles interagissaient.
« Non. »
Les paroles d’Aoife le confirmèrent.
Leon était curieux, mais décida de garder sa curiosité pour lui. Ce n’était pas ses affaires, et il n’était pas sûr que sa curiosité l’énerve.
Mais à sa grande surprise, c’est elle qui s’expliqua…
« Sais-tu quelle a été la première chose qu’elle m’a faite quand on s’est rencontrées ? »
« … Non. »
Comment le saurait-il ?
Aoife se massait les tempes. À en juger par son froncement de sourcils, il semblait que le souvenir était plutôt désagréable.
« Elle m’a dit d’aller me faire foutre et m’a fait un doigt d’honneur. »
« Oh. »
Cela ressemblait étrangement à quelque chose que Kiera ferait…
« Donc si tu me demandes si je l’aime bien, la réponse est non. Je ne l’aime pas. Elle est folle. »
Bang !
« …. »
Leon se trouva incapable de réfuter ses paroles. Fixant le lointain, et la voyant battre l’un des détenus jusqu’à ce qu’il ne soit plus qu’une bouillie sanglante, il ne put que secouer la tête et ignorer l’agitation.
Ce n’était pas son travail de l’arrêter.
Il était sur le point de retourner à son travail lorsque sa poitrine se serra soudainement.
« … Hum ? »
Une sensation familière l’envahit, poussant son regard à dériver lentement vers le lointain où une cellule solitaire apparut. Ses yeux se posèrent sur un détenu assis calmement sur une chaise, absorbé par la lecture d’un journal.
Avec ses jambes croisées et son calme, il ne semblait rien avoir d’étrange, et pourtant…
« … Pourquoi. »
Pourquoi ses instincts lui disaient-ils que quelque chose n’allait pas ?
Soudain, comme s’il sentait le regard, le détenu posa le journal et leva les yeux.
Leurs regards se croisèrent et Leon sentit ses cheveux se dresser sur sa nuque.
« Ce… »
Qui était ce type ?
***
Le pavillon résidentiel était plutôt grand. Il m’a fallu plusieurs heures pour en faire le tour, et même là, je n’ai pas pu trouver qui je cherchais.
« … N’est-il pas ici ? »
On m’a dit qu’il avait été emprisonné ici. De plus, la vision disait aussi quelque chose du genre qu’un ancien professeur de Haven était l’une des rares personnes à s’être échappée.
N’était-ce peut-être pas lui et un autre professeur… ?
« Ou est-il enfermé ailleurs ? »
Je me suis retrouvé à froncer les sourcils face à la situation. Ça ne devait pas se passer comme ça.
« … Juste où… »
Je me suis arrêté en plein milieu de ma phrase et me suis retourné pour regarder en arrière.
Ah…
C’est là que je l’ai enfin repéré. J’ai regardé par la grande fenêtre au bout du couloir, vers l’extérieur. Une silhouette était assise, dos tourné, les mains bougeant d’une manière familière.
Tak. Tak. Tak.
Même si je ne pouvais pas entendre depuis mon point d’observation, observer ses mouvements et sa posture a stimulé mon imagination en entendant le bruit des pièces tombant contre la planche, et je me suis retrouvé à sourire involontairement.
Même maintenant…
Il n’avait pas changé.
Je sortis de la zone résidentielle et me dirigeai vers l’espace extérieur.
Tak. Tak.
Plus je m’approchais, plus le son devenait prononcé. C’était un son que je n’avais pas entendu depuis longtemps et qui me rendait plutôt nostalgique.
Je finis par m’arrêter à quelques mètres de lui et demandai :
« … Puis-je jouer ? »
Surpris, le professeur Bucklam tourna la tête et nos regards se croisèrent.
C’est à ce moment-là que j’ai enfin trouvé la réponse à l’une des questions que je mourais d’envie de connaître.
« Tu te souviens, n’est-ce pas ? »
Il était assis là, le visage figé dans ce qui semblait être un état de choc et de surprise.
Je me suis assis à l’extrémité opposée.
Tak.
Et j’ai commencé à arranger le plateau.
« Je n’ai pas joué depuis, mais je suis toujours confiant dans ma capacité à te battre. »
Même en prononçant ces mots, il ne réagit pas. Du moins pas immédiatement.
Finalement, il laissa échapper un léger sourire et marmonna d’un ton calme :
« … Donc ce n’était pas un rêve. »
« Quoi donc ? »
Je savais déjà à quoi il faisait référence, mais je décidai quand même de faire semblant de ne pas savoir.
Tak.
« Commençons. Je vais faire vite. »
« Ah… »
Avec un léger soupir, il secoua la tête et tendit la main.
« Tu es devenu très audacieux après m’avoir battu une fois. Les choses ne seront pas aussi faciles que la dernière fois. »
Tak.
Il continua en déplaçant sa pièce.
« Tes habitudes sont les mêmes. »
Tak.
« Les tiennes aussi. »
« Qu’est-ce qui te fait penser que je ne le fais pas exprès ? »
« Pareil pour moi. »
Nous avons continué à nous chamailler ainsi pendant les minutes qui ont suivi. Finalement, le silence s’est installé autour de nous.
Étrangement, ce silence ne nous gênait pas du tout, car nous étions tous les deux concentrés sur le jeu.
Tak. Tak.
Même si cela faisait longtemps, je me souvenais encore comment jouer et j’arrivais à suivre ses coups. Juste à peine…
Cela a continué pendant les minutes qui ont suivi, jusqu’à ce que je rompe finalement le silence.
« Tu prévois de t’échapper ? »
Sa main se figea à mi-chemin et sa tête se redressa. Il me regarda avec un air de véritable confusion.
Je ne levai pas la tête et continuai à fixer le plateau.
À en juger par sa réaction, il était clair qu’il savait quelque chose.
« Je ne t’en empêcherai pas. »
C’était la décision que j’avais prise pour moi-même.
« Tu peux t’échapper. Je ne ferai rien. »
« …. »
Je ne pouvais pas vraiment dire quelle était sa réaction puisque je ne lui prêtais pas attention, mais j’étais sûr qu’elle était remplie de surprise.
La semaine précédente, j’avais réfléchi à la situation dans mon esprit.
Je n’étais toujours pas sûr de l’objectif de la mission, mais d’après ce que je savais, c’était quelque chose en rapport avec la deuxième calamité.
Les choses deviendraient sûrement plus claires pour moi avec le temps.
Cependant, si possible, je voulais le laisser partir. Bien sûr, ce n’était pas parce que j’avais pitié du Professeur. J’avais un peu pitié de lui, mais pas au point de l’aider à s’échapper de cet endroit….
J’avais juste besoin de quelqu’un à mes côtés.
« Je peux plus ou moins dire pourquoi tu as fait ce que tu as fait. On t’a soit promis un remède à tes problèmes de mémoire, soit menacé de s’en prendre à ta famille… »
Je ne savais pas trop lequel des deux.
Cependant, lorsque je levai les yeux pour observer sa réaction et que je vis ses yeux trembler, je sus que j’avais raison.
Je continuai.
« Il serait injuste de ma part de t’arrêter. Je sais exactement ce que l’on ressent lorsque l’on perd quelqu’un d’important. »
Ma voix se fit légèrement plus grave.
L’expression du Professeur se fendit et ses bras se mirent à trembler.
Je tendis la main pour le soutenir.
« Tu dois en vouloir aux personnes qui t’ont fait ça, n’est-ce pas ? »
La mana à l’intérieur de mon corps commença à s’épuiser. Je gardai mon visage impassible et continuai à établir le contact avec lui.
Je me sentis un peu dégoûté de moi-même. Utiliser mes pouvoirs pour manipuler sa faiblesse, mais… il fallait le faire.
Pour atteindre mon but.
Je devais le faire.
Son expression a commencé à se déformer et ses poings à se serrer. Une crise de colère visible.
J’ai continué.
« … C’est pourquoi je ne t’arrêterai pas. Si possible, je veux t’aider. »
Quel était mon objectif final dans tout cela… ?
J’ai réalisé il y a quelque temps que l’organisation à laquelle j’avais affaire était bien plus dangereuse que je ne le pensais.
Même maintenant, je n’avais aucune idée de l’étendue de leurs pouvoirs, et vu comment ils avaient réussi à manipuler un professeur et à faire sortir cinq détenus de l’une des plus grandes prisons du monde, je savais qu’ils étaient puissants.
C’est pourquoi j’avais besoin d’alliés.
De personnes qui pourraient m’aider de l’intérieur.
Ayant vu tous ses souvenirs, je savais exactement quel genre de personne il était. Ce qui comptait le plus pour lui et à quel point sa situation était désespérée.
C’est pour cette raison que je pensais qu’il serait la bonne personne à utiliser.
Je lui serrai la main et mon mana s’épuisa davantage.
Je lui insufflai encore plus de colère.
« Je suis sûr que tu éprouves du ressentiment envers les personnes qui t’ont fait ça. Qui t’ont forcé à faire des choses qui allaient à l’encontre de ta morale. Je comprends tout à fait ce que tu ressens, et c’est pourquoi je veux t’aider. »
Finalement, je lâchai sa main et il leva les yeux pour croiser mon regard.
Je souris.
« Aidons-nous mutuellement. »
S’il te plaît…
« Dis-moi tout ce que tu sais de la situation. En échange, je t’offrirai mon aide pour te venger. »
Rejoins-moi.
