Auteur : Entrail_Jl
Traductrice : Moonkissed
—Quelques instants plus tôt
Zone extérieure du bunker.
« Qu’est-ce qui se passe… ? Tu entends quelque chose ? »
« Non, c’est insonorisé. » répondit Aoife en se massant la joue droite.
Elle avait encore mal, et rien que de penser à Kiera qui l’avait giflée quelques instants plus tôt, elle la fusilla du regard.
« Quoi ? »
« … Tu sais ce que tu as fait. »
« Qu’est-ce que j’ai fait… ? »
« Ha ! »
Aoife prit une profonde et lourde inspiration pour se calmer. Elle avait vraiment du mal. Plus elle regardait Kiera, plus sa main tremblait.
‘Je vaux mieux que ça.’
C’est vrai, elle ne pouvait pas s’abaisser à son niveau.
Grondement ! Grondement !
« Euh… ? ! »
Un grondement lointain perturba les pensées d’Aoife. Elle pouvait le sentir à travers la vibration du sol. En tournant la tête, son expression changea.
Ce n’était pas seulement la sienne.
Tout le monde dans la zone extérieure arborait des expressions de choc en regardant au loin. Une silhouette grotesque émergea, brisant les murs qui s’effondraient sous son énorme main.
Les environs devinrent silencieux pendant un bref instant alors que l’air même était aspiré hors de la pièce.
Et puis,
« Qu’est-ce que c’est que ce bordel… !! »
« Ahhhh !! »
La panique commença à se répandre dans la foule.
Bien que beaucoup de personnes présentes soient puissantes, la pression exercée par la créature au loin provoqua des sentiments de désespoir.
« Calmez-vous ! Que tout le monde se calme ! »
Heureusement, les chefs de poste étaient présents pour calmer la situation.
« Restez calmes. »
Pénélope était en tête. Sa voix, nette et agréable à entendre, se propageait doucement dans l’air.
Il y avait un étrange effet apaisant dans sa voix, qui calmait beaucoup de ceux qui paniquaient.
Cela fonctionna même pour Aoife qui avait été relativement calme depuis le début.
‘J’ai vécu trop de chocs ces derniers temps.’
Ce n’était pas la première fois qu’elle se retrouvait dans une situation terrible.
Avec le recul, elle commençait à s’habituer à de telles situations.
Elle ne savait pas si c’était une bonne chose ou non.
Boum !
Le bunker trembla légèrement. Quand Aoife se retourna pour regarder les fenêtres, elle retint son souffle….
Le monstre était entré dans la station et se dirigeait droit vers eux.
« S’il vous plaît, restez calmes. Il n’y a pas de quoi s’inquiéter. Vous êtes en sécurité ici. N’oubliez pas que nous sommes plusieurs à pouvoir nous occuper de la créature. En fait, plusieurs Chefs de poste sont déjà prêts à s’en charger. Il n’y a aucune raison de paniquer. »
Les paroles de Pénélope plongèrent la pièce dans le silence.
C’était un silence tendu qui semblait extrêmement étouffant.
Boum !
Surtout avec le bruit sourd qui en sortait.
Boum !
Étrangement…
Boum !
À chaque pas,
Boum !
Semblait résonner avec le son de leurs battements de cœur.
Boum ! Boum !
***
Boum ! Boum !
Le sol tremblait, les coups de plus en plus rapprochés à chaque seconde….
Je sentais les poils de ma nuque se dresser à cette pensée, et pourtant, je ne pouvais détacher mes yeux de ces deux yeux rouges qui me fixaient.
Ils étaient intenses, et j’avais l’impression que ma tête allait s’envoler si je détournais le regard.
Mes jambes se dérobèrent légèrement.
Mais je ne le montrai pas. Je restai calme tout en essayant de trouver un moyen de résoudre la situation.
‘Je dois mettre la main sur la page, mais comment vais-je faire… ?’
En fait, avait-il même la page avec lui ? Et s’il l’avait cachée ailleurs ? Comment allais-je obtenir cette information de lui ?…
L’affronter en duel était tout simplement impossible.
Il était bien plus fort que moi.
De plus, le monstre se rapprochant, je savais qu’il m’était également impossible de compter sur les Chefs de poste pour le vaincre.
‘… Merde.’
Merde, en effet.
Ma situation était terrible, et je ne voyais guère comment je pourrais mettre la main sur la page.
Le mieux que je pouvais faire pour l’instant était de ne pas mourir.
Alors que toutes sortes d’idées me traversaient l’esprit, je m’arrêtai sur l’une d’entre elles.
‘Et si j’utilisais la première feuille… ?’
Est-ce que ça marcherait ?
J’y réfléchis quelques secondes avant de secouer la tête.
Les effets seraient minimes pour quelqu’un de sa force.
S’ils pouvaient affecter quelqu’un de son niveau, Leon serait sans aucun doute devenu fou à présent.
‘Je suppose que ma limite actuelle avec la première feuille est d’environ 5 ou juste un peu en dessous.’
Donc autour du niveau 4-5.
Eh bien, mentalement.
Je ne pensais pas que l’homme aux yeux rouges devant moi avait une résistance mentale inférieure à son niveau, qui semblait être 6.
Alors quoi… ?
Que pouvais-je faire exactement ?
Boum !
Un autre pas résonna, et les environs tremblèrent. Je pinçai les lèvres et regardai autour de moi.
C’était proche.
Extrêmement proche.
Pendant tout ce temps, Karl ne bougea pas. Je ne savais pas trop pourquoi, mais Lennon et les autres Chefs de poste l’interrogeaient.
« Karl ? Que se passe-t-il ? »
« … Est-ce que c’est toi qui es derrière tout ça ? »
À leur façon de parler, ils semblaient à la fois surpris et choqués.
« … »
Mais malgré leurs questions, Karl ne répondit pas. Au lieu de cela, les mangeurs autour de nous commencèrent à trembler.
Les battements affectaient clairement leur perception de l’environnement, et pourtant, ils restaient là où ils étaient.
De toute évidence, quel que soit le bruit que faisait cette créature, il ne les faisait pas bouger….
À en juger par le fait que la créature ressemblait à une version plus grande et plus horrible d’eux, je pouvais plus ou moins deviner pourquoi.
‘Elle leur donne des ordres.’
« Hé ! »
Tout à coup, j’ai senti quelque chose tirer sur mon épaule et j’ai été ramené en arrière. Avant que je ne m’en rende compte, le visage de Lennon était juste devant mes yeux.
« As-tu une idée de ce qui se passe ? »
Il a immédiatement commencé à me poser des questions.
« Vous parlez tous les deux bizarrement. J’apprécierais que vous me disiez exactement ce qui se passe ici. »
« Ah. »
J’ouvris la bouche, mais je ne savais pas trop comment répondre.
Me croirait-il si je lui disais que tout cela n’était qu’une illusion ?
Que nous étions tous victimes d’un arbre démoniaque qui nous volait lentement notre force vitale ?
Peut-être, ou peut-être pas. Le convaincre aurait fait perdre trop de temps. Après un moment de réflexion, je décidai de répondre différemment en désignant Karl.
« Il… Il a quelque chose d’important. Avec ça, nous pourrons arrêter tout ça. »
« Nous pourrons tout arrêter ? »
« Oui. »
J’acquiesçai.
« Tout. »
Je regardai autour de moi.
De l’Ombre Écarlate au monstre qui se rapprochait rapidement.
« … Tout ce que vous voyez est artificiel. Rien de tout cela n’était naturel. C’est lui qui est derrière tout ça. »
Tous les yeux se tournèrent vers Karl qui sourit soudainement.
C’était un sourire effrayant.
Un sourire qui rendit tout mon corps tendu.
« Tu es très créatif dans ta façon de parler. »
Pour la première fois depuis longtemps, il parla. Sa voix était différente de la dernière fois, elle semblait plus profonde et plus ancienne.
« Pour quelqu’un de ton âge, être capable d’une telle résilience mentale est vraiment louable. L’arbre t’a accordé beaucoup d’attention à cause de cela. Sinon, tout se serait déroulé beaucoup plus facilement, et je… »
Il s’arrêta alors.
J’étais curieux de savoir ce qu’il avait prévu de dire, mais ce qu’il avait dit était déjà suffisant pour que je comprenne quelques éléments importants de la situation.
« Grande résistance mentale »
« M’accorde beaucoup d’attention »
Se pourrait-il que l’arbre ait plus de mal à cibler les personnes ayant une grande résistance mentale… ? Si c’était le cas, cela expliquerait certaines choses.
Comme les gens qui crient.
… En y réfléchissant, aucune des personnes touchées n’était un haut responsable. Cependant, à chaque instant passé dans l’illusion, elles étaient lentement ciblées.
L’arbre… Il érodait lentement l’esprit d’une personne.
‘D’accord, c’est logique…’
J’avais remarqué cela à quelques reprises. Depuis le moment où je n’éprouvais absolument aucun remords en tuant, jusqu’à la peur et aux émotions contre nature que je ressentais à certaines occasions.
J’avais souvent ressenti de la peur, mais certaines fois, cela me semblait tout simplement anormal.
Cela expliquait tout…
‘Attends, mais qu’en est-il de Leon ?’
Pour autant que je sache, son score mental était plutôt élevé. Pourquoi aurait-il…
‘Ah.’…
Et puis j’ai compris.
‘C’est de ma faute.’
J’avais envie de me frapper la tête.
Tout à coup, j’ai commencé à regretter certains des mots que j’avais dits à son sujet.
En fin de compte, si Leon avait été affecté si tôt, c’était parce que sa force mentale avait été gravement affaiblie par ma magie émotionnelle.
‘… Ce n’est pas comme s’il n’avait pas de plot armur, c’est juste que c’est moi qui ai détruit cette armure.’
Si tant est que cela ait été le cas.
« … »
J’ai soudainement ressenti le besoin de me gratter le côté du nez.
‘Ce n’était pas intentionnel…’
Je n’aurais pas pu prévoir que cela se produise.
Sur une bonne note, il n’était probablement pas mort. Pourtant… ? Je supposais que la première action de l’arbre était d’éroder la résilience mentale d’une personne avant de saper sa force vitale. Il était fort probable que tout le monde soit encore en vie.
Des personnes qui étaient mortes dans l’Ombre Écarlate, aux personnes que j’avais tuées.
‘Eh bien, au moins c’est une bonne chose.’
Cela allait me sauver bien des maux de tête.
BANG…
Le bruit du métal s’entrechoquant contre le mental me fit sursauter. Levant la tête précipitamment, je vis une énorme hache entrer en contact avec plusieurs lianes qui avaient émergé du sol.
Derrière elles se tenait un Karl calme et posé.
« Toi… »
Baissant sa hache, Lennon fixa Karl.
« … C’est la première fois que je te vois utiliser une telle puissance. Toi, ne me dis pas que tout ce qu’il a dit était vrai. C’est toi qui es derrière tout ça. »
Plutôt que de répondre, Karl sourit.
C’était une confirmation silencieuse, et le regard de Lennon devint féroce.
Il était sur le point de s’engager à nouveau lorsque,
BANG…
Une ombre se projeta au-dessus de nous, frappant la barrière qui nous protégeait.
Cra Crack ! Crack… !
Immédiatement, des fissures apparurent de partout avant que le bouclier ne commence à se briser.
« Pftt ! »
Lennon et quelques autres vomirent du sang en reculant de plusieurs pas.
De mon côté, je tombai sur le dos.
« Ukh. »
Avant même que j’aie eu le temps de bouger, une ombre se projeta sur la zone où je me trouvais, et deux yeux rouges me regardèrent d’en haut. Les monstres autour de moi s’arrêtèrent également de bouger et je sentis que le monde entier me regardait.
« Abandonne. »
La voix de Karl parvint à mes oreilles.
« … Tu n’obtiendras jamais la page. »
Il semblait sûr de lui.
« Elle n’est pas avec moi. Même si tu me tues, tu ne sauras jamais où elle se trouve ni ce qui est écrit dessus. Le mieux que tu puisses faire est d’abandonner. »
« … »
Squeak. Squeak.
Des racines émergèrent du sol, enroulant lentement mes chevilles et ma poitrine. Je restai paralysé, incapable de bouger, à l’exception de mes mains que je levai lentement avant de les abaisser à nouveau.
Ce faisant, je réussis à attraper sa cheville.
« … »
La tête baissée, il me regarda.
« Que fais-tu… ? » demanda-t-il, l’expression relativement calme.
Je levai les yeux vers lui et croisa son regard.
Et alors, si tu n’as pas la page avec toi ?
Et alors, si tu es plus fort que moi ?
En fin de compte, je n’avais pas besoin que la page soit avec moi pour que je la voie.
Tout ce que j’avais à faire, c’était de
« Voir ton monde ».
