Auteur : Entrail_Jl
Traductrice : Moonkissed
Ploc ploc. Ploc ploc.
Des larmes tachaient le sol.
Leur doux ruissellement résonnait dans la pièce par ailleurs silencieuse.
Ces larmes…
« Ah… Je… »
Ce n’étaient pas mes larmes.
« … Tu penses toujours que je suis faible ? »
Chaque mot qui sortait de ma bouche semblait me libérer de la douleur qui engloutissait ma poitrine.
Mais ce n’était pas suffisant.
C’est pourquoi j’ai serré son épaule. Cela m’a aidé à soulager davantage la douleur tout en m’empêchant de tomber. J’avais du mal à rester debout.
« Euh… Ah… Qu’est-ce que tu as fait… ? »
L’impuissance se lisait sur son visage alors qu’il me regardait.
J’ai serré les dents. Mes yeux étaient humides. Les larmes essayaient tant bien que mal de s’échapper de mes yeux. Mais je ne les ai pas laissées faire.
Je gardai les yeux fixés sur lui.
« Il n’y a que des personnes faibles. Pas de chemin faible. »
Je répétai les mêmes mots que j’avais prononcés auparavant.
Son expression changea et les larmes continuèrent à couler sur son visage. Mais… je pouvais voir la colère se mêler à la tristesse.
« Toi, toi… »
Ses lèvres tremblaient.
Il luttait pour me regarder dans les yeux. Cela ne dura pas longtemps et sa mâchoire se serra fortement, son expression se déformant.
Puis…
Bang !
Mon visage me fit mal et ma tête se tourna. Son poing atteignit ma joue, la poussant sur le côté. Malgré cela, même lorsque ma tête se tourna, je ne détournai pas le regard. Je le fixai.
Cela faisait mal.
Mais j’étais déjà consumé par la douleur.
Ce n’était rien comparé à ce que je vivais actuellement.
Ça chatouillait.
« … Suis-je faible ? »
demandai-je à nouveau.
Ses yeux vacillèrent et la colère sembla s’estomper. Une nouvelle émotion commença à envahir son esprit.
Une émotion dont j’étais responsable.
La peur.
L’effet n’était pas aussi puissant que la première fois que je l’avais utilisée. Ni aussi fort que la tristesse, mais dans les circonstances actuelles, c’était suffisant.
« H-ha. »
La colère était lentement remplacée par la peur.
Ses lèvres tremblaient et son poing s’abaissa. Finalement, il détourna le regard.
Et c’est alors que je finis par marmonner :
« … Pathétique. »
***
« … »
En sortant de la classe, Aoife s’arrêta devant la statue qui se dressait à l’avant du Hall Dorset. Dominant la salle, c’était une statue imposante. Tous les étudiants qui passaient devant ne pouvaient s’empêcher de la remarquer.
C’était la statue du premier empereur.
Dorset Gaius Megrail.
Son ancêtre et le premier Zénith.
En effet, le sang d’un Zénith coulait dans ses veines. Un grand honneur qui s’accompagnait de lourdes responsabilités.
Cela faisait des siècles qu’aucun Zénith n’était né dans leur famille.
Leurs efforts pour élever un Zénith avaient été vains, et malgré toutes leurs politiques pour garder les autres sous contrôle, les autres maisons les rattrapaient.
En particulier…
‘Delilah Venice Rosemberg.’
Un nom lui vint à l’esprit. Elle était la plus proche du niveau Zénith et celle qui avait le pouvoir de mettre fin à leur règne.
« … Je n’échouerai pas. »
Devenir la Zénith.
Aoife était prête à tout.
C’était son devoir en tant que princesse et son objectif.
« … »
Les élèves sortaient de la salle, et beaucoup d’entre eux la regardaient en passant. Les ignorant, elle baissa la tête pour regarder sa main.
Elle tremblait.
Légèrement.
« Pourquoi ? »
La seule question d’Aoife était « Pourquoi ? ».
Mais au fond d’elle, elle en connaissait la raison.
Elle ferma les yeux, laissant son esprit plonger profondément dans ses souvenirs, alors qu’elle rembobinait les événements qui s’étaient déroulés plus tôt.
Anders Maddison….
C’était l’un des cadets à surveiller. Classé parmi les cent meilleurs, c’était un individu très talentueux, et quelqu’un qu’Aoife gardait à l’esprit.
C’était une personne talentueuse qu’elle pensait recruter pour sa faction.
Elle était particulièrement satisfaite de son audace.
« Pour faire simple, tu n’es pas fait pour ce rôle. Tu es faible. »
Ses paroles audacieuses à l’époque faisaient écho aux pensées de toutes les personnes présentes.
L’Étoile noire la plus faible.
Voilà qui était Julien Dacre Evenus.
‘Faible.’
Il était vraiment faible.
Au point que l’on pouvait se demander comment il avait réussi à se hisser à ce poste. C’était une pensée qui avait occupé l’esprit d’Aoife au cours de la semaine précédente.
Comment quelqu’un d’aussi faible que lui pouvait-il devenir l’Étoile noire ?
Elle se souvenait de son expression à l’époque. Sous le déluge de paroles d’Anders, il semblait calme. Imperturbable, presque.
C’était comme s’il s’en fichait vraiment.
Mais était-ce le cas… ?
S’en fichait-il vraiment ?
À ce moment-là, quand elle le vit fermer les yeux, Aoife pensa : « Il s’enfuit. » Ses actions la poussèrent à nouveau à se poser la question :
‘Qu’est-ce qu’il a de si spécial… ?’
Son attitude était nulle, son mana faible et il n’était pas d’une haute lignée.
« … Pourquoi ? »
Elle était sûre que s’ils devaient se battre en duel, elle le battrait d’un simple coup de doigt.
Il était aussi faible à ses yeux.
Le seul qu’elle considérait vraiment comme fort n’était pas Julien, mais son chevalier.
Leon Rowan Ellert.
Il était classé deuxième et, contrairement à Julien, Aoife pouvait voir qu’il était fort. Elle ne se voyait pas le battre facilement. Si elle voulait le battre, elle devrait jouer toutes ses cartes.
« … Quand as-tu pleuré pour la dernière fois ? »
Même maintenant, elle se souvenait de sa voix. Le ton, la douceur et la fluidité de celle-ci. Ce n’était pas quelque chose qu’elle pouvait oublier.
Jamais.
« Euh… Qu’est-ce que… Hein… Ah… »
La façon dont le visage d’Ander changea à ses mots, et les larmes qui coulèrent de ses yeux…
Elle pouvait aussi s’en souvenir.
Le changement fut si brusque que presque personne ne fut capable de réagir. Aoife fut l’une des rares à comprendre ce qui s’était passé.
Mais le temps qu’elle le fasse, Julien se tenait déjà devant lui.
« Est-ce que je t’ai touché ? »
Il ne l’avait pas fait.
Chaque action semblait calculée. Comme s’il évoquait un certain flux.
Il évoqua d’abord la tristesse.
« Quand as-tu pleuré pour la dernière fois ? »
Puis, il évoqua la colère.
« Voilà ta chance. Frappe-moi. »
« Toi, toi… »
Pan !
Et ensuite…
« … Pathétique. »
Il évoqua la peur.
« Huu. »
Aoife ouvrit les yeux.
« Pendant tout ce temps, il a gardé le contrôle. »
C’était un fait indéniable.
Qu’est-ce qui rendait les mages émotifs si effrayants ? Ce n’était pas leur force. Loin de là. Ils étaient faibles. Même le mage le plus faible pouvait les tuer….
Mais seulement s’ils ne se laissaient pas avoir par leurs paroles.
En exploitant une seule émotion, les mages émotifs pouvaient évoquer et manipuler d’autres émotions. Bien que différentes, elles étaient toutes liées entre elles. Et plus un mage émotionnel pouvait manipuler d’émotions, plus elles étaient fortes.
Les émotions étaient une faiblesse.
C’était quelque chose qu’Aoife ne comprenait que trop bien.
Le poing d’Aoife se serra lentement.
« Il est faible. »
C’était indéniable.
Mais…
« … Il est fort. »
Faible mais fort.
« Julien. »
Un nouveau nom se fraya un chemin dans son esprit.
Il se tenait juste à côté de celui de Delilah.
***
Un sentiment familier.
Un sentiment auquel je m’étais habitué.
Mes jambes étaient faibles.
« Haa… »
Chaque respiration était fatigante.
Et le monde semblait vide.
Incolore.
C’était juste… dénué de sens. Rien ne m’excitait. Chacune de mes actions me semblait banale. Une corvée.
Les larmes qui menaçaient de couler de mes yeux étaient parties depuis longtemps.
« … Insipide. »
La nourriture était insipide aussi.
Elle n’avait même pas l’air appétissante.
Je posai la cuillère et regardai autour de moi. J’étais assis seul dans la cantine. Plusieurs yeux étaient rivés sur moi, me jetant des regards furtifs chaque fois que je ne regardais pas.
Normalement, cela ne m’aurait pas dérangé.
Mais…
Cela reflétait parfaitement la réalité de ma situation.
J’étais un étranger dans ce monde. Un cas à part. Un galet dérivant dans une mer déchaînée, faisant de son mieux pour ne pas couler.
Le monde…
Il était étouffant.
‘Je veux rentrer.’
Je ne désirais rien de plus….
Je luttais. Vraiment.
Ramassant le couteau près de moi, je passai légèrement le doigt sur son tranchant.
« … »
Une ligne rouge se forma sur mon doigt.
Mais.
« … Ça ne fait pas mal. »
Et si je le coupais ? Est-ce que ça fera mal ?
Des pensées commencèrent à obscurcir mon esprit. Elles devinrent de plus en plus dangereuses à chaque seconde qui passait. Mon esprit était clair. Je savais que mes pensées étaient stupides.
Mais… Mes entrailles étaient vides.
Ce n’est pas parce que mon esprit était clair que je m’en souciais.
À ce moment précis.
Je voulais juste ressentir quelque chose.
Même si ce que je ressentais était de la douleur. Quelque chose. J’avais besoin de quelque chose. Ce vide qui me consumait… Je voulais qu’il disparaisse.
« H-hah. »
Mes yeux continuaient à suivre le couteau, tout comme mon doigt.
Cela semblait tentant.
Juste un peu… ? Ce corps n’est pas le mien de toute façon…
« Juste… »
Je serrai les poings et je serrai les dents. Chaque partie de mon corps se tendit.
‘Je ne peux pas.’
Tout comme la peur, la tristesse me consumait. Elle menaçait de me dévorer de l’intérieur. Une conséquence de la compétence que j’avais utilisée.
Mais contrairement à la peur, la douleur ne pouvait pas me sauver.
Pas maintenant.
Je voulais ressentir de la douleur.
N’importe quoi.
« Hah. »
Je pris une profonde inspiration et me rappelai mon objectif.
‘… Noel.’
C’est vrai.
Quelqu’un m’attendait. Lui aussi se débattait. Peut-être même plus. Je ne me souciais pas de moi, mais je me souciais de lui.
Pour lui….
Je pouvais supporter la douleur.
Jetant un coup d’œil autour de moi, le bruit parvint enfin à mes oreilles.
Je pouvais à nouveau entendre.
Les couleurs commencèrent également à revenir.
À côté de cela, il y avait une douleur intense. Elle serrait fortement ma poitrine. Couvrant mes yeux de mes deux mains de manière à ce que personne ne le remarque, je sentis quelque chose de mouillé frôler mon doigt.
Il me fallut un certain temps pour réaliser ce que c’était.
Enfin, mes lèvres tremblèrent.
« Merde. »
Mes larmes.
Elles étaient enfin revenues.
