Auteur : Entrail_Jl
Traductrice : Moonkissed
Une obscurité familière m’enveloppa.
Une obscurité qui disparut avec la présence d’une roue.
Trrrrrr !
Elle tourna.
Les couleurs alternaient les unes avec les autres.
La scène était familière et j’attendis, le souffle coupé. Une fois de plus, je me souvins de la douleur que j’avais ressentie après l’expérience et la nervosité commença à s’installer. Sur quelle émotion allait-elle s’arrêter… ?
‘Ne laisse pas la peur s’installer.’
Tout sauf ça.
La roue finit par s’arrêter et mon regard se posa sur la longue flèche rouge.
‘Ah.’
Bleu.
Tristesse.
Le monde trembla. Mon décor commença lentement à changer et mon corps s’enfonça dans ce qui semblait être un… canapé ?
Euh ?
Peu à peu, un environnement commença à se former.
Ma poitrine se sentit soudain lourde.
« Huu. »
Assez pour me donner envie de prendre une profonde inspiration.
« … Pourquoi ? »
Je me léchai les lèvres.
Elles étaient sèches.
Ma bouche tremblait.
« P-pourquoi suis-je de retour ici… ? »
Chez moi.
Cet endroit m’était trop familier.
C’était chez moi.
L’endroit où je vivais avant de venir dans ce monde.
« H-haa. »
La douleur dans ma poitrine s’intensifia. Elle était accompagnée d’un sentiment de vide. Cet endroit me manquait. Je savais qu’il était faux. Un tissu de la compétence que j’utilisais….
C’est pourquoi ça faisait mal.
Parce que je savais que ce n’était pas réel.
« Merde. »
Clic…
La porte s’ouvrit et une silhouette familière entra.
« Noel… ? »
« Yo, je suis de retour, mon frère. »
Il n’avait pas changé depuis la dernière fois que je m’en souvenais. Avec son sourire habituel, il se dirigea vers le bureau installé dans le salon.
Mes doigts se tordaient.
« J’ai des plats à emporter. Un peu cher, mais ça vaut le coup. Ce foutu resto chinois est tellement bon… Je crois que je suis accro. »
« Oh. »
Le resto chinois.
Exact.
C’était son endroit préféré.
Il jeta un coup d’œil en arrière et sourit.
« Ah ! J’en ai aussi pour toi. Ne fais pas cette tête. »
« … »
J’ouvris la bouche mais je me retrouvai incapable de parler. Les mots refusaient de sortir de ma bouche.
Tout cela…
C’était si réel.
‘Se pourrait-il que tout ce que j’ai vécu était faux… ?’
Au fond de moi, je savais que cela n’avait pas de sens. La douleur que je ressentais. La frustration que je ressentais. Et tout ce que j’avais vécu.
Était-ce vraiment faux ?
Tout cela ?
« Grand frère ? »
Noel se retourna. Son sourire habituel était là. Portant l’assiette, il marcha dans ma direction avant de finalement s’arrêter devant moi.
« … »
J’examinai son visage de près.
« Tiens. »
Et je réalisai.
« Mange bien. »
Il ne me regardait pas.
L’assiette traversa mon corps, se posant calmement sur le canapé.
« … Assure-toi de bien manger. »
Il retourna ensuite calmement à table et commença à manger, dos tourné vers moi.
« Hah. »
Mon cœur se serra. Les émotions que je ressentais étaient entièrement miennes. Ce n’était pas comme la dernière fois où elles m’avaient été injectées.
Je ressentis une vive douleur comme si mon cœur était poignardé. Mon souffle s’arrêta, comme si mes voies respiratoires étaient écrasées…
Tout cela à cause du simple fait que,
« … c’est bon, non ? »
Les épaules de mon frère tremblaient.
C’était étrange. Dans mon esprit, je savais que c’était faux. Il n’y avait aucune chance que mon frère agisse de cette façon. Mais… était-ce vraiment le cas ?
Ce que je voyais était-il vraiment faux ? … Ou était-ce la réalité de sa vie maintenant ?
« T-tu apprécies ton repas ? »
Il ne regardait jamais en arrière.
C’était comme s’il ne pouvait pas regarder en arrière.
Mais je pouvais le voir.
Ses épaules… Elles tremblaient. Encore plus qu’avant.
« … Pourquoi ? »
Je manquais de souffle et ma vision se brouillait. Une douleur sans pareille envahit mon corps.
Pourquoi fallait-il que ce soit ainsi ?
Bruissement…
Un bruissement attira mon attention.
« … ! »
Si je n’avais pas été cloué sur place, je me serais levé immédiatement.
« Noel ! »
Je criai de toutes mes forces. La panique m’envahit alors que je tentais de lutter contre les chaînes qui me maintenaient sur le siège.
Mais…
Ma voix ne l’atteignit pas.
« Arrête ! Arrête maintenant !!! Tu ne peux pas… ! »
« H-hah… »
Elle ne pouvait pas l’atteindre.
« … »
Contre sa tempe, Noel tenait un pistolet.
« Non, non, non, non, non… »
Qu’est-ce que c’était ?
Qu’est-ce que je vois ?
Comment a-t-il…
Ahhhh.
« Hééééééééééé !!! »
Sa voix semblait dénuée de tout. Comme s’il avait perdu le fil de lui-même.
« Non, ne fais pas ça ! Je… Ah ! »
« Hé, grand frère… »
Finalement, il se tourna pour me regarder.
C’est à ce moment-là que j’ai cessé de me débattre.
Ploc ploc… Ploc ploc…
Son visage était taché de larmes. Mais le plus effrayant, c’était ses yeux… Ils étaient vides. Dépourvus de l’étincelle habituelle qu’il avait.
Ah, non…
« … Pourquoi m’as-tu quitté ? »
Je savais qu’il ne s’adressait pas à moi. Il n’y avait personne dans la pièce. Il n’y avait que lui. Il se parlait à lui-même.
Mais…
Je me sentais obligée de répondre.
« Je n’ai pas choisi de partir. »
« C’est vrai, tu n’avais pas le choix. »
Il répondit d’une manière qui suggérait qu’il pouvait m’entendre. Mais je savais qu’il ne le pouvait pas.
Après tout, il ne me regardait pas.
« Il fait froid. Je me sens seul. Je n’ai personne. Nos parents sont morts. Tu étais le seul qui restait. Maintenant que tu es parti… Tout le monde s’en fiche. »
« … Ah. »
Ma poitrine se serra.
La douleur semblait m’étrangler les mots.
« J’ai peur… »
Ploc ploc.
« Je ne sais pas quoi faire… Pourquoi tout le monde me quitte… ? Qu’est-ce que j’ai fait ? Est-ce que c’est moi le problème… ? C’est ça ? »
Non, ce n’est pas…
« Hehe… »
Un rire creux s’échappa de ses lèvres.
« … Je devrais juste en finir, non ? Comme ça… je ne serai plus seul. Au pire, je serai avec les ténèbres. Ce n’est pas différent de maintenant. »
« Non !! »
Je finis par me ressaisir.
Ce qui remplaça la douleur qui me tenaillait le cœur fut une autre émotion.
La colère.
Je savais qu’il ne pouvait pas entendre, mais je parlai quand même.
Non, je criai.
« Espèce d’idiot… !! J’ai tout arrêté pour que tu puisses vivre mieux. »
Ma chimiothérapie….
Je l’ai arrêtée parce que je voulais qu’il ait une vie meilleure. Il avait assez d’économies pour survivre jusqu’à la fin de ses études. Alors… comment pouvait-il y mettre fin ?
Mon sacrifice n’a-t-il servi à rien ?!
Non, non… !
« Putain !!! Arrête ! »
« … Si tu étais là, tu me gronderais probablement. Tu me dirais à quel point je suis un putain d’idiot, pas vrai ? »
J’ai perdu la voix à ce moment-là.
« Est-ce que je t’ai demandé d’arrêter la chimio ? Tu crois que je me suis déjà soucié de l’argent… ? »
Non, c’est…
« C’était juste une excuse de ta part, n’est-ce pas ? »
« … Quoi ? »
« Tu avais peur. »
Je sentis mon souffle s’arrêter.
« … Non. »
« Tu as arrêté la chimio parce que tu t’es perdu. Tu avais peur de passer tes journées sans but, sachant que tu n’avais aucun avenir à espérer. Tu as choisi le moyen le plus rapide de partir. Me laisser de l’argent… C’était juste une excuse que tu t’es probablement donnée. »
« Non, c’est… »
« … Je le sais. Après tout, je suis comme toi maintenant. »
Ça…
J’ai porté ma main à ma poitrine.
Ça faisait mal.
Ça faisait tellement mal.
La douleur m’envahissait.
« Haaa… Haaa… »
Ma vision s’est brouillée, et chaque respiration était accompagnée d’une douleur encore plus intense.
La main de Noel tremblait.
« … Puisque tu peux courir, je le peux aussi, non ? »
Il me regarda.
Cette fois, j’eus vraiment l’impression qu’il pouvait me voir.
« … »
Des larmes, non sollicitées, jaillirent, et ma bouche trembla. Qu’est-ce que c’était ? Comment parler pouvait-il faire si mal… ?
« Ça ne te dérange pas si je me joins à toi, n’est-ce pas ? »
« … Non, non. »
Ma voix était faible.
Je me rendis compte que je ne pouvais plus crier. Mon corps se vidait de son énergie. Ce sentiment d’impuissance…
Il s’imposa lentement dans mon esprit.
Tout comme la douleur.
« H-ha… »
Noel sourit. D’une certaine manière, son sourire semblait libérateur. Mais tout ce que je pouvais ressentir, c’était de l’impuissance. Je sentais que je m’effondrais.
Les couleurs commencèrent à se dérober du monde.
Je pouvais voir la version plus jeune de lui, debout devant moi, me demandant de lui acheter une glace. C’était juste quelques mois après la mort de nos parents.
Nous n’étions que tous les deux à l’époque.
Il n’avait que dix ans à l’époque. Je me souviens clairement de ce jour parce que… C’était le jour où il a retrouvé le sourire.
J’ai travaillé dur pour qu’il le garde.
Pour qu’il ne cesse de sourire.
Alors…
En fixant la scène devant moi, je sentis mon souffle s’arrêter.
Son sourire. Celui que j’avais promis de garder.
Il avait disparu.
Je le lui avais arraché.
« Ça… fait mal. »
Clank !
« … ! »
Je tressaillis. Mon souffle sembla se bloquer dans ma gorge lorsque le pistolet tomba des mains de Noel. Ses yeux, qui semblaient dépourvus de toute lumière, se baissèrent.
Ploc ploc…
Et des larmes coulaient sans cesse de ses yeux.
Se mordant les lèvres, il se renversa faiblement en arrière.
« J’ai… j’ai peur. »
Il se couvrit le visage de ses deux mains.
« Je ne veux pas mourir. »
Ses épaules tremblaient.
« … Mais je ne veux pas vivre. »
Le monde sembla s’évanouir.
« Q-Que dois-je faire… ? »
Juste avant que tout ne s’estompe, sa tête se tourna à nouveau dans ma direction.
« … Dis-moi, grand frère. Que dois-je faire ? »
C’était la dernière fois que j’entendais sa voix.
Une luminosité envahit ma vision et je me retrouvai dans un endroit familier.
Tous les yeux étaient rivés sur moi.
« H-haa… »
Mais tout ce que je pouvais ressentir était de la douleur.
Ma poitrine était serrée et lourde.
Chaque respiration était plus difficile que la précédente.
Et ma vision était floue.
C’est à ce moment-là que j’ai fermé les yeux et vu une notification.
?| Niv. 2. [Tristesse] EXP + 15 %
‘Niveau 2… ?’
Au début, j’ai été surprise, mais ensuite j’ai compris.
Contrairement à la peur, je connaissais bien la tristesse. C’était tout ce que je connaissais dans ma vie précédente. Il n’était pas étonnant que je la comprenne mieux que la peur ou toute autre émotion.
Et c’est avec de telles pensées que j’ouvris les yeux.
« … Quand as-tu pleuré pour la dernière fois ? »
Des mots jaillirent de ma bouche tout à coup. Ils sortaient plus facilement que je ne le pensais.
Ils étaient adressés à une seule personne.
« Euh… ? Qu’est-ce que… Hein ? Euh… Ah… »
Il s’arrêta au milieu d’une phrase.
Un silence étrange emplit mon environnement.
Un silence que je brisai en me levant de mon siège. Sous les yeux de toutes les personnes présentes, je me dirigeai vers les allées avant de m’arrêter devant lui.
Il ne me regardait pas.
« C-c’est… Qu’est-ce que c’est… ? »
Agité, il se toucha les joues.
Elles étaient tachées de larmes.
Saisissant sa chemise, il leva les yeux vers moi.
« Que se passe-t-il ? Qu’as-tu fait ? »
Je ne répondis pas.
À la place, je demandai :
« Est-ce que je t’ai touché ? »
« Ah… H-ah. »
Les larmes coulèrent avec encore plus de force alors que son visage pâlissait.
Je serrai les dents et levai la tête. Les souvenirs de la scène dont j’avais été témoin se rejouèrent dans mon esprit, menaçant de faire jaillir les larmes de mes yeux.
Mais je les retins.
Je laissai la douleur se concentrer dans ma poitrine, là où elle s’était accumulée.
Au lieu de cela, je dirigeai mon attention vers Anders.
J’ouvris les bras.
« … Tu dis que je suis faible. »
Inapproprié pour mon rang.
« Voici ta chance. Frappe-moi. »
« Uekh… Je… »
La main sur sa poitrine, il se contenta de me regarder.
Je le regardai à mon tour.
« Alors tu ne peux pas… ? »
J’avançai la main pour saisir son épaule. Il tressaillit au contact, mais ne put s’en libérer.
« Dis-moi. »
Il semblait trop souffrir pour répondre.
Je pouvais comprendre.
Mon corps était rongé de l’intérieur. La douleur était insupportable, et chaque seconde où je restais debout était une torture.
Mais je me retenais.
Je ne pouvais pas montrer de faiblesse.
Pas encore.
Je me suis alors souvenu des mots qu’il m’avait lancés auparavant : « Même là, je doute que tu puisses me faire quoi que ce soit. »
C’est alors que j’ai demandé :
« … Est-ce que je fais quelque chose en ce moment ? »
Il n’a pas répondu.
En lui serrant l’épaule, j’ai murmuré :
« C’est bien ce que je pensais. »
