« Deux bâtons d’encens se sont déjà écoulés », grimacèrent Li Tie et Wang Mang. Ils ne s’attendaient pas à ce que Lin Ming soit capable de persister aussi longtemps ; c’était la preuve qu’il les avait déjà surpassés et qu’il allait probablement atteindre le top cent cinquante.

« Frère aîné, ce Lin Ming est encore en train de se battre… » la bouche de Li Tie se tordit. Il n’avait jamais considéré que leur talent à lui et Wang Mang était inférieur à celui des autres, mais il s’avérait même qu’ils faisaient pale figure en combat réel. Li Tie était abattu.

« Mm… nous avons sous-estimé les jeunes talents de la Maison Martiale des Sept Véritables. Ce Lin Ming a probablement caché ses véritables capacités lorsqu’il a combattu avec Wang Yanfeng, ou alors sa progression a été incroyablement rapide. »

A cet instant, un rayon de lumière accompagna l’expulsion de la première personne en dehors de la Matrice des Dix Mille Morts. Ce n’était pas Lin Ming, mais un disciple âgé du Hall de la Terre qui avait atteint la cent quarante-septième place.

« Cent quarante-septième ! Bonté divine, Lin Ming a réussi à franchir la cent cinquantième place à l’âge de quinze ans ! Ça correspond au résultat qu’avaient obtenu Ling Sen, Ta Ku et Zhang Guanyu de leur temps ! »

De nombreuses personnes furent parcourues d’un frisson en réalisant que Lin Ming était à leur niveau. Ces trois-là avaient toujours incarné l’image inébranlable des trois premiers de la Pierre de Classement, des existences ineffables. Leur niveau était sans commune mesure avec le quatrième ou le cinquième. Lin Ming pouvait-il être du même acabit ? Peu importait qu’il ait réussi à se débrouiller pour obtenir des matériaux rares ou qu’il ait eu la chance de faire une rencontre fortuite lorsqu’il était enfant, s’il parvenait à être au niveau de ces trois-là, alors sa gloire future était acquise.

« Ne tirez pas de conclusions hâtives. Réussir à persister longtemps ne signifie pas tout. Peut-être qu’il n’arrive quasiment pas à tuer d’adversaires et qu’il se contente de les esquiver. Si c’est le cas il n’a peut-être même pas encore deux cents points. »

« Mm, c’est possible. Ce n’est pas parce qu’il y est depuis longtemps qu’il a obtenu beaucoup de points. Le disciple plus âgé a terminé cent quarante-septième, atteignant ainsi tout juste le top cent cinquante. Attendons de voir ce qu’il en est. »

…

Si quelqu’un se contentait de se protéger des assauts, à l’intérieur du monde illusoire de la Matrice des Dix Mille Morts, sans tuer ses adversaires, leur nombre continuait quand même de s’accroître au fur et à mesure. Il était donc impossible de persister indéfiniment. Bien évidemment, si le pouvoir d’un individu dépassait celui d’un expert Xiantian, il pouvait directement franchir les barrières de la matrice, mais c’était une toute autre affaire.

Lin Ming ne s’était pas épuisé dans des esquives inutiles. Il ne s’était pas arrêté ne serait-ce que le temps d’une respiration depuis qu’il s’était débarrassé de son premier ennemi. Son esprit n’était accaparé que par une seule pensée, éliminer ses adversaires.

Les Vertus Chaotiques des Méridiens de Combat était un manuel de Transformation du Corps qui représentait l’essence de la lumière du Yang. Ce n’était pas un manuel qui favorisait les combats acharnés à corps perdu. Le principe même de ce manuel était de toujours marcher vers l’avant en défiant tous ses ennemis avec courage.

Les poings de Lin Ming dégoulinaient de sang.

Chaque fois qu’un ennemi mourait, un autre encore plus formidable venait pour le remplacer. Les entités fantomatiques qui apparurent au début étaient à l’ouverture de la troisième étape de la transformation du Corps, des entités au sommet de la Troisième Etape suivirent, pour finalement arriver jusqu’à d’autres à la quatrième étape de la Transformation du Corps – la Transformation Musculaire.

Il y avait déjà trois adversaires à l’étape de la Transformation Musculaire, et avec les opposants à l’étape de l’Entraînement des Entrailles qui servait de distraction, Lin Ming commençait à éprouver des difficultés.

Il pouvait heureusement compter sur le support du large succès du premier échelon de la Formule de l’Authentique Chaos Primordial. Sa véritable énergie était riche et vive, et elle continuait de croître. Sa force physique n’avait que peu diminuée, la ténacité de Lin Ming était exceptionnelle. Un artiste martial ayant atteint le large succès de l’Entraînement des Entrailles et pouvant respirer comme un serpent aurait du mal à suivre.

Les ennemis devenaient de plus de plus forts, et une bête féroce au deuxième niveau de la Transformation du Corps apparut. C’était une Araignée Dos de Crystal. La pression que ressentait Lin Ming augmenta inévitablement ; les capacités défensives de cette bête étaient époustouflantes, il était difficile de la blesser, même à l’aide d’une épée. De plus, elle était capable d’attaquer à longue distance avec sa soie. Et cette soie était aussi résistante que du fil de fer ; il mourrait immédiatement s’il venait à se faire bloquer dans ces fils au milieu de tous ces ennemis.

Cette araignée va être difficile à gérer ! pensa Lin Ming en fronçant les sourcils.

Si ça avait été un un-contre-un il aurait pu l’épuiser jusqu’à la mort, mais cette tactique était inenvisageable dans sa situation où le danger menaçait de tous côtés.

En même temps qu’il avait à esquiver les attaques à distance de l’araignée, Lin Ming devait continuer à parer les assauts de multiples ennemis. Il était acculé de périls.

« Che ! »

Une lumière tranchante d’épée fila sur lui. Lin Ming se replia immédiatement et cette dangereuse lumière d’épée manqua tout juste sa poitrine. Cette aura avait vraiment de quoi donner la chair de poule.

Lin Ming constatait progressivement que ses poings n’étaient pas suffisants.

Il ne rencontrait pas de problème particulier face à un seul ennemi, mais dans le désordre d’une foule chaotique, il s’apercevait qu’il n’était pas suffisamment libre de ses mouvements. Il se rendait vulnérable dès lors qu’il essayait d’attaquer un ennemi au corps-à-corps.

Peut-être devait-il choisir une arme ?

Mais alors que choisir ? Son esprit commença à s’agiter.

Une épée ?

Quatre-vingt-dix pour cent des artistes martiaux du Royaume du Grand Avenir utilisaient une épée. C’était une arme polyvalente, dont les attaques étaient tranchantes. De plus, elle était facile à prendre en main, bien qu’il fut très difficile de la maîtriser.

Une épée pouvait tout aussi bien permettre de se défendre que d’attaquer, pouvait tout aussi bien être lourde ou légère. Sa popularité auprès des soldats du monde entier n’était pas usurpée.

Cependant Lin Ming ne trouvait pas que l’épée lui convenait. Il cultivait les Vertus Chaotiques des Méridiens de Combat, le manuel de technique de Transformation du Corps du Yang. Son aura serait celle d’un tsunami balayant le ciel et la terre s’il parvenait à en atteindre l’étape du large succès. S’il rencontrait un démon, il le tuerait, ou encore un dieu, alors il en ferait tout autant !

Mais un maître de l’épée était différent. Ils étaient réputés pour leur agilité, leur style constamment en évolution, leurs mouvements complexes et leurs attaques trompeuses. C’était un style qui ne lui correspondait pas.

Alors pourquoi pas un couteau ?

Si quatre-vingt-dix pour cent des artistes martiaux du Royaume du Grand Avenir utilisaient une épée, plus de la moitié des dix pour cent restants utilisaient un couteau. C’était une arme moins polyvalente que l’épée, mais sa capacité de frappe était conséquente et il permettait des assauts incessants. Il était particulièrement efficace dans les mains d’un artiste martial puissant. Dans une bataille avec de nombreux ennemis, sa maniabilité et sa faible amplitude permettaient de frapper précisément et rapidement.

Mais Lin Ming ne trouvait pas non plus que le couteau lui correspondait. Le couteau permettait des offensives irrésistibles, mais les méthodes d’attaques n’étaient pas très variées. Il avait beau permettre de découper et de diviser avec une agressivité sans pareille, il ne procurait pas cette impression de force irrésistible.

Lin Ming se remémora soudainement sa rencontre avec Lan Yunyue dans le Hall de Lecture Martial quelques jours auparavant. Lors de la leçon qu’il dispensait sur les techniques basiques, l’aîné en charge du cours s’était plus particulièrement attardé sur une arme… la lance !

Il n’y avait vraiment que très peu d’artistes martiaux utilisant une lance dans le Royaume du Grand Avenir. Ce n’était pas parce que la lance n’était pas assez puissante, en réalité, c’était plutôt l’inverse. Chaque coup porté avec une lance était imposant et dégageait cette sensation d’invincibilité. Mais il était difficile d’apprendre à manier les lances, et encore d’avantage à les maîtriser.

Une lance nécessitait un long apprentissage, plus que n’importe qu’elle autre arme. Une lance était à même de trancher, d’attirer, de repousser, de danser comme une fleur ou encore d’éliminer tout un groupe d’ennemi qui venait à l’encercler. Son imposante aura ne connaissait pas de rival et ses attaques étaient irrésistibles.

Il n’y avait que la lance pour balayer une armée d’un millier d’hommes.

Elle était surnommée « le souverain de cent soldats ». Elle ne pouvait qu’être formidable pour porter un tel titre.

Mais la lance était difficile à porter et il n’était pas aisé de s’entraîner à la manier. Elle était bien plus complexe que l’épée ou le couteau, jusque dans son procédé de construction.

Tant que l’acier était bon, les lames des couteaux et des épées pouvaient être incroyablement tranchantes.

Mais la hampe de la lance devait être suffisamment rigide, tout en conservant l’élasticité d’une branche de saule. L’acier et le fer n’avaient pas la flexibilité nécessaire, et ils ne pouvaient par conséquent pas être utilisés pour réaliser la hampe. D’un autre côté, le bois et le bambou, malgré leur élasticité, n’étaient pas assez rigides et pas assez lourds. Une arme avec une lame n’aurait aucun mal à les briser lors d’un combat.

De ce fait, la valeur d’une lance rare de haute qualité éclipsait de cinq ou six fois celle d’une épée ou d’un couteau rare. Il n’y en avait d’ailleurs que très peu.

Lin Ming combattait d’un côté, et essayait de rapidement délibérer pour choisir son arme de l’autre. Son esprit parcourait ce qu’il avait retenu de la leçon de l’aîné sur les mérites de la lance.

Toutefois, être distrait dans un combat à mort comme celui-ci n’était qu’une invitation à mordre la poussière. Alors que Lin Ming s’était décidé, un carreau de soie arriva sur lui à pleine vitesse. Il s’élança en l’air, ce qui lui permit tout juste de l’éviter, mais alors qu’il retombait vers le sol, une épée vint s’abattre follement sur lui depuis un angle sournois.

Lin Ming ne ressentit la douleur lui parcourir le dos que lorsque son sang s’en échappa pour se répandre dans l’air.

« Il est blessé ! »

Le corps de Lin Ming réagit en dehors de la Matrice des Dix Mille Morts. Il toussa les lèvres closes et son visage pâlit.

« Ce garçon ne pourra pas tenir plus longtemps ! » Les artistes martiaux qui observaient laissèrent échapper un soupir de soulagement. La plupart d’entre eux ne souhaitaient pas voir les autres réussir. Il y avait déjà trois icones qui dominaient la Maison Martiale des Sept Véritables ; ils ne souhaitaient pas en voir naître une nouvelle.

« C’est déjà impressionnant qu’il ait tenu si longtemps. Deux bâtons d’encens ont brûlé, s’il parvient à continuer ça irait à l’encontre de la volonté des cieux. »

« Il est cuit. Il doit pouvoir se positionner autour de la cent cinquantième place. »

Même le digne Zhang Cang manifestait un changement dans son expression. Le classement actuel de Lin Ming n’était pas grand-chose comparé au sien, mais le rang qu’obtenait un individu lors de la première Guerre du Classement reflétait son potentiel. Le fait que quelqu’un âgé de quinze ans parvienne à atteindre le top cent cinquante avec seulement un talent de grade trois était suffisamment aberrant pour susciter de l’effroi.

Ce Lin Ming à forcément utilisé la Pilule de Moelle du Dragon d’Or Pourpre et la Pilule Ecarlate du Serpent Doré pour avoir une telle force. Ça a beau être une force qui vient de matériaux rares, je ne peux pas me permettre de le mépriser. Zhang Cang serra ses poings en ressentant une certaine pression lui parcourir l’échine.