En regardant le fragment de métal bleu clair, l’anxiété envahit le visage initialement tranquille du chef de la Faction des Nuages de Brume. Son cœur se resserrait silencieusement alors que sa main pressait le morceau de gilet bleu.
‘Pourquoi y aurait-il des fragments du Gilet au Cœur d’Océan ? Ne me dites pas que ce gamin était aussi ici tout à l’heure ? La veste étant brisée, il a dû subir des blessures graves. Pourquoi ce garçon apparaît-il toujours lors de situations extrêmes ? » Avec anxiété, la dame en robe d’or continua de balayer le sol de son magnifique regard, sans y trouver davantage de traces. A cet instant, ses sourcils légèrement relevés sur son visage traduisaient une forme d’irritation.
« Chef de Faction Yun Yun, de quoi s’agit-il ? » De son côté, le vieil homme ne pouvait qu’être surpris de constater sa réaction. C’était bien la première fois qu’il voyait le chef de la Faction des Nuages de Brume révéler à ce point ses émotions.
« Haha, ce n’est rien… » Surprise par la voix du vieil homme, la femme en robe d’or se ressaisit rapidement et retrouva aussitôt son air indifférent. Elle sourit, puis rangea le fragment de métal bleu dans son anneau de stockage.
« Jia Lao, je pense que nous devrions enquêter sur l’identité de ses quatre Dou Huang. Il est peu probable que deux Dou Huang en provenance d’autres empires soient venus jusqu’ici simplement pour faire une tournée… »
Le vieil homme regarda étrangement la chef de faction. D’ordinaire, celle-ci n’était pas du genre à s’intéresser à des affaires extérieures.
« Que sont exactement ces fragments de métal ? » Le doute traversa le cœur du vieil homme. En tant que gardien de l’empire, il lui revenait de mener l’enquête sur les origines de ces puissants étrangers. Il aurait donc pensé qu’il lui fallait demander à cette femme de l’aider, mais voilà que celle-ci faisait les premiers pas… Jia Lao sourit simplement en inclinant la tête pour s’enquérir à propos de l’objet qu’elle avait trouvé.
« La ville de Yan se trouve juste en dessous de nous, par coïncidence, c’est aussi le siège du Clan Mo. Allons donc tout d’abord recueillir quelques informations. » Sans répondre à la question, la belle femme en robe d’or se retourna vers la ville de Yan en souriant, avant d’entreprendre de descendre, suivie de près par le vieil homme.
…Trois jours plus tard, au siège de la Compagnie des Mercenaires d’Acier du Désert de la Roche du Désert :
Une odeur apaisante de bois de santal flottait au sein d’une pièce silencieuse. Sur un lit était allongé un jeune homme avec les yeux fermés. Le temps très long entre chacune de ses respirations laissait à penser que son souffle allait s’arrêter tragiquement d’un instant à l’autre.
Même inconscient, le garçon pouvait vaguement sentir la présence de personnes faisant les cent pas tout autour de lui. Après de longues minutes, on entendit quelques soupirs, avant que le silence ne redevienne total.
Le doigt du jeune homme étendu se mit soudainement à trembler. Un peu plus tard, sa respiration s’accéléra légèrement. Ensuite, ses cils se mirent à bouger doucement, puis, avec difficulté, ses paupières s’ouvrirent légèrement.
Une faible lumière tamisée se refléta alors dans les yeux de Xiao Yan qui resserra brusquement la main alors qu’il faisait de son mieux pour déplacer son regard. Après avoir constaté que l’environnement dans lequel il se trouvait avait un aspect quelque peu familier, il poussa un soupir de soulagement. Il se sentait si fatigué qu’il n’avait pas la moindre force de bouger.
Xiao Yan prit une légère inspiration et des fragments de souvenirs lui revinrent peu à peu à l’esprit. Lorsqu’il fut complètement réveillé, il put reconstituer le déroulement des événements passés.
« Je présume que j’ai été blessé. » En se remémorant la douleur intense qu’il avait ressentie lorsque la flamme destructrice s’était emparée de lui, Xiao Yan rit amèrement. Il inspira doucement une bouchée de cet air qui était imprégné d’une légère odeur de bois de santal, puis, lorsqu’il eut l’esprit un peu plus clair, il ferma lentement les yeux pour permettre à sa perception spirituelle de pénétrer son corps.
La situation déplorable qu’il découvrit fit aussitôt transparaître l’effroi sur son visage.
Le cœur de Xiao Yan s’effondra soudainement. Même s’il se doutait bien que ses blessures seraient graves, il ne s’attendait vraiment pas à une telle ampleur. S’il avait s’agit de quelqu’un d’autre, ces circonstances auraient forcément été synonyme d’infirmité !
« Cela va poser beaucoup de problèmes ! » Se dit Xiao Yan amèrement intérieurement. Il suivit les réseaux de Qi endommagés et les remonta lentement jusqu’au vortex tout en bas de son abdomen. Lorsqu’il réalisa qu’il ne restait à l’intérieur que quelques gouttelettes bleutées, il poussa un long soupir. Le constat ne faisait que s’aggraver.
Au centre du vortex, une minuscule lueur vacillait faiblement. C’est là que se trouvait le plus grand atout de Xiao Yan, le Cœur de Feu de Lotus Bleu. Cependant, à la vue des circonstances, Xiao Yan n’osa pas faire l’essai de déployer des flammes. Ses voies de Qi avaient atteint un point critique. Il savait qu’en l’état actuel des choses, si quelqu’un lui donnait, ne serait-ce qu’une seule gifle, il s’effondrerait pour de bon. Avec le cœur lourd, le garçon rétracta sa perception spirituelle hors de son corps et rouvrit lentement les yeux. Il sourit amèrement, puis secoua la tête en soupirant.
Xiao Yan regarda ensuite fixement le plafond sans rien dire avant que son cœur ne sursaute légèrement. Depuis qu’il s’était réveillé, quelque chose en lui manquait terriblement. Il se rappela finalement qu’il n’avait ressenti aucune activité venant de Yao Lao.
L’expression du jeune homme devint alors beaucoup plus laide… Il s’empressa d’appeler dans son esprit :
« Maître, êtes-vous là ?? »
Ses appels persistèrent durant quelques minutes sans qu’il n’y ait la moindre réponse. Sa voix était comme une pierre s’enfonçant dans le vaste océan. Le cœur de Xiao Yan se resserrait à mesure que l’attente perdurait.
« Quelque chose lui serait arrivé ? » Les lèvres contractées et la gorge sèche, Xiao Yan se sentit soudain pris de panique. Ce sentiment était semblable à celui qu’il avait ressenti le jour où il était passé en une nuit du statut de génie à celui d’infirme.
Depuis qu’il connaissait Yao Lao, Xiao Yan avait gagné en assurance. Peu importait ce qui arrivait, aussi longtemps que Yao Lao était présent, rien de réellement grave pouvait survenir. Pourtant, à cet instant, il ne recevait aucune nouvelle de son maître.
Xiao Yan se mordit les lèvres et usa de toutes ses forces pour lever la main. Lorsqu’il vit que la vieille bague noire était toujours bien en place sur son doigt, il poussa un léger soupir de soulagement. Il s’efforça ensuite d’apaiser son cœur et referma doucement les yeux pour concentrer le peu de force spirituelle au plus près de la vieille bague noire.
Lorsque sa présence spirituelle vint à toucher l’anneau noir, une importante force de succion en sortit et aspira l’énergie spirituelle de Xiao Yan à l’intérieur, sans que celui-ci ne puisse réagir.
Dans l’espace de l’anneau, tout était profondément noir. Cependant, le garçon put rapidement percevoir une sorte de halo d’énergie blanche à l’intérieur de laquelle flottait la silhouette floue de Yao Lao qui souriait alors qu’il regardait vers la faible lueur émanant de l’esprit de Xiao Yan.
« Jeune camarade, tu es enfin réveillé. » Yao Lao se rapprocha de Xiao Yan en souriant.
« Maître, comment vous sentez-vous ? » Face à la silhouette de Yao Lao, le lourd fardeau qui pesait sur le cœur de Xiao Yan fut allégé. Cependant, ce dernier n’était pas stupide, il savait que quelque chose avait changé. Par le passé, Yao Lao s’exprimait directement dans son esprit. Le fait qu’il ait eu à pénétrer l’anneau noir pour communiquer avec lui signifiait que quelque chose allait mal.
« Je vais t’annoncer une bonne et une mauvaise nouvelle. » Yao Lao tapotait doucement le visage du jeune homme en souriant d’un air satisfait :
« La bonne nouvelle est que tu mérites toute mon admiration. Le Feu du Lotus Courroux du Bouddha que tu as créé possède une force destructrice qui m’a moi-même fortement étonné. À l’avenir, si tu parviens à le maîtriser parfaitement, aucun adversaire de la même catégorie, ne pourra te battre. »
Face au vieux maître, Xiao Yan ne montra pas de joie. Le Courroux du Bouddha avait certes une grande force, mais le prix à payer était tout simplement trop élevé.
« Pour ce qui est de la mauvaise nouvelle, tu as sans doute pu te rendre compte par toi-même que ton corps avait été très endommagé ? »
« Oui, c’est très sérieux. » Xiao Yan hocha la tête et soupira.
« En fait, il est sur le point de s’effondrer. »
« Haha, les blessures sont peut-être graves, mais en récupérant convenablement, ton corps se rétablira progressivement. J’ai déjà mis en place un programme de récupération. Plus tard, je te le transmettrai. Tant que tu agiras selon mes recommandations, tu retrouveras entièrement ton potentiel » Dit Yao Lao avec un sourire sur les lèvres. »
« Et vous, Maître ? » Xiao Yan, qui percevait le ton affaibli de la voix du vieux maître, s’empressa de s’enquérir de son état.
« Moi ? C’est peut-être la plus mauvaise des nouvelles… Bien que tu sois parvenu à créer un festin explosif que l’on pourrait qualifier de parfait… celui-ci a englouti près de soixante-dix pour cent de ma force spirituelle. En ajoutant à cela l’énergie qu’il a fallu employer pour te protéger lors de la dernière vague de flammes, ma force spirituelle est presque totalement épuisée. » Yao Lao souriait amèrement.
En entendant cela, l’expression de Xiao Yan changea radicalement. La silhouette illusoire formée par la concentration de sa force spirituelle fluctua soudainement.
« Ne t’inquiète pas. Elle ne le sera pas indéfiniment. Il me faut simplement me retirer dans un profond sommeil pendant un certain temps comme j’ai pu faire par le passé. » Yao Lao regardait Xiao Yan qui se mordait les lèvres. Tout en maintenant son sourire, il ajouta :
« Pendant une certaine période, le Maître ne sera peut-être plus capable de te protéger… Tu ne devras compter que sur toi-même. »
Face à Yao Lao au sourire paisible, les yeux de Xiao Yan devinrent soudainement beaucoup plus rouges. Le jeune homme serra son poing et dit d’une voix rauque :
« Maître, Je suis sincèrement désolé… »
Xiao Yan savait clairement que s’il n’avait pas été aussi entêté à vouloir fusionner les Feux Célestes, la force spirituelle de Yao Lao n’aurait pas été complètement absorbée et il n’aurait pas besoin de s’enfoncer dans un profond sommeil durant une période indéfinie.
« Haha, tu n’as pas à ressentir de remords. Je n’en ai que pour un temps, je ne disparaîtrai pas complètement. Je suis extrêmement satisfait du Lotus Courroux du Bouddha que tu as créé. Au moins, on peut dire que mon élève n’est vraiment pas quelqu’un d’ordinaire ! » Yao Lao caressa l’épaule de Xiao Yan en riant.
« Très bien, la force spirituelle restante est sur le point de s’éteindre. Tu vas devoir partir. Pour ce qui est de Qing Lin, tu ne dois pas trop t’inquiéter. Cette Lu Man ne la traitera pas comme comptait le faire le Clan Mo. De ce point de vue, tu peux être rassuré. » La silhouette de Yao Lao s’obscurcit soudain alors qu’il faisait signe à Xiao Yan.
« Maître, prenez bien soin de vous ! » Le jeune homme s’agenouilla lentement dans l’espace vide alors qu’il faisait face à Yao Lao les yeux rougis et sous le choc.
De son côté, le vieux maître était heureux de voir un Xiao Yan définitivement libéré du temps de l’adolescence. Il sourit et inclina la tête avant que son corps illusoire ne disparaisse progressivement du cercle de lumière.
« Jeune camarade, je fais le vœu que lorsque je me réveillerai, mon vaillant disciple sera déjà devenu un puissant à part entière. J’ai stocké du Feu de Refroidissement d’Os dans l’anneau. En cas de coup dur, tu peux l’utiliser. Et enfin, maintenant que je te connais bien, je dois te dire que tu m’as apporté beaucoup de satisfaction durant ton parcours. » La voix enjouée du maître résonna lentement dans le cercle de lumière pendant longtemps avant de disparaître.
Xiao Yan se leva doucement et observa le halo de lumière qui était déjà vide en libérant un souffle de chagrin. À partir de cet instant, il ne pouvait plus compter que sur lui-même.