Alors qu’il arrivait à la moitié de l’escalier en jade blanc, Lin Ming entendit une voix glaciale résonner dans son dos.
« Il semblerait que je t’aie sous-estimé, tu n’es peut-être pas complètement incapable en fin de compte. »
Lin Ming se retourna et aperçut Wang Mu de la Nation Huoluo juste derrière lui. Il avait l’air parfaitement détendu. Gravir les marches ne lui demandait visiblement pas plus d’effort que cela.
« Merci. Tu n’es pas si mauvais non plus », déclara-t-il avec indifférence.
Cet air détaché agaça Wang Mu qui lui répondit d’un rictus sec : « Tu ne manques pas d’arrogance ! »
Il y avait une forte concentration d’artistes martiaux à mi-hauteur du parcours. Certains faisaient des allers et retours en piétinant sans vraiment avancer.
Lin Ming se doutait bien qu’il se passait quelque chose d’étrange, mais il ne ralentit pas pour autant, poursuivant sa trajectoire en direction de la porte de la montagne comme si de rien n’était.
Ha ! ha ! c’est ça, continue à cette vitesse, imbécile ! Wang Mu jubilait déjà à l’idée de le voir échouer. Il y avait une sorte de piège au milieu de l’escalier, dans lequel bon nombre de jeunes disciples tombaient honteusement par manque de prudence. Cela ne suffirait certainement pas à éliminer quelqu’un d’aussi fort que Lin Ming, mais au moins Wang Mu aurait de quoi se réjouir.
Les autres artistes martiaux virent à leur tour Lin Ming filer vers le sommet de l’escalier et se frottèrent les mains face au malheur qui l’attendait. « Ce gamin n’est probablement pas au courant pour le piège. »
« N’importe quel artiste martial à la Condensation de l’Impulsion doit se préparer pour le traverser, sinon c’est la chute assurée. »
Des messages de véritable énergie fusèrent dans tous les sens. Ces disciples ne supportaient pas de se faire dépasser.
Lin Ming remarqua aussitôt que quelque chose n’allait pas en arrivant à la moitié des marches de l’escalier. Ouyang Ming et Jiang Baoyun eux-mêmes s’étaient arrêtés le temps de quelques respirations à cet endroit.
Ainsi, il y aurait une autre matrice mortelle illusoire ici… Lin Ming en vint rapidement à cette conclusion en voyant les symboles s’illuminer brusquement d’une lueur intense. Dans la foulée, un faisceau d’énergie était projeté dans sa direction par la matrice.
Il déploya sa force d’âme pour voir que ce trait de lumière équivalait plus ou moins à l’attaque la plus puissante d’un artiste martial fraichement parvenu à la Condensation de l’Impulsion. Quoiqu’il eût été facile de la bloquer, l’esquiver nécessiterait encore moins d’efforts.
Son corps semblait aussi léger qu’une plume sous l’influence du Concept de Vent du Roc Doré Déchirant le Vide. Se déplaçant avec une vélocité extrême, il n’eut aucune difficulté à esquiver l’ensemble des faisceaux d’énergie originelle qui s’abattaient sur lui. Sa vitesse était telle qu’une série d’images résiduelles apparurent derrière lui. Il arriva en un clin d’œil au cœur des traits de lumière, et les contourna tous en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire.
« Il les a tous esquivés ? »
« Comment a-t-il pu tous les esquiver ? Même les artistes martiaux à la Condensation de l’Impulsion sont obligés d’utiliser leur véritable énergie pour résister à ces attaques une fois qu’ils arrivent à ce niveau. La gravité y est trop forte pour pouvoir se cacher. »
« Quelle surprenante technique de déplacement ! Dans ce domaine, il n’a sûrement rien à envier aux talents des Sept Profondes Vallées. Je serais curieux de voir si on peut en dire autant de ses capacités au combat. »
De nombreux talents échangeaient des commentaires entre eux.
« Vous avez tort, les coupa tout à coup un jeune homme vêtu de blanc. Il n’a pas esquivé les faisceaux d’énergie avec sa technique de déplacement, mais grâce à sa puissante force d’âme. Celle-ci lui a permis de deviner les trajectoires des traits de lumière, et ainsi de savoir par où passer pour ne pas se faire toucher. Ce type est un génie de la force d’âme. Je l’ai vu à l’œuvre à la Fleur du Désert. Il est capable de vaincre n’importe quel artiste martial de son niveau en un éclair. Ouyang Ziyun lui-même n’a rien pu faire contre lui.
— Hein !? Il a battu Ouyang Ziyun ? Je vois… j’avais entendu dire qu’il s’était fait rétamer par un inconnu ; c’était donc lui ! »
Un grand nombre des disciples présents étaient au courant de l’incident ayant impliqué Lin Ming et Ouyang Ziyun à la Fleur du Désert. Les six autres factions n’auraient certainement pas manqué pareille occasion de se moquer de la Faction Acacia. Les nouvelles de l’état pitoyable d’Ouyang Ziyun s’étaient donc répandues en un rien de temps à travers toute la secte.
Après ces conversations, les artistes martiaux proches tinrent tous secrètement Lin Ming à l’œil ; tout particulièrement ceux à l’ouverture de la Condensation de l’Impulsion. Ils étaient déjà en train de penser à admettre leur défaite s’ils se retrouvaient face à lui dans les matchs à venir. Et ce pour une raison simple : ils savaient qu’ils ne valaient pas mieux qu’Ouyang Ziyun.
Une fois le passage délicat au milieu de l’escalier franchi, Lin Ming ne rencontra plus aucun obstacle. Il continua de s’élever tel un nuage qui flotte dans le ciel et atteignit rapidement la porte de la montagne. Il avait préféré attendre avant de se lancer de sorte à ne pas attirer l’attention. Ainsi, près de soixante-dix personnes attendaient déjà au sommet lorsqu’il arriva à son tour. Plus de quatre-vingt-dix pour cent de ces disciples appartenaient aux sept factions, avec seulement une poignée originaire des trente-six pays et des seize familles de cultivateurs martiaux.
De toute manière, Lin Ming était bien placé pour savoir que l’ordre d’arrivée ne signifiait pas grand-chose. Les meilleurs pourraient encore très bien se trouver sur les marches. Réussir cette épreuve impliquait simplement de franchir la porte de la montagne en temps voulu. Un grand nombre de disciples préféraient prendre leur temps plutôt que d’attirer les regards, de sorte à ne pas révéler leur force avant le début des matchs. D’un autre côté, mieux valait ne pas trop traîner non plus, pour ne pas faire l’objet de moqueries.
Les trois quarts du bâton d’encens se consumèrent rapidement. La seconde matrice mortelle illusoire qui se trouvait à mi-parcours avait éliminé un nombre considérable de participants. Beaucoup de ceux qui étaient arrivés jusque-là ne réussirent pas à traverser le barrage de faisceaux d’énergie. Heureusement pour eux, quoique puissantes, les attaques ne laissaient que des blessures superficielles ; sinon les plus jeunes artistes martiaux seraient tombés comme des mouches.
Zhou Yu et Liang Long étaient encore en train de grimper et ressemblaient à deux vieillards cherchant à escalader une montagne en plein été. Ils sourirent amèrement en voyant un participant qui les avait doublés plus tôt échouer lamentablement à mi-parcours. Ils comprenaient maintenant que Qin Ziya les avait emmenés uniquement pour atteindre le quota de cinq personnes. Leurs chances de réussir l’épreuve de la porte de la montagne étaient nulles depuis le départ.
« Qu’allons-nous faire ? On ne pourra jamais passer ! » Liang Long vit deux artistes martiaux se faire violemment repousser par les traits lumineux juste devant eux, et son cœur s’emballa avec nervosité. Les participants les plus lents étaient également les plus faibles. À ce stade, aucun de ceux encore présents ne réussirait à franchir les faisceaux d’énergie. Ils pouvaient essayer autant qu’ils le voulaient, ils subiraient le même sort et se feraient éjecter dans les airs.
« On va y arriver ! s’exclama Zhou You en serrant les dents. On n’est pas allés aussi loin pour laisser tomber. Peu importe qu’on n’ait aucune chance de passer, si on abandonne ici, notre cœur des arts martiaux ne s’en remettra jamais complètement ! On n’aurait jamais pris conscience de la disparité qui nous sépare de ces types si on n’avait pas quitté le Royaume du Grand Avenir. On doit redoubler d’efforts ! »
Les quatre familles de cultivateurs martiaux du Royaume du Grand Avenir avaient toujours fait preuve d’un air supérieur. Zhou Yu comprenait finalement que si elles étaient placées au cœur du territoire des Sept Profondes Vallées, ces quatre familles auxquelles il appartenait ne seraient rien d’autre que quatre petits insectes insignifiants. Qui sait combien de familles de cultivateurs martiaux plus grandes, plus anciennes et plus célèbres que la sienne existait-il à travers ce monde ?
Lorsqu’ils posèrent le pied sur les marches correspondant à la moitié de l’escalier, Liang Long et lui furent immédiatement frappés par les traits de lumière et projetés dans les airs. Plusieurs autres artistes martiaux les accompagnèrent dans leur malheur. Certains d’entre eux possédaient une détermination telle qu’ils se relevaient encore et encore.
À l’inverse, d’autres décidaient d’abandonner dès le premier échec ; quand d’autres n’essayaient même pas de passer et préféraient faire demi-tour, en sachant pertinemment qu’ils n’avaient aucune chance.
Les tentatives et échecs répétés de ceux qui persévéraient sans relâche se reflétaient dans les yeux de Lin Ming. Il soupira d’émotion devant ce spectacle. Il était comme eux il n’y a pas si longtemps, allant de défaite en défaite à la poursuite de chimères…
Tout miser sur un espoir insensé, voilà à quoi se résumait la voie des arts martiaux !
Même à travers les innombrables dimensions du Domaine des Dieux, seule une poignée d’artistes martiaux parvenaient à se hisser au-dessus de tous les autres pour atteindre le sommet !
Vous ne pouviez pas arriver jusque-là sans un talent et une détermination extraordinaires, mais encore moins sans une chance formidable !
Néanmoins, cette chance ne servait à rien si vous n’étiez pas prêt à la saisir toutes les fois où elle se présentait à vous.
Les trois Maîtres des Vallées de la secte trônaient fièrement depuis leur bateau astral, sans une once d’intérêt pour ces artistes martiaux qui luttaient encore de toutes leurs forces sur les marches de l’escalier en jade. À leurs yeux, ces disciples n’étaient rien d’autre que des fourmis entre les herbes.
Le bâton d’encens se consumait de plus en plus lentement. Il avait beau ne mesurer plus qu’un quart de sa taille initiale, cela représentait tout de même près de quatre-vingts centimètres. Lin Ming estima qu’à ce rythme, il mettrait une petite trentaine de minutes avant de se terminer.
Il y avait donc bien assez de temps, conclut-il intérieurement en comprenant finalement l’objectif de cette épreuve de la porte de la montagne. Elle servait à faire prendre conscience à tous ces disciples imbus d’eux-mêmes de la différence qui les séparait des véritables génies. Si cela suffisait à les décourager et les poussait à abandonner leur ascension, c’est tout simplement qu’ils n’avaient pas les qualifications requises pour progresser sur la voie des arts martiaux.
C’était une traversée du désert. Ceux qui persévéraient en ressortaient plus sages, tandis que ceux qui abandonnaient risquaient de ne jamais s’en relever.
Les talents qui attendaient déjà devant la porte de la montagne regardaient de haut ces participants toujours occupés à lutter, une trace de mépris dans les yeux. Mais leur mépris ne faisait que renforcer la volonté des artistes martiaux sur les marches. Ces hommes et ces femmes ravalaient leur fierté en réalisant l’étendue de leur incompétence.
Ils avaient toujours été placés au-dessus de tout et de tous. Pour beaucoup, c’était la première fois qu’ils recevaient un tel camouflet.
Lin Ming soupira à nouveau en voyant les regards dédaigneux des disciples qui l’entouraient. Ces artistes martiaux répondaient à peine aux standards de ‘talents’ des Sept Profondes Vallées et affichaient une suffisance exacerbée. Pourtant, s’ils se retrouvaient dans une secte plus ancienne et plus puissante, ce serait sûrement eux qui se retrouveraient à lutter pour gravir les marches de l’escalier en jade.
À quinze ans, Mu Qianyu atteignait la Condensation de l’Impulsion, à dix-sept ans le Houtian et à vingt-deux ans le Xiantian. Si la Mu Qianyu de ses vingt ans se trouvait ici aujourd’hui, tous les génies des Sept Profondes Vallées – Maîtres des Vallées compris – se retrouveraient éclipsés par son éclat.
Alors qu’il était perdu dans ses pensées, Lin Ming vit Qin Xingxuan arriver à la porte de la montagne, le visage rougi par l’effort et le corps trempé de sueur. Il sourit avec soulagement et, la saluant, s’empressa de lui tendre un flacon de pilules servant à accélérer la récupération de véritable énergie.
Elle venait seulement de réussir l’épreuve de la porte de la montagne, et non sans un effort intense, mais c’était déjà fort impressionnant vu son jeune âge et sa cultivation au milieu du Façonnage Osseux.
Le bâton d’encens acheva de se consumer entièrement dans les vingt minutes qui suivirent. Exténués à force de persévérance, plusieurs artistes martiaux s’étaient effondrés sur les marches. Peu importe leurs efforts, ils n’étaient pas parvenus, au final, à atteindre la porte de la montagne. Liang Long et Zhou Yu faisaient partie de ceux-là.
Il ne restait désormais plus que deux cents artistes martiaux ; près de soixante pour cent des participants ayant été éliminé rien qu’avec cette épreuve. Et encore, parmi ces deux cents personnes, trois quarts d’entre elles appartenaient directement aux Sept Profondes Vallées. Il n’y avait plus qu’une petite minorité de disciples des trente-six pays et des seize familles de cultivateurs martiaux. Les faisceaux d’énergie qui se trouvaient à mi-parcours de l’escalier avaient éliminé énormément de monde, même des artistes martiaux à l’ouverture de la Condensation de l’Impulsion. Non seulement chaque trait de lumière contenait une formidable quantité d’énergie, mais ils apparaissaient par dizaines et de manière tout à fait imprévisible. Aucun artiste martial, qu’il soit à la Condensation de l’Impulsion ou non, ne pouvait tous les encaisser d’un seul coup.
Dans le groupe du Royaume du Grand Avenir, Ling Sen, Lin Ming et Qin Xingxuan étaient tous les trois parvenus jusqu’à la porte de la montagne. En sachant que près de la moitié des groupes originaires des trente-six pays avaient été éliminés au cours de l’épreuve. Seuls de grands pays comme la Nation Huoluo ou la Nation Jingchan – qui partaient avec dix candidats au départ – avaient réussi à faire aussi bien.
Le Royaume du Grand Avenir était pourtant considéré comme dans le milieu du peloton. Ce résultat exceptionnel en surprit par conséquent plus d’un.
La situation était meilleure du côté des seize familles de cultivateurs martiaux. Ces illustres familles de guerriers concentraient toujours leurs efforts et leurs ressources sur un ou plusieurs de leurs descendants les plus prometteurs. Ainsi, ils étaient systématiquement assurés qu’un d’entre eux se hisse jusqu’à la porte de la montagne. Certaines des familles les plus puissantes comptaient même deux à trois candidats encore en lice.
