Néo-Life
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Chapitre 4 – Mort et Respect
Chapitre 3 – C’est vraiment un jeu Menu Chapitre 5 – Excursion en Forêt

Marlon se réveilla avec la lumière du soleil qui filtrait au travers des volets en bois de sa chambre. Cela faisait une éternité qu’il ne s’était pas senti aussi bien. Propre, le ventre plein, une nuit ininterrompue dans un lit plus douillet que tout ce qu’il n’avait jamais connu.

La seule ombre au tableau étant bien sûr la sourde douleur provenant de son cœur, une souffrance qu’il ne pouvait en aucun cas ignorer.

Dix secondes…c’est le temps qu’il réussit à ignorer sa peine avant qu’elle ne se rappelle à lui. Aussitôt son visage se ferma, ses pensées se firent plus sombres, et sa résolution redevint aussi solide que du diamant. Il prit une grande inspiration et se leva, s’habillant rapidement avant de descendre dans la salle commune.

Même le petit déjeuner que lui amena l’aubergiste ne suffit pas à le distraire totalement. Un porridge sentant divinement bon accompagné de tranches de lard et une boisson très amère qu’il ne connaissait pas.

-Excusez-moi, qu’est-ce que c’est que ça ? demanda-t-il en montrant la tasse devant lui.

L’aubergiste le regarda d’un air étrange, comme s’il venait d’une autre planète.

-C’est du Kelkoa, jeune homme ! Tu n’en as jamais bu ?

Marlon secoua la tête en guise de réponse et dégusta lentement ce breuvage amer et corsé. L’on aurait dit du café, avec une acidité légère qui rafraîchissait presque le palais, et d’après la réaction de l’aubergiste, c’était quelque chose de répandu dans la région, et le jeune homme en savoura chaque gorgée.

Une fois son petit-déjeuner fini, il se leva et se dirigea vers la sortie alors que le tavernier l’interpellait.

-Hey, Selia est passée tôt ce matin et veut que tu la rejoignes au terrain d’entraînement. Tu prends le chemin qui part à droite de l’auberge et tu continues jusqu’à la palissade. C’est juste à l’extérieur du village !

Il ouvrit alors la porte en remerciant l’homme, puis le jeune homme suivit les instructions qu’on venait de lui donner tout en prenant de grandes inspirations. Il ne se lasserait jamais de cet air pur et de ces odeurs vibrantes qui lui chatouillaient les narines. Marlon pouvait sentir les odeurs de métal et de cuir se mêler aux notes florales et plus légères des fleurs présentes devant chaque habitation. Il voyait les oiseaux survoler les habitations en pépiant et en faisant des virevoltes incroyables.

Était-ce vraiment là la représentation d’un village pauvre ? Pour lui, cet endroit recelait plus de richesses que tout ce qu’il avait pu visiter dans son ancienne vie.

-Haha, c’était facile de tuer ces bâtards, non ? Un qui les attire, l’autre qui les éclate ! Allez, on va voir le PNJ et on enchaîne pour trouver d’autres quêtes !

-Ouais clairement, et encore, on a perdu grave de temps avec ce spawn de merde ! Pas un chat à des kilomètres, sérieux !

Le sang de Marlon se glaça quand il entendit les voix discuter. Instinctivement, il se plaqua contre le mur d’une habitation et se fit aussi discret que possible. Un trio passa alors devant lui, sans prêter nulle attention au jeune homme, riant et parlant des diverses exécutions de rats effectuées. Ils portaient les mêmes habits blancs que lui et des armes aussi abimées que la sienne pendaient à une sorte de ceinture de cuir qu’ils avaient dû fabriquer avec la peau des rats. Et ils avaient fabriqués des baluchons avec le même matériau.

Il s’en voulut presque de ne pas avoir pensé à ça, mais il ne put s’empêcher de froncer les sourcils en voyant le trio bousculer sans gêne les gens du village en se dirigeant vers la maison de Selia. C’était certes des PNJ, mais cette attitude gâchait la beauté des lieux, la souillait d’une certaine manière.

Une fois qu’ils l’eurent dépassé, il se remit à respirer et son cerveau était en ébullition. Il se demandait où étaient les autres joueurs ? Eh bien, très cher, les voilà !

En entendant leur discussion, il fut quasiment certain que Loki avait quelque chose à voir avec son apparition solitaire. Ceux-là étaient trois et semblaient s’être rencontrés dès le début.

Cependant, quelque chose d’autre le troublait. Il sortit du renfoncement de la maison en bois et se dirigea tout de suite vers une jeune demoiselle qui marchait sur le chemin principal.

-Excusez-moi, je voulais vous demander…les champs de blé à l’ouest sont-ils les seuls autour du village ?

La jeune femme eut les joues qui se mirent à rosir alors que ce superbe homme s’adressait directement à elle. Petite et bien en chair, elle dégageait une timidité plus que charmante avec ses cheveux tombant dans son dos et ses yeux en amande d’une couleur grise peu commune.

-Et bien…non, Akranio possède six étendues de blé pour subvenir à nos besoins. Il y en a un à l’ouest, deux au sud, et trois autres au nord.

A peine sa phrase finie, Marlon avait déjà repris le chemin du terrain d’entraînement, le trio de joueurs étant parti dans l’autre direction, vers la maison de Selia. Son cerveau était en ébullition. Ils avaient forcément chassé dans un autre champ que Marlon, sinon il les aurait vu. Ce qui le troublait maintenant, c’est qu’il avait une opportunité d’avancer de plusieurs pas en tuant ces joueurs, grâce à la Bénédiction de Loki. Mais il avait des doutes…

Le jeu était ultra réaliste, et encore, le mot était faible. Il devait rencontrer une sorte d’instructeur avant de pouvoir progresser avec sa classe. Donc s’il tuait les joueurs avant de le rencontrer, cela ne serait-il pas contre-productif ? Il se méfiait maintenant, et son instinct lui dit qu’il avait raison.

Il mit donc de côté pour le moment l’assassinat des trois joueurs et se concentra sur sa prochaine destination. Il pourrait peut-être obtenir des réponses de Selia quant à un instructeur sur les runes. Il arriva au niveau de la palissade et salua les deux gardes en faction qui s’écartèrent afin de le laisser passer en lui faisant un signe de la tête. Selia avait dû les prévenir de son arrivée et de son apparence, aussi les remercia-t-il en passant devant eux et en leur rendant leur salut.

En sortant du village, il fut encore une fois impressionné par ce qu’il vit. Une grande plaine se présentait devant lui, et une partie de celle-ci était aménagée, avec des sortes de mannequins plantés sur des pieux en bois et quelques tentes géantes disposées çà et là. De rares hommes et femmes semblaient s’entraîner, frappant avec précision et force les cibles placées devant eux avec de grandes épées en bois. Leurs mouvements étaient synchrones et dégageaient une impression de puissance presque palpable.

Derrière cette plaine se trouvait une forêt immense et dont la fin ne pouvait être aperçue de là où il se trouvait.

Marlon reconnut alors la silhouette de Selia au loin. Elle marchait devant eux en criant des consignes et en relevant la moindre petite erreur. Le jeune homme en eut des frissons. Heureusement qu’elle n’était pas son instructrice, mais il devait reconnaître qu’elle avait un charisme incroyable. Elle devait être une vraie prédatrice sur le champ de bataille !

La femme leva la tête et aperçut le jeune homme se diriger vers elle. Elle aboya alors une dernière série d’ordres et vint à sa rencontre.

-Revenge Drelor, comment vas-tu ?

-Très bien, merci à vous, Chasseresse. L’aubergiste m’a dit où vous trouver, aussi suis-je venu voir si je pouvais vous être d’une quelconque utilité ?

Elle le jaugea encore une fois du regard et parut réfléchir quelques secondes avant de lui répondre.

-Il y a beaucoup de choses que tu pourrais faire pour Akranio, en effet. Nous avons pas mal de problèmes à résoudre et pas énormément de passage, comme tu as dû le comprendre.

Marlon voulut tester quelque chose et ne se gêna pas, mettant sa théorie à l’essai.

-Pourtant j’ai aperçu trois aventuriers en venant vous voir. Ils avaient l’air de revenir d’une chasse aux rats également.

La surprise étincela dans le regard de Selia.

-Ho ? ça fait plus de passage que nous n’en avons eu en plusieurs mois ! Je ne pensais pas que la quête que j’avais envoyé sur la route en direction de Delia aurait eu tant de succès…j’irais les voir plus tard, Père saura les occuper en m’attendant. Viens, je dois vérifier quelque chose.

Elle fit demi-tour et se dirigea vers un des terrains d’entrainement d’un pas rapide, laissant un Marlon sidéré la suivre.

Ce jeu était si réaliste que même les PNJ faisaient comme bon leur semblait, apparemment. Il se bénit intérieurement d’être resté humble et courtois avec elle, sans quoi tout ne se serait sûrement pas passé de la même manière. Qui sait ? Elle aurait peut-être même pu refuser de le récompenser ?

Ayant vérifié sa théorie sur l’absurde réalisme de Néo-Life, il s’empressa de suivre la Chasseresse en se demandant ce qu’elle lui réservait. Arrivés sur le terrain, elle congédia les deux hommes qui étaient en train de s’entraîner comme des forcenés, et Marlon eut alors un très mauvais pressentiment.

Elle leur prit leurs deux épées en bois et en lança une nonchalamment vers le jeune homme qui l’attrapa au vol plus par réflexe que par volonté. Puis sans attendre une seule seconde, elle plongea vers lui et asséna un violent coup d’épée de haut en bas qui avait clairement pour but de lui fendre le crâne en deux.

Purement par chance, il réussit à lever la sienne et à bloquer une partie de l’attaque de Selia. Mais elle avait mis bien trop de force dans son coup et il ne put la contenir. L’épée s’abattit sur son crâne et le choc lui éclata le cuir chevelu dans un bruit sec. Une douleur violente irradia dans la tête de Marlon et il fit un bond en arrière pour éviter toute nouvelle attaque, sa vision s’étant troublée sous l’effet de l’impact.

Le sang se mit à couler le long de son visage et sa vision se teinta de rouge. La souffrance éveilla en lui la haine qu’il portait au plus profond de son cœur, et alors que la Chasseresse se jetait à nouveau sur lui pour lui asséner une nouvelle attaque, horizontale cette fois-ci, il se jeta au contact.

Surprise, elle ne put empêcher le jeune homme de se retrouver contre elle et par la même occasion de complètement stopper son attaque qu’elle avait porté bien trop loin. En se retrouvant totalement collé à elle, Marlon fit deux choses presque simultanément.

La première fut d’attraper son bras dominant, celui avec lequel elle portait ses attaques, pour éviter qu’elle ne le refrappe. Immédiatement, il poussa un cri de rage et en lâchant l’arme qu’il tenait dans sa main encore libre, il serra le poing et frappa de toute ses forces la mâchoire de Selia, lui infligeant un uppercut digne de certains combats de boxe professionnels.

Il entendit distinctement un os casser sous son coup et la Chasseresse recula à peine d’un pas ou deux, Marlon ayant l’impression de frapper du bois massif. Mais elle s’interrompit, ne continuant pas à l’attaquer, une nouvelle lueur de respect dans les yeux.

Lui voulait continuer à se battre, il voulait lui faire mal, briser ses os et arracher ses membres. Mais le fait qu’elle se soit stoppé lui fit prendre conscience de ses environs immédiats, sa colère refluant comme une vague se retirant après s’être brisée sur le sable sec.

Ils étaient encerclés par les combattants qui s’entrainaient quelques secondes plus tôt, et certains avaient non pas une épée en bois mais une autre, en métal tranchant celle-ci, prêts à s’en prendre au jeune homme. Leurs regards étaient sombres et leurs mains serrées sur leurs armes au point que leurs phalanges avaient toutes blanchies.

Leur échange avait duré au maximum une dizaine de battements de cœur et pourtant ils avaient tous rappliqué. C’était ce qu’on pouvait appeler une réactivité exemplaire. Selia leur fit un signe et tous se détendirent visiblement. Une femme vêtue de gris fendit la foule et se dirigea vers la femme avant de poser sa main sur son visage et de fermer les yeux en parlant dans une langue gutturale et incompréhensible.

Aussitôt une lumière blanche jaillit de sa main, et Marlon fut surpris de voir cela. Était-ce de la magie de soin ? Il en eut la confirmation lorsque la lueur blanchâtre s’éteignit et que Selia lui sourit de toute ses dents sans aucune once de rancune dans le regard.

-Putain, tu es nul à l’épée, mais je dois reconnaître que tu as une sacrée droite ! Tu as failli me casser la mâchoire, ce qui est un exploit pour quelqu’un de si jeune, et ta prise était bien exécutée ! Sommaire mais efficace ! Bien joué !

Elle vint vers lui et lui tendit la main en signe de réconciliation.

-Désolée, je voulais voir de quoi tu étais capable. Et tu m’as agréablement surpris. Cette rage ! Si tu l’utilises correctement, tu iras très loin Revenge Drelor !

Il souffla longuement, bien plus pour endiguer la haine qui avait repris son cœur et voulait maintenant la mort de son adversaire que par peur de la Chasseresse. Il réussit à reprendre le contrôle sur lui-même et serra la main de Selia, sûrement un peu plus fort que nécessaire, mais elle l’avait bien cherché.

-Ne refais plus jamais ça…

Elle fut surprise par la froideur et le danger qu’elle ressentit lorsque Revenge lui parla, mais elle se contenta d’acquiescer solennellement.

-Désolé, je ne suis pas une grande diplomate. En tout cas, sache que tu t’es qualifié et largement pour aider le village d’Akranio. Il fallait que je sois sûre que tu n’étais pas un incapable.

Sa réponse avait été brève et concise, mais elle le pensait sincèrement. Pour les aider, il fallait quelqu’un qui n’avait pas peur de la mort mais surtout une personne prête à déployer des trésors de violence pour accomplir leur but.

Autour d’eux, la foule s’était dispersée aussi rapidement qu’elle s’était rassemblée, seule la soigneuse restait devant eux. Sur un signe de Selia, elle s’avança vers Marlon et tendit la main vers son crâne qui saignait abondamment. Le jeune homme ne broncha pas et leva un sourcil quand une chaleur intense irradia de sa blessure, une chaleur douce et bienveillante.

Cela ne dura qu’un instant, mais quand elle eut terminé, sa blessure n’était plus. Il ne ressentait plus aucune douleur, et il eut même l’étrange impression que sa haine s’était légèrement apaisée. Il lui signala aussi la douleur latente qu’il ressentait au poignet, se l’étant sûrement brisé en frappant Selia, d’où le bruit d’os qui craque pendant le combat, et elle guérit cette blessure de la même manière. Une fois sa tâche accomplie, la soigneuse s’éclipsa aussi vite que le reste du groupe de combattants.

-Bon, maintenant qu’on s’est bien amusés, tu veux que je t’explique ce dont on a besoin ?

Marlon hocha la tête mais demanda tout de même :

-Il y a juste une chose…j’aimerais amasser des connaissances sur l’utilisation des runes mais je ne suis pas de la région et ne connaît personne. Pourrais-tu peut-être m’aider ?

Marlon était passé du vouvoiement au tutoiement, mais vu le contexte, il n’allait pas continuer à prendre trop de gants avec Selia. Premièrement, vu son caractère, elle n’apprécierait pas. Ensuite, se battre aussi violemment brisait des barrières, même si cela n’avait pas duré longtemps. Il n’était plus question de faire des simagrées.

La Chasseresse ne parut pas s’offenser du tout du comportement de Marlon, bien au contraire.

-Haha, ça tombe bien que tu demandes ça ! Une des tâches que j’ai besoin que tu accomplisses concerne un ermite du coin. Il s’appelle Drevos et vit dans la Forêt des Milles Lieues, juste derrière nous. Ce gars n’est pas un Grand Maître, mais il connaît pas mal de trucs sur différents types de magies, y compris celle des Runes !

Les yeux du jeune homme s’illuminèrent à la mention des Runes.

-Ne t’emballes pas trop vite. Ta mission sera justement d’aller prendre des nouvelles de Drevos. Il devait passer au village il y a deux jours pour nous approvisionner en herbes médicinales mais on n’a pas eu de nouvelles. Il habite à une journée de marche vers le cœur de la forêt et certaines créatures pourraient te poser problème. Rentrons au village, je vais t’expliquer plus en détail.

Il suivit donc Selia au village et se demanda s’il allait croiser le trio de joueurs. Vu le comportement dont il avait été témoin de leur part, il était curieux de voir ce qui allait se passer. Ils arrivèrent à la maison rouge et ils n’eurent même pas besoin de passer le pas de la porte pour entendre les éclats de voix provenant de l’intérieur. On distinguait clairement des insultes et des noms d’oiseaux.

Pas l’air inquiète du tout, la Chasseresse ouvrit la porte et Marlon lui emboita le pas.

Le spectacle qui s’offrait à lui fut alors d’une telle cocasserie qu’il ne put s’empêcher de ricaner ouvertement. Même Selia eut un sourire incrédule sur le visage.

Deux des trois compères étaient allongés sur le sol, complètement inconscients et s’étant fait tabasser copieusement d’après leur état physique sanguinolent et ce qui ressemblait à des hématomes massifs sur le visage. Le troisième quant à lui, était sur les genoux du père de Selia, le cul à l’air, et il était en train de se prendre la fessée du siècle, son postérieur ayant presque viré au violet sous l’effet des coups répétés.

-On…respecte…les…gens…qui…vous…invitent…dans…leur…MAISON ! scanda le vieil homme au rythme effréné des coups qu’il distribuait sur le fessier violet du joueur, accentuant la puissance à chaque nouvelle descente de sa main.

Celui-ci pleurait chaudement et suppliait le vieux d’arrêter, mais rien n’y faisait. A un moment, il s’évanouit, sûrement sous le coup de la douleur, et le père de la Chasseresse dut se dire que c’était assez. Il le jeta sur le côté tel un sac de ciment et se releva en se frottant les mains, un air satisfait flottant sur son visage.

-Tu nous expliques ? demanda la Chasseresse à son géniteur.

-Ces merdeux trouvaient le temps long, alors ils ont commencé à être insultants et méprisants envers moi. Mais surtout, ils ont cru qu’ils pouvaient vider les placards de la maison sous mes yeux sans que je ne dise rien ! Bande de petits cons ! Je leur ai appris ce qu’était le respect des ainés, finit-il en crachant par terre.

Une fois encore, le jeune homme se bénit intérieurement de sa clairvoyance. Il aurait autrement pu finir comme ces trois joueurs prostrés sur le sol.

Selia fit un signe à son père et il se mit à traîner les fauteurs de trouble dans la pièce où Marlon avait été reçu la veille. L’un d’entre eux sortit de sa torpeur et s’agita avant de recevoir une baffe bien placée de la Chasseresse qui le calma immédiatement.

Il n’osait imaginer l’état mental dans lequel ils se trouvaient. S’ils s’étaient attendus à trouver un jeu classique, ils s’étaient lourdement trompés, et cela allait surement leur couter cher.

Selia s’assit au bout de table, prenant une posture intimidante, et son père aligna les joueurs côte à côte en les secouant un bon coup pour qu’ils reprennent conscience. Une fois que tous eurent les yeux ouverts, ensanglantés certes mais ouverts, la Chasseresse s’adressa à eux d’un ton glacial.

-Qui êtes-vous et pourquoi avez-vous semé le trouble chez moi ?

Le premier à prendre la parole le fit sur un ton humble et mielleux.

-Nous sommes désolés de notre comportement…nous venions simplement rendre une quête qui nous a été confiés. Les rats des champs nous ont mené la vie dure mais nous y sommes arrivés.

La femme regarda d’un œil froid celui qui venait de lui parler, mais elle finit par ouvrir un tiroir dans une commode située dans le fond de la pièce et s’adressa encore à lui.

-Où sont les preuves ?

Le jeune homme se dépêcha de déballer la poche de cuir du balluchon que le vieux avait ramené avec eux, et il posa sur la table dix oreilles de rongeur identiques à celles qu’avait ramené Marlon.

Sans rien rajouter, la femme lui jeta la bourse contenant les pièces et sur un signe de tête son Père confia au joueur repenti une carte semblable à celle qu’il possédait dans sa chambre d’auberge. Les deux autres larrons sortirent de leur hébétude et regardèrent avec dégout leur ami qui se dépêcha de se mettre en retrait dans la pièce en s’inclinant et en réitérant ses excuses envers le vieil homme et la Chasseresse. L’un d’entre eux prit alors la parole.

-Mais on croit rêver ! Une salope de PNJ croit qu’elle peut faire ce qu’elle veut ? Bordel, c’est qu’un putain de jeu, alors tu vas venir t’excuser tout de suite et peut-être que je déciderais de ne pas te vio…

Le reste de sa phrase se perdit dans des borborygmes inintelligibles. Selia avait sorti un couteau d’il ne savait où et l’avait lancé avec une telle violence qu’il avait traversé la gorge de l’impoli et était ressortie de l’autre côté avant d’aller se planter dans le mur avec un bruit sec. Un geyser de sang érupta de la plaie et les yeux du joueur s’étaient écarquillés alors qu’il tombait sur le sol en bois.

Marlon ne fut pas surpris outre-mesure. Le type en train d’agoniser avait tout simplement été stupide et il en payait maintenant le prix. Une vie en moins pour lui. Il gargouillait maintenant à terre en essayant d’interrompre le flot de sang, mais au bout de quelques secondes le son dérangeant s’arrêta et la mort vint le cueillir sans plus attendre, une flaque de sang s’étalant sous lui. Ce qui le dérangeait plus était la certitude que si elle avait utilisé toute sa force sur le terrain un peu plus tôt, il serait on ne peut plus mort.

Le dernier hère avait considérablement pâli et regardait son camarade mort. Il voulut prendre la parole, sûrement pour suivre l’exemple de celui qui s’en était sorti, mais on ne lui en laissa pas l’occasion.

-Père, bâillonne-le et amène-le sur la place publique. Nous devons faire un exemple avec ce genre de personnage. L’autre a eu la présence d’esprit de s’excuser tout de suite, contrairement à toi et ton camarade. De plus, quel genre de personne crois-tu que nous sommes ? PNJ ? Je suis Selia, la Chasseresse d’Akranio ! Et derrière toi, mon père, l’ancien Général des Légions Sanglantes de Forgeciel ! Tu aurais dû te couper la langue en signe de pénitence!

Le jeune homme pensa alors que même les PNJ ne savaient pas qu’ils en étaient…impossible de pousser plus loin le réalisme…non ?

Alors que le vieil homme trainait le survivant à l’extérieur, Selia jeta un œil à Marlon et lui demanda de but en blanc, un air calculateur sur le visage :

-Me ferais-tu l’honneur d’exécuter ce bâtard ?

Il n’hésita même pas devant sa demande. Quatre personnes débarquent en l’espace de vingt-quatre heures et trois d’entre eux se comportent comme des taureaux en rut…même lui aurait des doutes à sa place et c’était un bon moyen de vérifier qu’ils n’étaient pas des connaissances.

-Avec plaisir, Chasseresse. Quiconque vous insulte est mon ennemi…

Un sourire presque enjôleur apparut sur les lèvres de Selia et elle hocha la tête en se dirigeant vers la porte et en lui faisant signe de la suivre. Il ne se fit pas prier et sortit de la maison, évitant de marcher dans la flaque de sang du cadavre.

Quelques secondes plus tard à peine, ils étaient arrivés sur la place principale du village.

Une foule s’était déjà amassée autour d’une estrade en bois, sur laquelle se tenait le père de Selia, tenant le malandrin par les cheveux.

Des larmes coulaient maintenant sur ses joues et il semblait tellement désespéré que Marlon eut presque pitié de lui. Presque.

La Chasseresse monta sur la structure et attendit que Marlon fît de même avant de s’adresser à la foule rassemblée autour d’eux, alors que d’autres habitants arrivaient toujours au compte-gouttes.

-Habitants d’Akranio, je suis devant vous pour donner un exemple aujourd’hui ! Cela n’était pas arrivé depuis longtemps, mais cet homme et un autre sont venus chez moi aujourd’hui, insultant mon père et volant ce qui ne leur appartenait pas ! J’ai eu pitié de l’un d’eux et lui ai offert une mort rapide ! Quant à celui-là, je voulais que tous se rappellent une chose : le respect mutuel n’est pas en option chez nous !

Elle regarda Marlon et le pointa du doigt.

-Voici quelqu’un qui respecte nos règles. Il n’a pas eu peur de se défendre contre moi ce matin mais n’a jamais manqué de respect ! Il désire réellement nous aider ! Aussi vais-je lui faire l’honneur de procéder au châtiment. Si quiconque s’y oppose, qu’il le dise maintenant !

Bien entendu, personne ne souffla mot. Ils ne connaissaient pas Marlon, mais la parole de Selia était bien plus que suffisante pour eux. Leurs regards étaient durs et sans pitié, un contraste saisissant avec ce qu’avait pu voir Marlon depuis son arrivée à Akranio. Un silence de mort se fit autour de l’estrade et la Chasseresse tendit sa propre épée à Marlon. Il se doutait que le cadeau de l’exécution n’était pas tout à fait sans motif. Il permettrait de lever tout doute sur lui.

Elle parla un peu plus doucement pour que seul Marlon et son père l’entende.

-Avec ton épée, ça risque d’être compliqué de lui trancher la tête. Fais ça vite et bien, pas la peine de faire durer.

Marlon hocha la tête et sentit une légère angoisse lui étreindre le cœur alors qu’il attrapait l’épée de la Chasseresse et se plaçait derrière le joueur qui avait été mis à genoux. La garde de l’arme était faite d’un métal bleuté qui renvoyait la lumière du soleil tel un prisme et la lame semblait à même de pouvoir trancher n’importe quoi.

La tête du joueur reposait sur un billot de bois qui avait déjà servi quelquefois, à en juger par la couleur plus foncée de la pièce de bois et les nombreuses entailles s’y trouvant.

Le jeune homme allait pouvoir vérifier sa théorie, aussi referma-t-il son cœur à toute interférence émotionnelle. Il n’eut pour cela qu’à repenser à sa mère mourant devant lui. Il prit une grande inspiration et leva l’arme aussi haut que ses bras lui permirent, la foule entière suivant du regard le mouvement de l’épée.

N’écoutant plus que sa froide colère, il abattit l’épée bleutée d’un mouvement puissant et ressentit presque une pointe de plaisir alors que la lame tranchait la tête du joueur et s’enfonçait dans le billot de bois.

La tête tomba et roula une ou deux fois avant de s’arrêter et Marlon fut tout de même étonnée de ne pas ressentir autre chose que sa colère et de l’excitation face à ce spectacle. Il savait que son cœur n’était pas encore totalement mort, car il ressentait encore des choses.

Mais quand il laissait libre cours à sa rage, plus rien ne pouvait l’atteindre. Comme si un mur de titane protégeait sa conscience devant l’horreur qu’il venait de commettre. Tuer ou se faire tuer…un credo qu’il ferait bien d’adopter définitivement, surtout dans ce nouveau monde.

L’ancien Marlon était bel et bien mort, car jamais dans sa vie antérieure il n’aurait pu accomplir ce qu’il venait de faire en l’espace de deux jours. Ressentir ce sentiment de puissance était quelque chose de nouveau mais il sentait au plus profond de lui qu’il avait attendu cela toute sa vie. Un nouvel homme était en train de naître, et il ne plierait devant rien ni personne, cette fois-ci.

Alors qu’il continuait à s’interroger intérieurement et que la foule acclamait le bourreau qui venait de rendre justice, une chose étrange se passa. Le sang qui jaillissait du cou tranché de sa victime s’éleva dans les airs et forma un symbole que Marlon ne put reconnaître. Cela dura une seconde ou deux au maximum, et tous se turent devant la manifestation plus qu’inhabituelle. Puis la forme disparut comme elle était apparue, et le jeune aventurier sentit qu’il connaissait maintenant par cœur le motif qu’il venait de voir.

DING

Le meurtre de IamAfuckingProBastards a déclenché la Bénédiction de Loki. Vous apprenez le mot runique Course. Pour comprendre comment l’utiliser, vous devez trouver un instructeur compétent.

Selia lui posa la main sur l’épaule, et les yeux brillants d’espoir, elle lui demanda :

-Serais-tu un descendant de l’Archimage ?

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