La Tour des Mondes
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Chapitre 335 : Accepter la situation
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Je m’assois sur le rebord que j’ai laissé il y a une heure et qui donne vue sur Erèbe. Meni vient de disparaître il y a quelques instants et je viens juste de me remettre de la fusion. Disons que Micha et moi commençons à nous faire à la fusion, mais cela demandera un peu plus d’entraînement de ma part pour réussir à maîtriser cette forme.

Maintenant que j’y pense, avec ces deux fusions, mon corps change drastiquement. Cela me fait vaguement repenser à Nerys et ses leçons sur le style. Quand mon corps aura fini d’évoluer lui-même, j’aurai probablement la force de Meni et la souplesse de Sigu. J’imagine que « mon » style n’est pas d’en avoir un qui m’est propre, mais de simplement comprendre que ce que je pense être moi est influencé par ceux qui sont avec moi chaque jour.

« Alors pourquoi je me sens comme ça ? »

Je regarde ma main en pensant à tout cela. Elle ne ressemble plus à celle que j’avais sur terre. Je la ferme en la frappant avec violence contre la roche. Même la douleur n’est plus la même.

Il suffit que je pense avoir touché le fond et la situation ne fait que s’empirer.

Maliel est l’une de mes premières amies au pied de la tour et elle vient d’essayer de me tuer. Sa première attaque n’était qu’à quelques centimètres de me transpercer le cœur. J’imagine qu’elle l’a atteint d’une certaine façon.

Je me sens trahi, et le pire c’est que je ne sais pas pourquoi elle agit comme ça, mais il serait sans doute stupide d’essayer de trouver une raison. Je n’imaginerai pas des excuses pour elle. La prochaine fois que je la vois, elle mourra.

J’ai bien l’impression que les seuls en qui je peux avoir confiance sont à côté de moi à regarder Erèbe. Les autres essayent majoritairement de me tuer ou de profiter de moi, si ce n’est les deux en même temps…

« Qu’ils aillent tous se faire voir. À commencer par Charade. »

Je me laisse tomber en avant. Une chute de plusieurs centaines de mètres me semble rafraîchissante et va bien avec la sensation de trahison que je ressens. Je deviens à la fois sourd et aveugle alors que le sol se rapproche rapidement. Avant de mourir éclaté contre le sol en pierre, je décide de tirer ma griffe dans la paroi en pierre et le mécanisme dans mon dos ralentit progressivement ma chute en dévidant du câble jusqu’à ce que je finisse par toucher le sol. Je réenclenche le mécanisme et la griffe revient se fixer sur mon poignet.

J’ai un assassinat de Guilde à terminer, mais commençons par parler à Korail et Kiki devant moi pour savoir pourquoi ils sont dans cet état. Je libère les rats que j’avais lâchés dans le coffre et qui sont terrorisés par la chute que je viens de faire. La brute qui tient Kiki décide d’approcher pendant que les rats décident eux de me maudire à travers les liens.

Mes deux compagnons ont tous les deux l’air d’avoir passé un sale moment. Kiki semble inconsciente, mais vu le léger ronflement que j’entends, elle est en train de dormir.

— Qu’est-ce qu’il se passe ?

— L’entrepôt que nous avons attaqué était une embuscade. Tark est resté là-bas en nous disant qu’il était capable de gérer, mais il est en danger à mon avis.

— … Et les Guides ? Capturés, j’imagine ? C’est… Ça complique les choses. Tark s’en sortira de toute façon.

Korail semble un peu étonné par mon manque d’inquiétude pour Tark. Il devait s’attendre à ce que je veuille l’aider sur le champ, mais je n’ai aucun doute que ce dernier n’a pas encore montré toute sa force jusqu’à présent. C’est à un point où je serai déçu d’avoir tort. Il aurait probablement pu me tuer pendant notre duel, même si je n’aime pas accepter une défaite. Je ne suis pas hypocrite au point de me mentir à moi-même. Tark est dangereux. Sa force ou même la corruption… Il y a suffisamment de raisons justifiant mon raisonnement.

Je regarde en direction de la porte blindée de Cerberus à une centaine de mètres, mais celle-ci est encore verrouillée.

« Vu la foule que j’ai énervée là-dedans, c’est une mauvaise idée de rester dans les parages. Nous ferions mieux de partir. »

Je me mets en marche alors que Korail semble un peu perplexe.

— Tu fais une sale tronche. Je ne sais pas ce que tu as fait là-dedans, mais clairement ça ne va pas super.

— … J’ai détruit le coffre-fort d’Arcana, le reste n’a pas d’importance. Le plan doit changer maintenant que les Guides sont prisonniers. Je vais assassiner Charade directement. De votre côté, vous devriez sauver les otages. Je vais écrire un message à Tark pour qu’il nous rejoigne quand il aura fini.

— Sérieusement Nomad. Il s’est passé quoi là-dedans ? Tu as l’air énervé et triste en même temps. Du peu que je sais sur toi, ce n’est pas dans ta personnalité. T’es plus du genre transi dans ta tête sans rien montrer. Et puisque tu formules le plan, j’aimerais savoir si tu es sain d’esprit ou non.

— Une ancienne amie a failli me tuer de peu. Elle a apparemment rejoint Arcana. Satisfait ? On peut se concentrer sur la suite ou je dois faire une confession thérapeutique pour t’expliquer que dans ma vie de terrien et de grimpeur, tout fout le camp ? C’est juste une personne de plus qui veut ma mort, je devrais avoir l’habitude, mais apparemment pas. Je peux réfléchir tranquillement maintenant ?!

… J’ai probablement dit ça avec plus de colère et plus sèchement que ce que je ne devrais. Je soupire en manquant presque de m’excuser auprès de Korail, mais je n’en suis pas capable.

Je peux sentir que Juliette est influencée par mes émotions alors qu’elle semble être elle aussi en colère envers Korail. C’est sans doute la première fois que mes humeurs l’influencent et cela prouve que je dois en finir rapidement. Je prends une grande respiration avant de me remettre à marcher.

La prochaine étape du voyage est le quartier général d’Arcana. Une sorte de résidence où se trouvent les bureaux de la guilde. C’est là que je vais trouver Charade et que je vais pouvoir en finir. Talion s’y rendra probablement avec… Maliel, quand ils sortiront du coffre. Ma seule option est de les prendre de vitesse pour être certain de ne pas les croiser. J’espère juste que Charade ne sera pas trop bien protégé.

« Korail, tu me suis avec Kiki. J’entrerai le premier et je te laisserai avec les rats que j’ai dressés. Si l’un d’eux te mordille la sandale où qu’ils foncent tous à l’intérieur, c’est que vous devez intervenir. Jusque-là, reprenez des forces, inutile de vous mettre en danger pour mes histoires. Avec un peu de chance, je pourrai délivrer les Guides avec eux, mais si ce n’est pas le cas, joue des bras pendant que Kiki s’occupe de les sortir de là. Si par contre les rats se dispersent… c’est que je suis mort, donc vous feriez mieux de vous replier pour ne pas prendre de risque. »

Korail me regarde en souriant légèrement alors que nous avançons rapidement dans Erèbe. Il semble que j’ai suffisamment retrouvé mon calme à son goût pour éviter qu’il ne soit contre mon plan. Je peux même sentir un peu de compassion, mais je préfère éviter de réfléchir à ma situation.

« Évite de mourir et t’en fais pas pour nous. Même si Kiki ne l’admettra pas, elle est admirative de tes conneries. De mon côté, me battre fait partie de ma religion et Mania respecte autant que moi un bon combattant. Et que ce soit clair, même si l’idée m’avait effleuré de te ramener à Redemptio, je ne suis pas un traître contrairement à ce que disait Mad’… Tout ça pour dire que tu n’as pas intérêt à crever contre une guilde bidon après m’avoir fait rejoindre ta guerre personnelle ou en laissant tes sentiments prendre le dessus. »

Je souris en écoutant Korail. Il dit probablement ça pour que j’évite de trop réfléchir à Maliel, mais ça me fait du bien de l’entendre. Ce groupe qui s’est formé autour de moi m’a été imposé, mais je suis content qu’ils soient là avec moi. Tout ce que j’ai fait aurait été bien plus difficile sans eux. Me guider, battre mes poursuivants, m’aider dans la Fosse ou brûler des entrepôts alors que cette histoire ne les concerne pas… Cela me fait des occasions de moins de mourir ou tuer et ce serait ridicule dans cette « guerre » de ne pas les considérer comme des alliés.

[Sacré développement de sa part. C’est généralement difficile pour une armoire à glace d’être gentil comme ça. Probablement le côté « prêtre » de sa classe qui ressort. Tu as un fan !]

Arrête ça Yuu. Laisse-moi au moins le temps d’en profiter.

[D’ailleurs ! Puisqu’on a le temps jusqu’à ce que tu arrives à destination, tu ne penses pas que Kiki est mignonne quand elle dort dans les bras de Korail ?]

… Pas encore cette histoire.

[Parce que je me disais, si elle est admirative de tes conneries comme il le dit, c’est possible qu’elle s’intéresse à toi ! Entre elle et Blue, tu as largement de quoi faire en ce moment.]

… Tu perds vraiment des occasions de te taire.

Je m’arrête quelques instants pour regarder Korail qui tient Kiki.

— Korail, merci d’être là.

— Ne commence pas, ce n’est pas mon délire tout ça. Je veux une revanche contre toi, mais sans ton foutu serpent. Prends ça comme une dette à payer et avance maintenant.

*

Après une dizaine de minutes à marcher dans Erèbe, je regarde ma dernière cible. Le QG d’Arcana est à flanc de grotte sur une position où il sera difficile d’entrer discrètement. Peu d’entrées, toutes fermées avec des gardes à l’intérieur et à l’extérieur. Sans parler de l’espèce de terrain vague sans couverture qui empêchera de déployer des rats comme éclaireur. J’ai l’impression que c’est Yuu qui va s’en charger avec son invisibilité.

Je laisse Korail et Kiki avec plusieurs centaines de rats disséminés à proximité d’eux dans une ruelle et je me dirige vers le QG. Avec un peu de chance, je vais pouvoir tuer Charade discrètement sans même avoir à me battre.

Bientôt, j’en aurai fini avec eux.

Bientôt, Arcana disparaîtra.



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