Chapitre 1046 – Les Cieux

Leylin évalua calmement ses deux fils.

L’aîné, Daniel, avait hérité de la loi de Dévoration de son père ainsi que de la force du Rêve. On lui avait donné le nom de Jörmungandr .
Syre, le fils de sa première femme, avait quant à lui hérité de la capacité d’Infinité, et fut ainsi appelé Ouroboros .

Daniel semblait, pour l’instant, plus puissant. Grâce à la maturité de sa lignée, il avait déjà atteint le sommet du rang 6 des Démonistes. Syre, en revanche, n’avait pas une force aussi impressionnante, mais son héritage d’infinité obscurcissait son avenir, lui conférant un potentiel illimité !

En tant que géniteur de sa propre lignée, Leylin porta immédiatement un jugement en les observant :
« Je dois ajuster leurs lignées… »

Chez les autres Sorciers, les lignées transmises pouvaient causer de nombreux effets secondaires négatifs : instabilité émotionnelle, entraves, ou même folie. Mais ce n’était pas le cas des Targaryen. En tant que fondateur de leur lignée, et grâce à l’assistance de la puce d’IA, Leylin pouvait corriger et purifier ces défauts.
Cette capacité unique garantissait que très peu de ses descendants souffraient de paranoïa ou de dégénérescence, ce qui avait élevé la famille Targaryen au rang de lignée prestigieuse et hautement respectée.

Désormais, puisque la lignée originelle de Leylin avait été purifiée et renforcée, ses descendants disposaient de meilleures chances encore de progresser.
Il passa donc un long moment au château Ouroboros, profitant des instants simples passés avec ses enfants et petits-enfants.

Aussi étrange que cela puisse paraître, Leylin avait même déjà des arrière-petits-enfants. Il prenait soin de tempérer les rancunes ou regrets des nombreuses femmes qu’il avait laissées derrière lui, leur apportant paix et stabilité.

Il procéda personnellement à la modification des lignées de Jörmungandr et Ouroboros , supprimant les effets négatifs des gènes et préservant ainsi ses futurs descendants des malformations ou instabilités héréditaires. Parallèlement, il commença à se préparer à pénétrer dans le Paysage des Rêves depuis l’ombre.

« Le flux du temps dans le Monde des Mages est différent de celui du Monde des Dieux… » murmura-t-il, songeur.

Après un banquet somptueux, Leylin regagna son laboratoire, tenant entre ses mains une boule de cristal, son regard brillant d’une étrange lumière.

Il avait invité plusieurs anciens du clan Ouroboros , ainsi que quelques autres mages de rang 6 du Continent Central.

Avant d’atteindre le rang 7, ces personnes avaient déjà été pour lui de simples fourmis. À présent, ce statut était encore plus évident. Ses fils seuls pouvaient vaincre la quasi-totalité des Aubes Naissantes du continent. Leylin n’éprouvait donc plus aucun intérêt à prouver sa puissance.
Un simple soupçon de désir exprimé concernant des informations sur la cité volante suffisait à faire trembler ses subordonnés et à les pousser à lui fournir tout ce qu’ils savaient.

Cependant, à son niveau, il n’avait aucun désir de dépouiller ces mages d’importance moindre. Cela lui donnait l’impression de maltraiter un enfant. Il ouvrit donc son coffre aux trésors, permettant à ses subordonnés de choisir quelques objets en compensation. Ainsi, tout le monde ressortait satisfait de l’échange, persuadé d’avoir conclu une affaire équitable.

« La cité volante du Monde des Mages devrait être la forme originelle de celles du Monde des Dieux… »

La puce d’IA cligna, copiant les informations contenues dans la boule de cristal et les comparant aux données de Thultanthar . Très vite, de nombreux problèmes furent détectés.

« Le vol urbain a certes été inventé par les Mages, mais ce sont les Arcanistes qui l’ont perfectionné. En y ajoutant des systèmes énergétiques secondaires, ils ont transformé les cités volantes en armes capables de menacer directement les royaumes divins… »

Tout ce qui venait des antiques époques n’était pas forcément utile. La créativité et la brutalité des Arcanistes avaient surpassé de loin les cités volantes primitives des Mages. Certes, il était probable que l’ Ombre Déformé ait eu un rôle crucial dans leur établissement dans le Monde des Dieux et dans leur développement, mais cela n’avait que peu d’importance.

Ce que Leylin désirait vraiment, c’était comprendre la cité volante originelle, afin de mieux exploiter le potentiel de Thultanthar .
Il se moquait bien du passé ou du jugement moral : ce qui était utile, il le prenait. Ce qui était inutile, il le rejetait.

« Tout ce qui a de la valeur au monde est à ma disposition ! » pensa-t-il.

C’était là l’essence de la philosophie des anciens souverains, et la devise suprême des Mages ayant atteint la compréhension des lois. Leur quête unique était celle de la vérité, et leur puissance naissait de la valeur qu’ils savaient extraire du monde. Telle était la racine de leur existence.

« Bien que les lois limitées de ce monde aient empêché les Mages d’exploiter tout son potentiel, la théorie derrière les villes volantes reste similaire… »

Il hocha la tête tandis que la puce d’IA annonçait :
[Bip ! La technologie derrière la ville volante a été triée et stockée dans la base de données. Nom du fichier : cité volante, analyse à 100 %. Possibilité de transfert vers Thultanthar : 9,85 %.]

« Ce n’est qu’un prototype, après tout. Même 10 % d’amélioration, c’est déjà très bien. »

La cité volante nétherise qu’il avait obtenue dans les Vallées de Givre restait l’un de ses plus grands atouts. À chaque occasion, il la renforçait.

Dans les temps anciens, les Grands Arcanistes, armés de leurs cités volantes, avaient été redoutés jusque par les dieux. Ce fut la raison pour laquelle ces derniers les avaient détruits à tout prix. Mais Thultanthar avait été préservée, cachée dans les ombres, et Leylin l’avait découverte. C’était une arme mortelle, et un jour, elle referait surface dans le Monde des Dieux, ouvrant ses mâchoires contre les divinités elles-mêmes…

« Puce IA, transfère toutes les données vers la puce auxiliaire du Monde des Dieux ! » ordonna Leylin.

La Plaque Manderhawke avait solidifié la connexion avec le Monde des Dieux. Son clone demi-dieu de l’autre côté pourrait exploiter ces informations au maximum. Libéré de ces tâches triviales, Leylin reporta toute son attention sur son laboratoire.

« Paysage Onirique… » souffla-t-il.

Une puissance onirique rouge sombre s’éveilla autour de lui, emplissant la salle d’une brume lourde et pesante. Dans cette lumière sanglante, d’innombrables runes scintillèrent sur son corps, et un œil vertical s’ouvrit lentement entre ses sourcils.

Le Paysage des Rêves était entré dans une période de déclin : la force onirique s’affaiblissait, et la survie des créatures qui l’habitaient devenait presque impossible. Même les existences les plus viles et les plus monstrueuses avaient été forcées de se sceller. Quant aux autres, elles dépérissaient, privées de la force qui les nourrissait.

Mais pour Leylin, ce n’était pas un problème.
« Tant de force onirique répondant à ma seule volonté… et c’est justement maintenant qu’elle est la plus faible… »

Il était impressionné.
« Le Physique Absorbant les Cauchemars est véritablement extraordinaire… comparable à l’autorité d’un Seigneur de Baator. Non… peut-être même supérieur. Après tout, Baator n’est qu’une partie du Monde des Dieux. Mais le Paysage des Rêves, à son apogée, pouvait rivaliser avec le Monde des Mages lui-même… »

Leylin connaissait déjà intimement la force onirique. Il l’avait explorée dès le rang 5, grâce à la lignée de la Douairière Serpent et aux Serpents-Démons d’Albâtre. Ces expériences avaient renforcé son affinité et son contrôle sur le paysage. Mais tout cela n’était rien en comparaison du Physique Absorbant les Cauchemars. L’appel de la force originelle du Rêve l’enivrait.

« Je croyais que la lignée du Serpent-Démon d’Albâtre, capable de voyager librement entre réalité et rêve, était suprême. Mais comparée au Roi des Cauchemars, elle n’est rien du tout… »

Si l’Albâtre n’était qu’un noble roturier dans ce royaume, alors le Roi des Cauchemars en était le prince, voire le souverain. Hormis la Volonté Mondiale du paysage , personne n’était à craindre.

« Pas étonnant que le Roi Cauchemar ait atteint une telle puissance, devenant pratiquement invincible… » murmura-t-il, fasciné.

Avec ce seul lien au Rêve, Leylin ressentait une force sans bornes. Dans le paysage des rêves, il oserait même défier la Douairière Serpent !

« Je n’ai pas d’ennemis mortels. Mais si j’en avais, je les entraînerais tous ici, dans le Paysage des Rêves, et je les consumerais… »

Dans son esprit, les calculs se multipliaient, combinant la puissance de la puce d’IA et les avantages du Rêve. Même face à la Douairière Serpent ou à l’Infâme Oiseau-nefaste, il estimait avoir 60 % de chances de victoire .

« Mais les Mages des lois ne peuvent agir de manière irréfléchie… » soupira-t-il intérieurement.

Désormais Démoniste de rang 7, il comprenait mieux que jamais le jeu social des hautes sphères. Ces existences étaient trop puissantes pour être détruites aisément. Même lorsqu’elles tombaient, la résurrection restait accessible. Cette réalité avait poussé nombre d’entre elles à s’unir dans un fragile équilibre.

Déclarer la guerre sans raison revenait à s’isoler.
Plus encore, il entretenait de bonnes relations avec la Douairière Serpent, qui avait même sollicité son aide, et il n’avait aucune hostilité envers l’Infâme Oiseau-nefaste. Il n’y avait donc aucune raison d’agir contre eux.

Bien sûr, si ces seigneurs du Monde du Purgatoire osaient lui chercher querelle, Leylin ne les ménagerait pas.

D’un autre côté, il était temps d’envisager des alliances.
Le gâteau du Monde des Dieux était trop vaste, et s’il tentait de tout accaparer seul, il serait inévitablement assailli par une coalition divine. Il lui fallait donc préparer un réseau d’arrangements et d’alliés avant de passer à l’action.