Luo Sulan sourit et dit : « Techniquement, il y a deux problèmes. Premièrement, j’ai été bannie de ma famille pour avoir fui et épousé ton père. De ce fait, je ne peux guère être considérée comme faisant partie de la famille Luo. Deuxièmement, tu demandes pourquoi nos oncles et tantes par alliance nous ont maltraités ? C’est un peu plus compliqué à expliquer. Nous leur devons une faveur, arrêtons-nous là. »

« Nous leur devons une faveur ? Qu’est-ce que ça veut dire ? » Han Sen ne s’attendait pas à cette réponse et regarda sa mère avec surprise.

« Je ne sais pas. Mais c’est ce que ton père m’a dit, en fait. Il ne m’a jamais donné de détails. » Luo Sulan sourit en parlant.

« Mon père… est-il vraiment mort ? » Le cœur de Han Sen gardait toujours une lueur d’espoir que son père soit encore en vie. Après tout, son corps n’avait jamais été retrouvé suite à son accident.

« Honnêtement ? Je ne sais pas. J’ai passé des années à enquêter sur sa mort, mais je n’ai toujours rien découvert. Cependant, je suis persuadée que ton père est vivant. » Le regard de Luo Sulan reflétait cette conviction.

Han Sen fit un mouvement de lèvres comme pour dire quelque chose, mais aucun mot ne sortit. Il finit par dire : « Maman, tu dois être douée pour le combat. »

« Plutôt, oui. Ton grand-père m’a bien formée » répondit Luo Sulan en souriant.

« Alors pourquoi ne m’apprends-tu pas ce que grand-père t’a appris ? » demanda son fils, les yeux brillants d’une pointe de déception de ne pas avoir reçu un tel enseignement plus tôt.

Luo Sulan sourit à Han Sen et demanda d’un ton suggestif : « Es-tu sûr que je ne t’ai rien appris ? »

« Bien sûr. Je le saurais si tu m’avais appris quelque chose », répondit Han Sen.

Luo Sulan attrapa Han Sen par l’oreille et dit : « Mon imbécile de fils, je n’arrive pas à croire que tu n’aies rien compris à ce que je t’ai appris. Crois-tu vraiment que tes capacités de décision, de combat, d’apprentissage, de timing, d’anticipation, de réflexion, ta vision du monde, ton attitude face aux choses, tes principes d’humanité et tes réflexes soient le fruit de ton propre apprentissage ou des dons innés ? »

Han Sen était abasourdi. Il s’était toujours cru extrêmement doué grâce à son talent autodidacte. Il comprenait maintenant que, depuis son plus jeune âge, si sa mère le laissait souvent se débrouiller seul, c’était pour qu’il devienne plus indépendant. Même lorsqu’il s’agissait de jeux, elle avait discrètement développé ses aptitudes.

Han Sen se souvint alors du jeu des Mains Rouges, auquel il jouait souvent avec sa mère. Ils y jouaient plus qu’à n’importe quel autre jeu ensemble, et ce n’est qu’à cet instant qu’il comprit que c’était ce qui lui avait permis d’avoir un tel sens du timing et des réflexes, et aussi de si bien cerner les autres.

Il y avait beaucoup d’autres choses similaires. Et il était maintenant stupéfait de réaliser que, tout au long de son enfance, sa mère l’avait instruit et guidé avec une telle fluidité, sans que l’entraînement ne paraisse une corvée. Luo Sulan avait eu une grande influence sur sa jeunesse et avait contribué davantage à forger sa personnalité qu’il ne l’avait jamais imaginé.

Pourtant, ces pouvoirs qu’elle lui avait enseignés étaient assez ordinaires. Il n’y avait rien de spécial ni d’exclusif dans ce qu’elle lui avait appris, et pourtant, c’est son excellence dans ces domaines qui lui avait permis par la suite de se distinguer.

« Mais tu ne m’as jamais enseigné l’art hypergène de la famille Luo. » En disant cela, Han Sen semblait de nouveau contrarié.

« Dans ce monde, qu’est-ce qui fait la force ? Toi-même. Si tu es suffisamment puissant, peu importe l’art hypergène que tu maîtrises ; si tu es fort, tu es fort. Si j’avais choisi de t’enseigner le Qi Gong le plus puissant qui soit, cela n’aurait rien changé. Avec des aptitudes de base aussi faibles, tu serais un novice quoi qu’il arrive. Ta personnalité est ce qui définit ta véritable puissance, et tu t’en es très bien sorti sans cet art hypergène. Je t’ai enseigné l’essentiel pour devenir une figure influente dans ce monde fou, et à ce que je vois, ça a porté ses fruits. C’était la mission que je m’étais fixée, et enseigner cet art hypergène n’était pas dans mon intérêt. »

Luo Sulan s’interrompit un instant. Elle soupira, puis reprit : « De toute façon, j’ai quitté la famille Luo. Je n’ai aucun lien avec eux, si tu fais abstraction de mon nom. Je ne voulais surtout pas que tu t’y mêles inutilement. »

Han Sen remarqua que Luo Sulan ne souhaitait pas parler de la famille Luo qu’elle avait quittée, et il n’insista pas. Il demanda plutôt : « Ce sont vraiment les reliques de mon arrière-grand-père ? »

Luo Sulan acquiesça et répondit : « Oui. Ton père me les a données. »

« Alors, mon arrière-grand-père est bien l’instructeur Han ? » Han Sen resta silencieux après avoir posé la question, fixant simplement sa mère.

Luo Sulan esquissa un sourire ironique et répondit : « J’aimerais bien le savoir aussi. Je pensais que ton père était juste un homme ordinaire et amusant. Il ne semble plus si ordinaire, n’est-ce pas ? »

Han Sen avait du mal à croire qu’elle en sache si peu sur son père. Si elle en savait plus qu’elle ne le laissait paraître, il soupçonnait qu’elle préférait taire quelque chose.

Mais Han Sen savait qu’il n’obtiendrait aucune réponse, alors il n’en demanda pas plus.

« Maman, sais-tu ce que sont les points de super gène ? » Ils étaient de retour à la maison. Se sentant comme un vendeur ambulant peu scrupuleux, Han Sen posa la question sournoisement.

Luo Sulan lui lança un regard complexe et dit : « Je t’ai appris beaucoup de choses. Mais tout cela vise à te faciliter la vie. Ton intelligence et tes capacités ont dépassé toutes mes espérances. Aussi formidable que cela puisse être, il y a un revers à la médaille. Si tu étais une personne ordinaire, tu serais en sécurité. En étant quelqu’un de spécial, tu risques fort de te retrouver face à la mort. »

Han Sen n’était pas certain de comprendre où elle voulait en venir, alors il se contenta de la regarder.

« Si tu as choisi volontairement la voie que tu empruntes actuellement, alors vas-y, continue. Mais c’est une voie solitaire, un chemin peu fréquenté qui ne peut accueillir qu’une seule personne. Même la personne la plus chère à ton cœur ne pourra pas t’aider. Mais si tu penses ne plus pouvoir aller plus loin, alors arrête-toi. Au moins, tu vivras plus longtemps. »

Luo Sulan caressa tendrement la tête de Han Sen et dit : « Je te souhaite bonne chance, mon fils. Peut-être qu’un jour tu deviendras quelqu’un de très renommé. »

« Maman, je n’ai jamais beaucoup étudié. Pourrais-tu me l’expliquer plus simplement ? » Han Sen, très gêné, n’avait rien compris.

« Tu n’as pas besoin de comprendre. Sois simplement toi-même. Tu as toujours suivi ton cœur, dans le passé comme dans le présent. Garde cette simple philosophie en tête, aujourd’hui et demain. » Luo Sulan ébouriffa les cheveux d’Han Sen, lui pinça la joue, sourit, puis ajouta : « J’ai de grandes attentes envers toi. »

Han Sen se sentait si impuissant. Sa mère était généralement réticente à parler et ne répondait que rarement aux questions qu’il se posait. Il avait seulement appris l’immense pouvoir de la famille maternelle, mais cela ne lui était d’aucune utilité. Les détails étaient rares, et concernant son père, Han Sen ignorait encore s’il était mort ou vivant. Il se retrouvait avec plus de questions que de réponses.

Mais les fiançailles s’étaient bien déroulées, et cela soulagea Han Sen. Il pouvait enfin demander la main de Ji Yanran.

« Hum, et maintenant… comment me débarrasser de cette fée importune ? » Han Sen avait été très occupé pendant deux semaines. À son retour à l’abri dans le désert, la fée veillait toujours aux abords des murs de la Cité de Pierre Jaune. Il semblait n’avoir d’autre choix que de se battre jusqu’à ce que l’un d’eux tombe, quoi qu’il arrive.