Auteur : Thremendous
Traductrice : Moonkissed
L’aube se leva.
Comme lors des régressions précédentes, le renard à trois queues, grand comme une maison, supposé souverain de cette forêt, vint nous rendre visite.
Je m’inclinai simplement devant le renard et lui tendis mon bras, en guise de tribut.
À cet instant, une curiosité me traversa.
— Verrais-je des lignes rouges sur le renard ?
Alors que le renard bavait sur mon bras, j’activai la vision d’un maître au pinacle.
Je fus alors témoin d’une scène terrifiante.
Du rouge partout !
Le monde entier autour de moi baignait dans le rouge !
Hein— hôp !
Si les humains m’étaient apparus par des trajectoires en forme de lignes, le renard était différent. Du centre de son front, une lueur cramoisie engloutissait tout alentour.
Ce n’étaient pas de simples lignes.
C’était plus qu’une surface : une forme tridimensionnelle, la lumière rouge dévorant l’espace autour.
‘Je ne peux pas gagner.’
Reconnaissant la lumière rouge du renard « son » domaine — je ne pus que lui tendre le bras, saisi d’effroi.
Crounch, crounch !
Tandis que le renard mâchait mon bras, je ne pus qu’émettre un grognement d’étonnement, observant son domaine.
‘Qu’est-ce que c’est ? Comment l’espace peut-il être rempli d’une telle lumière rouge ?’
Je ne comprenais pas.
Quelle sorte de créature était-ce donc ?
Puis, quelques jours plus tard, l’arrivée des cultivateurs me laissa de nouveau stupéfait.
— Rouge !
Les trois « monstres » venus récupérer Jeon Myeong-hoon, Oh Hyun-seok et Kang Min-hee ressemblaient au renard : la lumière rouge jaillissait d’eux et engloutissait l’espace alentour.
C’est alors que je compris la différence entre cultivateurs et martialistes.
‘Dans les arts martiaux, au mieux, leurs voies et intentions forment des lignes. Mais chez les cultivateurs, pour une raison quelconque, leurs intentions s’emparent de tout l’espace.’
J’imaginai combattre ces cultivateurs dans un espace dominé par leur lumière rouge.
‘Je ne peux pas gagner…’
Je compris pourquoi même les cultivateurs les plus faibles rivalisaient avec un maître au pinacle.
Même sans grande expérience du combat, s’ils pouvaient ainsi dominer l’espace par leur intention, il devient impossible pour un maître au pinacle de lire les intentions d’un cultivateur.
Inversement, à l’intérieur de l’espace qu’ils dominent, un cultivateur saurait tout comme sa propre main.
C’était une incompatibilité totale.
Le lendemain, après qu’ils eurent emmené mes compagnons, je saisis l’occasion d’interroger le Roi Dragon des Mers, Seo Hweol, venu chercher la sous-directrice Oh Hye-seo.
— J’ai une question pour le seigneur Roi Dragon des Mers.
[Hmm, qu’est-ce donc ?]
Après avoir brièvement expliqué ce que j’avais vu, je l’interrogeai sur le territoire rouge des cultivateurs.
Seo Hweol rit et m’expliqua.
[Les cultivateurs possèdent tous ce qu’on appelle la “conscience divine (神念)”. La conscience des mortels ordinaires ne dépasse pas leur cerveau, mais les cultivateurs peuvent l’étendre pour couvrir l’espace environnant, ce qui leur permet de savoir tout ce qu’ils souhaitent. Moi, en tant qu’être spirituel, j’ai la même capacité. Cette réponse te suffit-elle ?]
— Merci.
Comme notre conversation se tenait dans la langue de Yanguo, Kim Young-hoon et les autres ne semblèrent pas comprendre.
Peu après le départ de Seo Hweol, une silhouette difforme au dos voûté apparut pour emmener la directrice Kim, et nous poussa, Kim Young-hoon et moi, dans une faille spatiale.
Je perdis de nouveau connaissance.
Plouf !
— !
Glouglou !
Je me retrouvai soudain happé par un courant ; je repris mes esprits et me débattis.
— Qu’est-ce… c’est…
J’étais sous l’eau.
Gloup, gloup !
Ayant retrouvé mes sens, je nageai vers la clarté au-dessus.
M’étant entraîné convenablement à la nage dans ma vie passée en chassant des bandits de rivière, je n’avais aucun mal à nager.
— Pfff… bon sang. La dernière fois, c’était un arbre, maintenant c’est sous l’eau. Quelle variété.
C’était probablement encore Yanguo, mais le problème, c’est que j’avais été largué au hasard quelque part dans le pays.
Autour de moi s’étendait un grand lac.
— Attends, où est Kim Young-hoon ?
Alors que je balayais les environs du regard, je baissai brusquement les yeux vers le lac.
Je vis Kim Young-hoon, bulles à la bouche, s’enfoncer.
— Zut, s’il reste là, il va mourir !
Je plongeai aussitôt, le hissai et regagnai la surface.
Sur la berge, j’étendis Kim Young-hoon et usai de digitopression pour lui faire rejeter l’eau des poumons et de l’estomac.
Sploutch !
Kim Young-hoon recracha de l’eau par la bouche et le nez et, au bout d’un moment, sembla reprendre conscience.
— Hah… ha ! Où est-ce qu’on est !
— On est complètement ailleurs.
Après lui avoir rapidement expliqué la situation, nous explorâmes les alentours.
— Hmm, à en juger par l’endroit, ce doit être le lac Tête-de-Poulet (鷄頭湖), murmurai-je.
On l’appelait ainsi parce que, vu d’en haut, il ressemblait à une tête de poulet.
Après quatre vies, il n’y avait pas un lieu à Yanguo que je ne connusse.
Tout près devait se trouver la cité de Changho.
— Euh, huh… Qu’est-ce qu’on fait ? Si on est tombés tout à fait ailleurs… Y a-t-il des gens dans le coin ?
— On dirait bien. Regarde, il y a un bâtiment là-bas.
— Oh, vraiment ?
Je pointai du doigt une construction sur l’eau, dressée dans l’angle du lac Tête-de-Poulet.
— Je sais nager ; je vais aller à ce bâtiment emprunter des vêtements, de l’argent et de la nourriture.
— Attends, te comprendront-ils ?
— En fait, j’ai appris le chinois, et ça a l’air de suffire. Je te l’enseignerai plus tard.
Après cette excuse, je nageai vers le bâtiment.
Si ma mémoire était bonne, ce bâtiment était…
— Le repaire du Fort du Chenal du Poulet (鷄水寨).
Un endroit que j’avais déjà pris d’assaut dans ma vie passée.
Le chef du Fort du Chenal du Poulet était un maître de fin de premier ordre, et le vice-chef, de milieu de premier ordre. Les quatre grands bandits restants étaient tout juste de premier ordre.
Le reste n’était que racaille, entre le troisième et le deuxième ordre, pour la plupart.
Malgré tout, j’avais dû auparavant recourir au poison, tant ils étaient nombreux.
Plouf, plouf !
Quelques bandits de rivière de second ordre, en faction au repaire, se mirent à crier en me voyant.
— Hé ! T’es qui, toi !
— Haha, c’est qui le taré ? Nager jusqu’au Fort du Chenal du Poulet ?
— Hahaha, il essaie d’entrer au Fort ou quoi ?
— On dirait un bleu !
Hahaha—
J’ignorai leurs moqueries et m’approchai lentement du bâtiment.
Puis l’un des bandits commença à baisser son pantalon.
— Hahaha, hé, le bleu ! Si tu veux entrer dans la maison principale, il faut passer le bizutage !
Plic, plic—
Un filet jaune, à l’odeur fétide, vint vers moi.
Des gouttelettes de ce liquide me giclèrent sur la tête.
Le type visait directement ma tête pour m’arroser.
Plic, plic.
Restant calme, je grimpai au Fort du Chenal du Poulet.
Mais…
Boum, boum !
— Comment oses-tu monter ici ! Redescends !
— Hé, dépêche-toi de recevoir le baptême d’eau sacrée du grand frère ! Hahaha !
Les sous-fifres me poussaient avec des bâtons pour me refoutre à l’eau.
J’ignorai leurs coups et finis par atteindre la plate-forme du Fort.
— Bordel, je t’ai dit de pas monter…
Un bandit armé d’un bâton me chargea.
Crac !
— Grr… Aaaaah !
Je lui fauchai la cheville d’un coup de pied à une vitesse invisible, le projetant au sol.
— Hmm, ça ira.
Je ramassai le bâton qu’il avait lâché, le pesai dans la main et le gardai.
— Toi, d’abord. Combien en as-tu tué au Fort du Chenal du Poulet ?
— Toi… espèce de… J’en ai tué plus de cinquante de mes propres mains…
Clac !
Je n’attendis pas qu’il finisse : je balançai le bâton et lui tranchai la tête.
— Ensuite, vous. Combien avez-vous tué jusqu’ici ?
— Qu… qu’est-ce qu’il fout !
Swoosh, swoosh !
Les bandits restants dégainèrent sans hésiter et se ruèrent sur moi.
— À voir que vous n’hésitez pas à frapper, vous avez dû tuer pas mal.
Swoosh, swoosh !
Je fis tournoyer le bâton et tranchai net les bandits à l’assaut, les balayant dans l’eau.
— Ugh, ugh… Attends…
Le dernier qui restait était celui qui m’avait uriné dessus.
— Je… je suis un bleu au Fort ! J’ai encore tué personne…
— Les autres t’appelaient “grand frère”.
— Pitié, éparg—
Fouett !
Swoosh !
Je le coupai proprement du bas-ventre jusqu’à la tête.
Splatch !
Après avoir lavé l’urine infâme avec le sang des bandits, je m’enfonçai plus avant dans le Fort.
Les bandits fumaient à tout va cigarettes et drogues, buvaient et s’amusaient avec des femmes.
Les femmes, pour la plupart capturées, étaient ligotées et couvertes d’ecchymoses.
— Hé, c’est quoi ça ?
Un bandit m’aperçut, couvert de sang, et se frotta les yeux.
— Quoi… qu’est-ce que c’est que ça ?
— C’est quoi ce type ?
— Hé, prenez vos armes. On dirait qu’on a un invité.
Même ivres, habitués qu’ils étaient à tuer, ils prirent naturellement des positions, armes en main.
— Inutile d’interroger ceux de l’intérieur.
Fouu—
J’infusai le bâton d’énergie d’épée.
— Mourez, tous.
— Qu’est-ce que vous faites ? Accueillez l’invité !
— Yaaah !
— Hé hé hé !
De face, d’en haut, des deux côtés, les bandits de rivière, chacun armé, fondirent sur moi.
J’entrai dans la vision d’un maître au pinacle.
Des lignes rouges partout.
Ces lignes, c’étaient les trajectoires des attaques dirigées contre moi.
— Voilà donc la sensation du pinacle.
C’en était presque risible.
Savoir d’avance qu’aucun d’eux ne me toucherait.
Je fermai les yeux.
Pour faire face à ces gens-là, la vue était superflue.
Les yeux clos, sans écouter le moindre son, sans prêter attention au toucher.
Ne me concentrant que sur les lignes rouges, je levai le bâton.
— Premier mouvement : Transcendance des Pics.
Swoosh !
En fléchissant la taille, j’évitai les armes des trois premiers, puis balayai à l’horizontale, les tranchant en deux.
— Deuxième mouvement : Entrée en Montagne.
Passant en posture basse, je coupai les jambes de cinq bandits qui chargeaient autour.
— Troisième mouvement : Veine Ascendante.
En posture basse, j’ajustai la prise et frappai vers le haut.
Puis, usant du Pas Transcendant-les-Pics, je bondis au milieu des bandits et portai un nouveau coup.
Transcendance des Pics, Entrée en Montagne, Veine Ascendante—
En enchaînant sans cesse ces trois fondamentaux, j’évitai les lignes rouges et prolongeai mon énergie d’épée dans la direction indiquée par les lignes bleues, les fauchant tous.
— Transcendance — Entrée — Veine.
— Veine — Entrée — Veine.
— Transcendance — Veine — Entrée.
Swoosh, swoosh, swoosh !
Avec un minimum de mouvement, j’abattis tous les bandits.
Quand plus aucune ligne rouge dirigée sur moi ne fut visible, j’ouvris les yeux sur une mer de sang.
— Urrh… argh… arghh…
Sur le côté, le chef du Fort du Chenal du Poulet se tortillait pour ramper au dehors.
— D’après mes souvenirs, c’était un maître de fin de premier ordre.
Parmi ceux que j’avais tranchés sans ménagement, il en faisait partie.
— Hé.
Je m’approchai du chef agonisant et lui parlai.
— Je… je… maître… du pinacle… Pitié… épargne-moi…
— J’ai une question. Depuis combien de temps je me bats ici ?
— E-environ… un instant…
— Très bien. Merci. Meurs.
— At… attends ! L’argent… où je l’ai cach—
Swoosh !
Je ne le laissai pas finir et lui tranchai la tête.
— Je savais déjà où tu avais planqué ta caisse noire, depuis ma dernière visite.
Laissant la tête du chef, je libérai les femmes ligotées et me rendis au cachot pour délivrer ceux qui semblaient captifs.
— M-merci, grand héros !
— Merci de nous avoir vengés de ces foutus bandits d’eau !
J’acquiesçai aux remerciements des captifs et des femmes, puis gagnai la chambre du chef pour en prendre deux tenues convenables.
Ensuite, je démolis le mur de la chambre du chef et en sortis un petit coffret renfermant sa fortune cachée.
À l’ouverture, trois lingots d’argent apparurent.
— Un bandit économe.
Je quittai mes vêtements maculés de sang pour enfiler ceux du chef et montai dans une barque amarrée au Fort.
— G-grand héros ! Si vous me dites votre nom ou votre titre, je vous revaudrai cela, c’est juré.
— Hmm, un nom, un titre…
À la question d’un captif libéré, je réfléchis en me grattant la tête.
‘Je n’ai pas régressé depuis longtemps, je n’ai pas passé tant de temps…’
Après un instant, je repris le titre que j’utilisais dans ma vie passée.
— Mon titre est le Monstre aux Combats Infinis. C’est tout ce que vous avez à savoir.
— M-merci, grand héros ! Je vous rendrai un jour votre bienfait…
— Compris~ Je file. Assurez-vous de sortir d’ici sains et saufs.
Pour éviter d’autres complications, je ramai jusqu’à la rive.
Kim Young-hoon m’y attendait.
— Oh, tu as changé de vêtements ?
— Oui, le propriétaire a eu la gentillesse de me les donner. Je lui ai expliqué notre situation, et il nous a même prêté de l’argent. Un homme simple et bon, ça fait plaisir — quelle générosité campagnarde.
— Hahaha, il faudra remercier le propriétaire. Je ne voyais pas bien la maison de loin ; c’était quoi comme endroit ?
— Hmm… D’après ce que j’ai entendu, un… truc aménagé par les pêcheurs du coin. Un endroit fait pour pêcher plus facilement, dans le genre.
— Vraiment ? C’est assez intéressant…
L’oreille à moitié tendue aux paroles de Kim Young-hoon, je pris la route avec lui vers la proche ville de Changho.
‘Dans ma vie passée, il m’avait fallu une journée pour prendre d’assaut le Fort du Chenal du Poulet et les anéantir.’
Et encore : en les empoisonnant à l’avance et en incendiant le Fort pour tuer le plus possible par intoxication au monoxyde de carbone.
Même avec ça, il m’avait fallu un jour pour les exterminer.
Mais aujourd’hui, au Royaume du Pinacle, je les avais balayés en un instant.
— Et tout cela avec un simple bâton.
Telle était la différence entre pinacle et premier ordre.
‘Dans ma vie précédente, en tant que premier ordre, j’obtenais ce qui convenait au premier ordre. À présent, en tant que maître au pinacle, je peux obtenir ce qui sied à un maître au pinacle.’
Il ne s’était pas écoulé longtemps depuis ma régression.
Mais cette vie s’annonçait plus prometteuse que toutes les précédentes.
