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Le conte du cultivateur regressé | A Regressor’s Tale of Cultivation | 회귀수선전
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Chapitre 11 – Don du ciel (5)
Chapitre 10 – Don du ciel (4) Menu Chapitre 12 – Le premier jour du troisième cycle

 

Auteur : Thremendous

Traductrice : Moonkissed

 

— Est-ce un rêve ?

Fchhhh…

La pluie tombait.

Le ciel était trempé d’encre, et dessous, un vieil homme vêtu de bleu chevauchait un artefact magique en forme de nuage, regardant le grand hall en ruine du Palais des Démons Célestes.

Autour de lui, des dizaines de praticiens de l’Édification du Qi en robes bleues contemplaient la scène.

Malgré la pluie, une barrière invisible semblait les entourer et repousser les gouttes.

Au centre du Palais, hyung-nim, les membres du Palais des Démons Célestes et les anciens gisaient couverts de sang.

En toussant du sang, hyung-nim s’appuya sur un sabre brisé comme sur une canne et parvient à peine à se relever.

Monstre… Édification du Qi, fin de stade…

Le vieil homme, posé sur l’artefact-nuage, baissa les yeux vers lui et dit :

— Tu peux être fier, mortel. Je ne suis pas un simple cultivateur 14 étoiles de l’Édification du Qi, mais un Grand Achèvement de l’Édification — un royaume supérieur. Tu t’es battu d’une façon incroyable contre un pratiquant presque parvenu à la Formation du Noyau, et contre quarante-neuf autres de l’Édification du Qi.

‘Bien battu, mon œil… Te gérer toi seul m’a submergé. Les autres… même en n’exécutant que des formations…’

— Hmm, à te voir, tu as dû atteindre les Cinq Énergies convergeant vers l’Origine chez les artistes martiaux. J’ai raison ?

Toussant le sang, hyung-nim posa un genou à terre.

— Hyung-nim…

Coincé sous les décombres du bâtiment effondré, je ne pouvais que le regarder.

J’étais resté prisonnier lorsque l’édifice s’était écroulé d’un simple geste de la main d’un cultivateur de l’Édification du Qi.

‘Ce n’est pas mortel.’

Mon autodiagnostic, fondé sur ma vie passée de médecin de premier ordre.

Avec un bon traitement, je pourrais remarcher en deux mois.

Mais pour l’instant, je ne pouvais pas aider hyung-nim le moindrement.

Même libre de mes mouvements, je n’aurais servi à rien.

En me mordant les lèvres, je pris la mesure de mon impuissance.

Le vieil homme en robe bleue, qui s’était présenté comme Grand Achèvement de l’Édification du Qi, caressa sa barbe et parla à mon hyung-nim :

— Bien que ce soit exécrable que tu aies tué des membres de mon clan de cultivateurs — ce qui mérite la mort — j’admire ton talent. Je t’offre la chance de devenir disciple de mon clan et d’apprendre nos méthodes de cultivation.

— Des méthodes… de cultivation ? N’est-ce pas… réservé à vos gens spéciaux, d’élite ?

— Quand un artiste martial atteint les Cinq Énergies, même un mortel éveille une qualité spirituelle similaire. Tes Cinq Énergies convergentes correspondent sans doute à notre Racine Spirituelle des Cinq Énergies. Si tu apprends la cultivation, tu deviendras un atout précieux pour notre clan.

Les autres cultivateurs parurent décontenancés par cette offre.

— Ha… Grand-père. Cet homme est…

Avant qu’un cultivator de l’Édification n’exprime sa désapprobation, le vieil homme marmonna quelque chose — sans doute un message télépathique.

Après quoi, les cultivators troublés arborèrent un sourire narquois.

— Ha, en effet, mortel. Tu as le potentiel pour devenir cultivateur, nous t’offrons donc cette chance.

— Nous t’enseignerons même les plus hautes méthodes de notre clan. Tu as accompli un grand exploit.

— Devenir cultivateur te donnera une puissance et une sagesse incomparables.

Ils encourageaient désormais hyung-nim à devenir cultivateur.

Je lus dans leurs yeux la moquerie et la raillerie.

‘Un piège…’

C’était un piège. Ils l’accepteraient comme cultivateur, mais taisaient l’essentiel.

Toussant le sang et couvert de plaies, hyung-nim se redressa.

— La cultivation, hein. Ça sonne bien ! En effet, vous affronter m’a donné une épiphanie. Grâce à vous, j’ai pu achever le Traité pour Transcender la Cultivation et Épuiser les Arts Martiaux !

Il frappa le sol d’un pas puissant.

— Je vais vous montrer l’extrême du Traité !

— …Avec ce sabre cassé ? Et tes compagnons sont tous morts…

— …Les compagnons défunt·e·s du Palais des Démons Célestes voudront eux aussi vous abattre.

Hyung-nim prit la garde.

Ce regard…

L’espace d’un instant, j’aperçus se superposer le hyung-nim de ma vie précédente.

Soudain, je crus comprendre l’intention véritable du Traité pour Transcender la Cultivation et Épuiser les Arts Martiaux.

Dans ma vie d’avant, le regard désespéré de hyung-nim me disait quelque chose.

Fwoosh !

Il s’évanouit d’un bond et se retrouva aux côtés du vieil homme, l’épée s’abattant.

— Hmph, vain… hein… !

Alors que le vieil homme s’apprêtait à lancer un sort, le sabre brisé de mon frère fendit l’air à côté de lui — tranchant le vide.

Pourtant, quelque chose d’invisible semblait avoir été coupé.

Le vieil homme se troubla profondément et perdit un instant la trace de Young-hoon — qui se faufila, lui échappa et franchit l’encerclement des cultivateurs de l’Édification.

C’était bien cela.

Le Traité pour Transcender la Cultivation et Épuiser les Arts Martiaux que Young-hoon avait créé dans ma vie passée. Un art né du désespoir et du chagrin, forgé par le plus grand artiste martial lorsqu’il rencontra des cultivateurs et succomba au désespoir.

Cet art portait un dessein :

— À mon petit frère, Seo Eun-hyun : préserve cet art pour les générations futures, qu’elles aient au moins une bouée de sauvetage face au cataclysme nommé cultivateurs.

Une technique secrète pour se frayer une issue face à des cultivateurs plus forts et invincibles. Tel était le but originel du Traité.

— Attrapez ce mortel insolent !

Whoosh !

Le vieil homme en bleu chevaucha l’artefact-nuage à la poursuite de Young-hoon, suivi des autres cultivateurs de l’Édification, chacun sur son artefact volant.

Quelques Édification restants jetèrent un regard sur le Palais ravagé.

— On dirait qu’il y a un survivant là-dessous.

Leur regard tomba sur moi, palpable.

Mais l’un d’eux dit avec dédain :

— Laisse. S’ils ne sont pas du pinacle, laissons ces rebuts de premier et deuxième rang. Traquons-le. Le reste — confions-le aux autorités, qu’elles lancent une chasse à l’homme.

— Entendu.

Les cultivateurs de l’Édification me laissèrent et s’envolèrent à la poursuite de Young-hoon.

En effet, je ne les intéressais pas — un rebut de premier rang.

Inutile, insignifiant, simple mortel.

— Koff… Urgh… !

Faible, inutile, impuissant.

Les dents serrées, je repoussai les gravats de toutes mes forces, convoquant toute mon énergie interne.

— Ngh… Aaaah !

Faible — mais en vie, grâce à mon insignifiance.

Faut-il s’en réjouir ?

— Haah… !

Je parvins à ramper hors des décombres et m’effondrai sur le sol détrempé.

— Aaah… Aaah… !

Inlassablement faible — au point d’être incapable d’aider qui que ce soit.

J’avais beau apprendre le déguisement, la médecine, la furtivité, l’espionnage pour compenser ma faiblesse, face aux véritables monstres, je n’étais rien.

— Urgh… Aah… !

Je sanglotai sous la pluie.

Flaque, flaque, flaque…

Au bout d’un moment, des forces me revinrent et je rampai jusqu’au point d’où Young-hoon avait bondi.

Les corps des anciens et des maîtres du pinacle du Palais des Démons Célestes jonchaient le sol.

Je cherchai des survivants.

Hélas, tous les membres du Palais étaient morts.

— Putain…

Puis, quelque chose attira mon regard.

L’endroit d’où Young-hoon avait sauté.

Il y avait quelque chose.

— C’est…

Une trace d’épée. Mais formant une forme.

C’était une lettre.

Je m’en approchai précipitamment et lus les caractères.

— Dans quinze jours… au temple Suak…

Le temple Suak était un sanctuaire désert à l’extérieur de Cheombyeok.

La marque était si grossière que seul quelqu’un connaissant son « écriture » pouvait la comprendre.

— Je t’attendrai quinze jours.

Après avoir utilisé mon énergie interne pour récupérer sous la pluie, je sauvai d’autres survivants coincés sous les décombres, j’enterrai anciens et membres du Palais dignement, puis je m’adressai aux forces restantes.

— Vice-chef, que faisons-nous maintenant ?

— Si Maître Young-hoon, le chef du Palais, a été vaincu par les cultivateurs…

— Nous sommes marqués criminels par le monde martial…

— Si les autorités lancent une chasse à l’homme…

Je soupirai devant ces visages désespérés qui s’accrochaient à moi.

Ne restaient que ceux n’ayant pas atteint le pinacle — jusqu’au fin de premier rang seulement.

Tous les maîtres du pinacle du Palais étaient morts en déployant la formation de bataille contre les cultivateurs.

Dans une telle situation, si le supérieur panique, cela mène au chaos.

Parmi ces gens, certains pourraient se rebeller et me capturer pour livrer ma tête aux autorités.

— À partir d’aujourd’hui…

À cet instant, j’étais de facto le supérieur.

Contrairement à ma vie passée, j’étais un premier rang de milieu d’échelon.

Dans un groupe où tous n’étaient — que du premier rang, mes compétences n’étaient pas négligeables.

— Le Palais des Démons Célestes change de forme.

Ce n’était pas qu’une confusion passagère.

Avec la disparition de Young-hoon, le Démon Céleste Extrême — le pivot du Palais — l’avenir de l’organisation s’assombrissait et le chaos n’allait que croître.

En dernier supérieur, je devais offrir une vision.

— Le Palais des Démons Célestes est actuellement l’ennemi public du monde martial ; les autorités ont mis la plupart d’entre nous à prix. Le pivot, le Démon Céleste Extrême, est en état inconnu — vivant ou mort !

En entendant cela, des regards menaçants s’allumèrent.

— Si les autorités ou les factions se lancent à nos trousses, nous serons anéantis ! Mais il existe une voie !

— Quelle voie ?

— Le Yanguo est vaste ! La circulation des nouvelles prend du temps et des ressources. Nous exploiterons ce délai pour saisir l’information du monde martial du Yanguo !

— Que voulez-vous dire ?

— Parmi vous, certains ont appris avec moi l’espionnage, le contre-espionnage, la furtivité, le déguisement et autres arts. Nous allons exploiter ces compétences, recueillir les informations de chaque faction, maîtriser les tendances du monde martial et transformer la direction du Palais en une organisation d’informations !

Désormais, l’information du monde martial passera par nos mains et sera manipulée par nous ! Puisque nous traitons l’information, même le fait que le Palais des Démons Célestes soit notre prédécesseur sera modulable !

Nous survivrons en diffusant, fournissant et vendant de fausses informations aux autorités et aux factions !

Ce n’était pas du vent.

Dans ma vie antérieure, en tant que stratège en chef de l’Alliance du Wulin, tous les renseignements et événements du monde martial passaient entre mes mains.

J’étais plus que capable d’orchestrer l’information — et je connaissais même beaucoup d’événements futurs.

Mes paroles redonnèrent confiance aux survivants ; la menace dans leurs yeux s’éteignit.

— Plus tôt, mieux c’est. Réorganisons l’organigramme, fouillons le Palais pour les titres de propriété et l’argent. Avant la fin de la nuit, nous renaîtrons !

Je restructurai promptement les troupes restantes et quittai Cheombyeok avec elles cette nuit-là.

Quinze jours passèrent.

Je me rendis au temple Suak, comme l’avait indiqué Young-hoon.

Quoi ? C’est vide.

J’attendis longtemps.

Jusqu’à l’aube du lendemain.

Puis la journée retomba dans la nuit.

La nuit redevint jour — trois jours et trois nuits, et Young-hoon ne vint pas.

Alors, je fouillai le temple Suak et finis par trouver une trace laissée par Young-hoon.

— Ouf, j’ai failli la manquer.

Je découvris une marque d’épée sur la poutre maîtresse du temple.

— Les cultivateurs me talonnent ; je n’ai pu te rencontrer et j’ai laissé cette lettre ici.

Je bondis jusqu’à la poutre, la tranchai et la fis tomber.

La poutre portait des douzaines de petites entailles formant des lettres. Malgré la « mauvaise écriture », je parvins à la lire.

Je déchiffrai lentement la lettre de Young-hoon :

— Ce jour-là, j’ai compris le vrai but du Traité pour Transcender la Cultivation et Épuiser les Arts Martiaux. Je croyais que c’était un art créé pour tuer des cultivateurs — je me trompais complètement.

Il a été créé pour leur échapper.

— …

— Ce jour-là, j’ai ressenti au plus profond le désespoir du créateur de cet art. Lui aussi a dû rencontrer un cultivateur écrasant, désespérer, et, au final, créer un art non pour les affronter, mais pour fuir.

Si j’ai pu tuer des cultivateurs avec, c’est seulement parce que leur niveau était trop bas. Je fanfaronnais — le plus grand des arts — mais j’ai compris qu’il n’avait rien de quoi se vanter.

— Hyung-nim…

Cette tonalité me rappela le Young-hoon de ma vie passée.

— Mais je continuerai de fuir les cultivateurs avec ma dernière fierté. Je vérifierai si, vraiment, les arts martiaux ne peuvent pas se dresser contre eux, si le Traité n’est que fuite, ou si je peux aller au-delà.

Désormais, je ne cesserai de leur échapper, en poussant le Traité à son extrême tant que je pourrai m’exercer. Il semble que je ne te verrai pas de sitôt.

Les cultivateurs approchent. Si je survis, je viendrai à toi un jour.

C’était la dernière phrase.

— Moi aussi, je t’attendrai dans l’ombre, hyung-nim.

Je quittai le temple Suak et regagnai Gwiyeonggak, l’héritier du Palais des Démons Célestes, désormais réorganisé en organisation de renseignement.

Dix ans passèrent.

J’infiltrai Gwiyeonggak dans les ombres du Yanguo, contrôlant le marché de l’information à l’échelle du pays.

Mes décennies d’expérience à l’Alliance du Wulin, et ma connaissance de l’avenir, furent d’un immense secours.

D’autres services d’espionnage nous résistèrent un temps, puis perdirent les guerres secrètes.

Nous étions, après tout, les héritiers du Palais des Démons Célestes.

Un groupe né des décombres d’une faction classée — plus grands criminels du monde martial, dont chaque rescapé était un maître de premier rang.

Le niveau « ancien de grande faction » ou « chef de petite faction » abondait chez nous.

Même si d’autres lançaient des escarmouches secrètes, notre puissance brute les submergeait ; nous balayions aisément les autres réseaux.

Quant aux maîtres du pinacle pouvant nous défier, ils n’avaient aucune raison de se mêler à ces guerres secrètes : ils préféraient fonder leur propre faction, ou entrer comme anciens honoraires ailleurs.

En cinq ans, Gwiyeonggak prit plein contrôle de l’information du monde martial du Yanguo, effaçant toute trace nous reliant au Palais des Démons Célestes.

Dans les cinq années suivantes, je stabilisai Gwiyeonggak et attendis patiemment le retour de Young-hoon.

Dix ans après l’anéantissement du Palais.

Gwiyeonggak s’était imposé comme l’une des premières factions d’information du Yanguo.

Parallèlement, nous avions abusé les cultivateurs en leur faisant croire que les restes du Palais avaient été éradiqués, nous dissociant avec succès du Palais.

Résultat : nous devînmes même une classe privilégiée au Yanguo, soutenue par des cultivateurs.

En dix ans, quelques premiers rangs fin de stade avaient franchi le seuil du pinacle, assurant une force extérieure non négligeable.

Tout était abondant.

Sauf une chose.

Mes propres compétences.

Si je m’en souviens bien, il me reste dix ans à vivre.

Ching ! Ching !

Les traits de l’Épée Tranche-Montagne déchiraient l’air.

Pendant dix ans, absorbé par le travail, je n’avais pu m’entraîner correctement ; mon niveau stagnait à la lisière du milieu et du fin de premier rang.

Je ne suis plus qu’à un pas du fin de premier rang.

Mais ce pas ne se franchissait pas.

Je devais atteindre le fin de premier rang dans les dix prochaines années, et au moins toucher un indice du Royaume du Pinacle.

‘Combien de temps resterai-je faible ?’

J’approchais des soixante-dix ans, et je me sentais encore bien faible.

‘Je vise au moins les Cinq Énergies convergentes, et je ne suis même pas au fin de premier rang…’

Pourquoi mon talent est-il si maigre ?

Alors que je réfléchissais en maniant l’épée, une voix familière me parvint :

— Tu as encore beaucoup de parasites dans ton jeu de lame, Eun-hyun.

— !

Je me retournai aussitôt.

Il était là, assis.

— Ça fait longtemps, hyung-nim.

— Assez de salamalecs, reprends l’épée.

Selon ses instructions, je repris la garde de l’Épée Tranche-Montagne.

— Cette technique te va comme un gant. Bien utilisée, elle peut te conduire jusqu’au pinacle. Montre.

J’exécutai les passes comme il disait.

En observant, il corrigeait ; je suivais avec application, affûtant ma forme.

Ces corrections durèrent jusqu’à la nuit — puis il disparut comme un fantôme.

Je me frottai les yeux : plus personne.

Le lendemain, il reparut, m’enseigna à nouveau ; je suivis sans broncher.

Au bout de sept jours et sept nuits, un déclic survint.

L’épée semblait fusionnée à mon être.

L’Épée Tranche-Montagne se fondit dans mon âme, devint une partie de moi.

J’eus soudain l’impression de pouvoir exécuter l’art avec une branche, voire à mains nues.

En même temps, l’énergie de sabre couvrit naturellement la lame, bien plus stable.

Je pouvais la maintenir bien plus longtemps.

— C’est… l’Unité du sabre et du corps !

Le royaume de l’Unité, symbole du fin de premier rang.

— Tu as franchi la barrière. Félicitations.

— Hyung-nim, tu es vraiment remarquable.

Je l’admirai sincèrement.

Une frontière que je n’avais pu franchir des années durant — il m’avait fait la franchir en sept nuits.

Mais il cliqueta de la langue :

— Je ne te l’ai pas donnée. Tu étais presque au seuil ; je t’ai juste poussé dans le dos.

— N’empêche, ce n’était pas facile.

— J’ai fait tout ce que je pouvais pour toi. Maintenant que tu as passé l’obstacle, à toi de structurer.

— Bien sûr.

— Et… atteindre le pinacle ne sera pas simple. Au-delà, c’est un autre monde. Tu ne dois pas penser en termes d’arts martiaux ordinaires pour le pinacle.

— On me l’a dit toute ma vie.

— Tu peux l’entendre mille fois, ce ne sera jamais assez. Moi, j’ai franchi la barrière du pinacle comme une plaisanterie ; mais pour quelqu’un de si peu doué que toi, il faudra des efforts mille, dix mille fois supérieurs rien que pour atteindre la barrière.

— Je m’en souviendrai.

— Bien.

Hyung-nim sortit alors un livre de sa robe.

Le titre était : « Traité de Contemplation de la Cultivation et de Dépassement des Arts Martiaux (조수월무록). »

— J’ai comblé certaines lacunes du Traité pour Transcender la Cultivation et Épuiser les Arts Martiaux, développé quelques techniques, et ajouté d’autres.

Il disait « quelques », mais l’ouvrage était nettement plus épais que celui de ma vie passée — presque trois fois.

— Mais, même après avoir contemplé la cultivation, au-delà des arts martiaux ordinaires, ce n’est qu’un récit sans vraie valeur. Je n’ai jamais réussi à surpasser les cultivateurs.

— …

— J’ai pu tant bien que mal échapper aux premiers d’Édification du Qi, et j’ai fini par abattre un Édification fin de stade. Mais les cultivateurs de la Formation du Noyau… Ce sont des catastrophes naturelles. À partir de la Formation du Noyau, ce sont des phénomènes incarnés…

— …

— J’ai réussi à trancher un poignet d’un cultivateur de la Formation du Noyau. Mais c’est tout : le poignet a repoussé après quelques incantations, et j’ai frôlé la mort plusieurs fois.

Il leva les yeux au ciel, l’air amer.

Je ne pus cacher ma propre amertume.

Il avait gravi le monde plus vite que dans ma vie passée.

Même après avoir maîtrisé le Traité — legs de sa précédente existence —

le résultat était le même que ce que j’avais entendu autrefois.

— Sans doute le créateur du Traité pour Transcender… a-t-il ressenti la même chose. Que c’est “la fin”. Que les artistes martiaux ne peuvent pas aller au-delà… Il a dû le sentir…

Il se passa la main sur le visage, dévasté.

— …On m’a beaucoup estimé dans le clan — par le cultivateur de la Formation du Noyau qui m’a soumis. J’ai été admis dans son clan. J’étais le premier du monde martial, mais là-bas je serai le cadet. Haha… Entrer dans un clan signifie couper les liens avec le profane ; je suis venu te voir une dernière fois.

— Alors, si c’est “la fin”, pourquoi me donnes-tu ça ?

Je regardai le Traité de Contemplation de la Cultivation et de Dépassement des Arts Martiaux d’un air sombre.

— Après tout, même si on le maîtrise, on ne rejoint pas les cultivateurs.

— Haha, c’est vrai. Mais…

Son visage s’emplit de tristesse.

— Pour les générations futures, afin d’assurer au moins leurs droits minima devant les cultivateurs. Cet art est laissé pour cela. Je ne le considère même pas comme une bouée. C’est juste le minimum de puissance pour que des êtres comme nous, simples mortels, soient reconnus comme des entités par les cultivateurs.

Il sourit avec amertume et poursuivit :

— Il y a bien plus de cultivateurs cruels et brutaux que tu ne l’imagines. Cet art offre un instant de répit face à ces gens… C’est ce genre d’art.

Fchhhh…

Soudain, il disparut complètement de ma vue.

Comme s’il était devenu un fantôme — j’en restai stupéfait.

— C’est…

— L’une des techniques annexes conçues en développant le Traité de Contemplation…. Comme le Traité pour Transcender…, il exige d’atteindre les Trois Fleurs Rassemblées au Sommet. Donne-le à un artiste déjà à ce niveau, il en reconnaîtra la valeur. Je t’ai aussi laissé un autre cadeau ; poursuis ardemment et atteins le pinacle.

Whoosh…

Après ces mots, hyung-nim ne réapparut jamais devant moi.

Hyung-nim m’avait effectivement laissé autre chose.

Sur le mur de mon terrain d’entraînement.

Des entailles d’épée formaient une technique martiale.

— C’est…

C’était l’Épée Tranche-Montagne.

Mais… ajustée à mon niveau — désormais fin de premier rang —, elle était révisée.

L’art originel comptait 12 mouvements ; 12 autres furent ajoutés — 24 formes au total.

Heureusement, les ajouts prolongeaient l’original ; ce ne fut pas difficile à apprendre.

Peut-être parce que j’avais atteint l’Unité du sabre et du corps, ma maîtrise progressa très vite.

— Merci, hyung-nim.

En apprenant la version révisée, je remerciai silencieusement.

Ma vie s’étiolait lentement.

Mais je brandissais l’épée sans relâche, malgré le corps vieillissant.

Du fin de premier rang, luttant pour briser vers le Royaume du Pinacle.

Je mémorisai les techniques du Traité de Contemplation…, les recopiai, et les diffusai en secret aux grandes factions du Yanguo.

J’espérais que les maîtres du pinacle qui l’obtiendraient hausseraient un peu leur royaume et gagneraient de la force contre les cultivateurs.

Mon corps perdait peu à peu sa vitalité.

Il ne m’obéissait plus comme avant.

Mais je serrais les dents et brandissais mon sabre.

Je ne peux plus être faible.

Je ne dois pas être faible.

Répéter la vie ne signifie pas qu’elle n’a aucun sens.

C’est pourquoi j’ai vécu à fond cette existence.

Et pour la vie que je pourrais vivre encore…

Je ne dois pas y ressentir l’impuissance.

Je ne peux pas être faible !

Les années s’envolèrent.

Le jour de ma mort, je brandissais encore mon épée.

Ainsi s’acheva ma vie obstinée, par l’art du sabre.

C’était mon troisième retour.

 

***

Note du traducteur : Les mots Transcender et Dépasser dans « Traité pour Transcender la Cultivation et Épuiser les Arts Martiaux » et « Traité de Contemplation de la Cultivation et de Dépassement des Arts Martiaux » traduisent en réalité le même terme coréen (월, wol). Phonétiquement, les titres sont Wol-su-gung-mu-rok (월수궁무록) et Jo-su-wol-mu-rok (조수월무록). J’ai choisi deux rendus proches (Transcender / Dépasser) pour mieux distinguer les deux ouvrages dans le contexte.

 



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