Chapitre 1018 — Téléportation

Leylin devenait de plus en plus féroce dans ses attaques, comme aveuglé par le massacre. Il avait décidé de jouer sur leur propre terrain : repérer chaque adversaire prêt à agir, le neutraliser brutalement, puis terrifier les autres par une démonstration de puissance implacable. Il déployait ainsi toutes ses forces.

C’était là toute la puissance d’un Demi-Dieu : le soutien d’un flot ininterrompu de foi et d’émotions, combiné à son expérience de Mage proche du rang 7, lui conférait une force de combat qui le surprenait lui-même.

Il déchira à mains nues deux créatures géantes de la brume, puis bondit avec une agilité féline. À peine eut-il touché le sol qu’il rattrapa Jeffries, qui battait en retraite aussi vite que ses jambes le permettaient.

Touché par la Grande Disjonction , Jeffries avait perdu sa lance, puis le collier d’argent qu’il portait au cou. Ses robes et ses bottes s’étaient désintégrées dans la foulée.

« En tant que légendaire, tu as encore une certaine dignité. » Leylin parlait d’un ton neutre, mais ses mains, elles, s’agitaient imperceptiblement. Une Épée de Mage aux reflets irisés se matérialisa dans sa paume. Façonnée par sa force spirituelle, elle égalait à présent une arme divine.

« Sauvez notre allié ! » crièrent quelques prêtres en uniforme de l’Église de Helm, projetant à la hâte un bouclier sacré autour de Jeffries.

« Ne me dérangez pas. » Le froncement de sourcils de Leylin s’accompagna de mouvements si rapides que l’air se coupa en plusieurs entailles en croix. Swish ! Les deux prêtres touchés virent leurs sorts défensifs se briser comme du verre avant que leurs corps ne s’ouvrent sous la lame. Jeffries en profita pour reculer encore.

« Bien que je t’admire, il est impossible de te laisser vivre… » Leylin le rattrapa aussitôt. Son Épée du Mage brisa la dernière barrière protectrice de Jeffries.

« Héhé… Je ne pensais pas que tu serais si puissant… Toux… Quel dommage… Je ne reverrai jamais la magnifique Fauvette d’Été des mers du Nord… » Murmurant ces derniers mots, Jeffries ferma les yeux, prêt à accepter la mort.

« Veuillez pardonner Jeffries, Leylin Faulen. » Une main fine saisit Jeffries par le col, et en un instant, il disparut dans un éclat de lumière.

« Xena… non… Ma Dame ! » balbutia Jeffries en reconnaissant la prêtresse d’or.

Celle-ci, jusque-là recroquevillée dans un coin, semblait frêle et terrifiée. Mais à présent, bien qu’elle conservât cette apparence, elle irradiait une dignité et une assurance inhumaines. Xena, simple prêtresse, n’aurait jamais pu dégager un tel éclat divin, ni sauver Jeffries ainsi. Une seule explication : elle était possédée par une puissance bien plus grande, sa déesse elle-même.

« Enchanté, Dame Waukeen. » Leylin s’inclina avec grâce, tout en tranchant la gorge de deux prêtres de Helm. La contradiction entre son élégance et sa sauvagerie était saisissante.

« Je m’excuse… Tu étais un enfant que j’estimais, mais j’avais déjà un accord avec Mystra. Je dois respecter les règles… » Waukeen tira Jeffries à l’écart en parlant avec calme. « Ce n’était qu’un accord unique, cependant. Si tu survis à cela et leur offres la gloire d’un vrai dieu, je peux t’assurer que ton territoire ne sera pas affecté. »

Au dernier mot, elle emporta Jeffries loin de la vallée. Un arc doré éblouissant jaillit de Xena, formant une silhouette féminine élégante vêtue d’or, dont seule la moitié du corps était visible. Libérée, Xena s’effondra, pâle et affaiblie, comme si cette possession avait réduit son espérance de vie.

« Capacité divine : Changement spatio-temporel. » Le doigt de Waukeen désigna Leylin… et sa silhouette explosa, se dissipant dans le néant.

Leylin sentit le monde tourner autour de lui. Lorsqu’il retrouva ses repères, il se trouvait presque à la sortie de la vallée, encerclé par des dizaines de bêtes géantes de brume qui le fixaient comme une proie.

« Un dieu intermédiaire a des pouvoirs aussi mystérieux… » Un sourire se dessina sur ses lèvres. « Était-ce un geste de bonne volonté ou une menace ? Peu importe. Elle a agi à cause de ce marché. Après ça, nous sommes quittes… »

« Il ne reste donc que trois véritables ennemis. » Les membres de l’Église de la Richesse étaient partis, mais les survivants de l’explosion initiale se regroupaient déjà.

« Haha… tu mourras ici ! » hurla Benedict, les yeux injectés de sang.

« Oh ? Tu crois pouvoir me vaincre ? » Leylin écarta rapidement paladins et bêtes, et porta son attention sur Benedict, qui semblait cacher un atout.

Les demi-dieux représentaient le sommet du Plan Matériel Primaire. Seuls les véritables corps des dieux ou une coalition de légendaires de haut rang pouvaient espérer rivaliser avec eux — mais rarement sans un prix exorbitant.

« C’est prêt ! » s’exclama Benedict.

La brume se dissipa, révélant une immense formation magique quadrangulaire. Bzzt ! Bzzt ! Quatre piliers de lumière grise s’élevèrent, formant une cage autour de Leylin. Benedict, un cristal en main, en contrôlait l’énergie.

« Cette fluctuation… Ainsi c’est vraiment… » Les yeux de Leylin s’illuminèrent. Il tendit la main : « Ordre de la Loi : Mort ! »

« Reculez ! » crièrent les prêtres.

Benedict ne lâcha pas le cristal. Transmettant toute son énergie, il maintint la formation jusqu’à ce que son corps s’écroule, inanimé. Les piliers se resserrèrent, se transformant en un cercle de téléportation. Dans un éclat de lumière, Leylin disparut.

« Benedict… » murmura un paladin en voyant le sourire satisfait sur le visage sans vie de son camarade.

« Que ton âme repose dans le royaume divin… » ajouta un autre.

« Nous pourrions tomber à jamais, mais la justice triomphera toujours. » Un paladin blessé leva la tête avec ferveur, suivi par l’assentiment des prêtres de Helm. Les prêtres de Mystra, eux, restèrent silencieux.

« NON ! » cria soudain une prêtresse aux cheveux argentés.

« Que se passe-t-il ? » demanda un paladin.

« Il n’y a aucune trace de lui dans le royaume divin de notre maître ! Le faux dieu n’y a pas été téléporté ! »

La formation devait l’envoyer droit dans le royaume de Mystra — un piège mortel. Mais l’objectif avait échoué. Tous fixèrent le corps de Benedict, comprenant l’ironie tragique.

Dans les vastes fissures spatiales, deux dieux se tenaient côte à côte. Autour d’eux, turbulences et flux élémentaires se dissipaient d’eux-mêmes. Leylin les reconnut : un guerrier mutilé, Tyr, Dieu de la Justice, et une jeune magicienne à l’aura de Toile vivante — Mystra, Déesse de la Magie.

Après un long silence, Mystra ouvrit les yeux :
« La téléportation a été perturbée. Il n’a pas atteint mon royaume divin. »

« J’ai inspecté toute la zone, y compris les fissures dimensionnelles. Il n’y a aucune trace de la Cité Flottante. » répondit Tyr.