Le match de Lin Ming contre Bi Tinghua allait voir deux pointures s’affronter. Une fois terminé, le groupe sept compterait ainsi un challenger de moins.
Cette rencontre attira rapidement l’attention d’une bonne partie de l’assemblée. Pas seulement pour le spectacle, mais aussi parce que le titre de ‘disciple le plus puissant des trente-six pays’ se jouait en partie ici.
C’est Jing Chanyu qui se trouvait en pole position depuis sa victoire face à Zi Ling, avec une cote de 1 : 1,1. Jing Chanshi, son frère, possédait de son côté une cote de 1 : 1,3.
Ceux qui n’avaient pas parié pour eux plus tôt s’en mordaient les doigts, tandis que les autres se frottaient déjà les mains.
Miser sur une cote de 1 : 1,1 pouvait difficilement rapporter de l’argent ; mais cela n’arrêtait pourtant pas les paris, qui continuaient d’affluer pour Jing Chanyu.
La cote de Lin Ming avait également progressé pour s’établir à 1 : 6. Il se retrouvait ainsi troisième dans la liste des champions potentiels des trente-six pays, bien que loin derrière le duo Jingchan.
D’où le caractère décisif du match entre Bi Tinghua et lui. Leur combat achèverait de déterminer à qui le titre de champion des trente-six pays reviendrait.
Bi Tinghua surpassait Zi Ling en tout point, cela ne faisait aucun doute. Quant à savoir qui de Bi Tinghua ou de Jing Chanyu était le plus fort, la balance penchait plutôt en faveur de Jing Chanyu. Lin Ming perdrait ainsi toute qualification pour le titre s’il ne sortait pas vainqueur de ce match.
Sa cultivation n’était toutefois qu’au sommet du Façonnage Osseux, tandis que son adversaire se trouvait déjà à la Condensation de l’Impulsion avancée. Cela représentait presque un écart d’une étape entière ; comment Lin Ming pouvait-il espérer l’emporter ?
Au-delà du public, même Qin Xingxuan qui, d’ordinaire, plaçait une foi inébranlable en Lin Ming, doutait de sa victoire.
« Il me tardait de t’affronter, Lin Ming. C’est malheureux que ce match n’ait pas eu lieu durant la première partie des qualifications. » Bi Tinghua possédait un fort côté efféminé, si bien que son sourire ressemblait à la fleuraison d’une marguerite. Il jeta un regard perçant en direction de Qin Xingxuan qui attendait Lin Ming sur le côté de l’arène et reprit : « Ta jeune amie place probablement tous ses espoirs sur toi. Je serais heureux de lui briser le cœur.
— C’est malheureux, comme tu dis. Quant à mon amie, sois tranquille, elle ne sera pas déçue. » Lin Ming ne doutait pas un instant de sa victoire, subsistait simplement la question de savoir s’il pouvait l’emporter en utilisant uniquement son inspiration martiale Samsara. Sur ce point, il n’était sûr de rien.
Le public resta bouche bée devant cet échange d’incivilités. Ce Lin Ming était bien trop sûr de lui.
Bi Tinghua comptait parmi les trois premiers disciples principaux de la Faction du Mirage. S’il était à la Condensation de l’Impulsion avancée, en ce qui concerne ses aptitudes au combat, il se situait davantage au niveau d’un maître à un demi-pas du Houtian.
Les pronostics pour ce Tournoi des Factions le plaçaient en bonne position pour le top vingt. Lin Ming, de son côté, partait avec un apriori négatif avec sa curieuse manière de combattre. Fang Qi, Jing Chanyu et Bi Tinghua lui bloquaient la voie et personne ne le voyait terminer ‘rang un.’
« Tu es bien sûr de toi, s’esclaffa Bi Tinghua. Malheureusement pour toi, je m’y connais aussi en attaques psychiques. Je me demande, qui de nous deux est le meilleur en la matière ?
— Si j’avais un doute jusqu’à maintenant, ton attitude minable me laisse penser que mes chances viennent d’augmenter.
— Humph ! Foutaises ! » coupa sèchement Bi Tinghua. Le décor changea alors brusquement. Les gradins disparurent, le ciel s’évanouit, le sol se déroba et les deux adversaires se retrouvèrent soudainement dans une immense étendue sauvage verdoyante. Le sol était tapissé de petites fleurs parfumées et de plantes luxuriantes.
« Voilà le domaine des songes de ma faction combiné à mes propres capacités ; montre-moi un peu comment tu vas bloquer ça ! »
Une illusion était une forme d’attaque psychique et pouvait tout aussi bien tuer.
Les illusionnistes étaient capables de former leur propre dimension, à l’intérieur de laquelle ils régnaient en maître absolu. Une seule pensée leur suffisait à créer et trouver n’importe quoi, ou encore à éliminer n’importe qui.
Un artiste martial piégé dans cette dimension pouvait y perdre la vie définitivement s’il ne parvenait pas à faire la part des choses. Les illusions permettaient vraiment de tuer d’autres êtres vivants. Si les techniques ordinaires visaient le corps physique, les illusions, elles, s’attaquaient directement à l’âme.
« Meurs ! » s’écria Bi Tinghua, et une magnifique naga apparue derrière lui. Son buste était celui d’une sirène, une déesse aux proportions parfaites et aux lignes gracieuses, tandis que le reste de son corps, recouvert d’écailles, ondulait tel un gigantesque python.
« Réjouis-toi, tu mourras en servant de repas à cette splendide créature ! Régale-toi de sa chaire ! »
D’une pensée de Bi Tinghua, la bouche de la naga se courba dans un sourire envoûtant. Tout à coup, ondulant sur le sol, elle fondit comme une flèche en direction de Lin Ming.
« Rahh ! » Ses lèvres rouges s’ouvrirent soudainement dans un cri puissant, révélant plusieurs rangées de longs crocs acérés. Son visage magnifique avait pris une apparence terrifiante en un instant.
Une bataille psychique ?
Lin Ming n’aurait pas rêvé mieux ! Cela faisait quelque temps maintenant qu’il essayait d’approfondir sa compréhension de son inspiration martiale Samsara. Il n’allait certainement pas passer à côté d’une occasion pareille !
Fermant les yeux un court instant, il les rouvrit brusquement, mais cette fois, deux vortex noirs tourbillonnaient en lieu et place de ses pupilles.
Une tempête déchaînée se forma alors dans le ciel, plongeant l’ensemble du domaine des songes dans la pénombre. Un vortex menaçant tournoyait en son centre, attirant le monde entier dans sa gueule démesurée.
L’herbe et les fleurs se déchirèrent en morceaux et les arbres furent déracinés. La terre et les rochers s’envolèrent dans les airs, le sol lui-même se tordant sous la force du vortex. La magnifique naga fut elle aussi aspirée dans la tempête, où son corps fut broyé dans un cri pitoyable.
« Mm ? Tes yeux !? »
Bi Tinghua venait tout juste de réagir lorsqu’il sentit son esprit tressaillir. Une rivière intarissable de fantômes et d’images spectrales s’y déversa, inondant ses pensées et ébranlant sa mer spirituelle, qui manqua de peu d’être brisée sur le coup.
Le domaine des songes de la prairie verdoyante s’effondra, laissant place au néant face à la puissance implacable du vortex. Ne subsistait plus qu’un immense espace de noirceur. Une multitude d’étoiles éclatantes brillaient tels des diamants au milieu de la tempête, tandis que le sol n’était plus qu’une sinistre masse rocheuse.
« Meurs ! »
Les yeux de Lin Ming s’illuminèrent, et une minuscule sphère noire s’abattit sur Bi Tinghua, l’anéantissant aussitôt.
C’est alors que les lambeaux de son corps détruit se transformèrent en des millions de papillons qui s’envolèrent aussitôt dans le vent, se répandant rapidement dans toutes les directions.
« Mm ? »
Lin Ming fut surpris par la ténacité de Bi Tinghua.
L’essaim interminable de papillons s’éleva dans les airs, recouvrant bientôt le ciel tout entier. Quelques secondes s’écoulèrent ainsi, avant qu’ils ne changent de direction et convergent tous vers Lin Ming. Dans leur plongeon, ils se transformèrent en faucons aux serres étincelantes.
Des millions de faucons fondirent alors sur Lin Ming, s’écrasant contre lui et disparaissant dans son corps comme s’ils n’étaient rien d’autre que des pensées malveillantes dirigées contre sa mer spirituelle. Celle-ci fut totalement obscurcie par cette nuée sans fin en quelques secondes à peine.
« Déguerpissez ! »
Les yeux de Lin Ming s’illuminèrent tout à coup d’une lueur violette et de gigantesques arcs de foudre éclatèrent aussitôt à travers sa mer spirituelle. Un dragon des flots tonnerre gargantuesque apparut, ondulant à travers les nuages de ce formidable orage. Des éclairs aussi larges que des colonnes en pierre déchiraient le ciel, réduisant en cendres les misérables faucons piégés dans cette tempête.
Les spectres ne craignaient rien davantage que la foudre et le tonnerre, c’était leur plus grand point faible. Cette attaque psychique n’avait donc pas la moindre chance de fonctionner contre Lin Ming.
Mm ? Sa mer spirituelle est plongée dans un orage éternel ? se demanda Bi Tinghua dans un élan de stupeur. On ne pouvait pas rêver meilleure défense d’âme. À tel point que, à moins d’un écart de cultivation considérable, personne ne pourrait endommager sa mer spirituelle à l’aide d’une attaque psychique.
On disait d’un artiste martial qu’il était d’attribut tonnerre lorsque le pouvoir élémentaire de la foudre s’écoulait dans sa véritable énergie. Un taux de fusion de soixante pour cent était déjà considéré comme très bon. Cela correspondait à une fusion élémentaire de grade quatre et pouvait grandement modifier les capacités au combat.
Au-delà, une fusion élémentaire de grade cinq équivalait à un taux de fusion de quatre-vingt-dix pour cent, tandis que la fusion élémentaire supérieure de grade cinq amenait le taux de fusion jusqu’à cent pour cent.
Si un artiste martial d’attribut foudre avec une fusion élémentaire de grade cinq était un talent hors du commun, un autre avec une fusion élémentaire supérieure de grade cinq était tout simplement un génie sans pareil !
Ce taux de fusion pouvait néanmoins dépasser les cent pour cent, et dans ce cas-là, non seulement le pouvoir de la foudre ne faisait plus qu’un avec la véritable énergie de l’artiste martial, mais il pénétrait également dans sa chair et dans son sang, renforçant l’ensemble de son corps. La foudre accompagnait chacun de ses gestes et chacun de ses pas. C’était la fusion élémentaire de grade six.
En théorie, plus le taux de fusion était élevé et plus l’artiste martial pouvait fusionner avec la foudre. Ainsi, plus le pouvoir de la foudre était présent dans le corps et plus la fusion était parfaite.
Une fusion élémentaire supérieure de grade six représentait la limite absolue dont Bi Tinghua ait jamais eu connaissance. Mais il n’avait pas plus entendu parler d’une mer spirituelle protégée par un pouvoir élémentaire. Cela ne pouvait qu’être le fruit d’une fusion élémentaire ultime, mais de quel grade ?
Existait-il seulement quelque chose après le grade six ?
Le grade sept relevait plus du mythe que de la réalité. D’ailleurs, si Lin Ming possédait vraiment une fusion élémentaire de grade sept, il lui suffirait d’utiliser la foudre pour le vaincre…
Impossible ! C’était tout bonnement impossible !
Soit quelque chose lui avait échappé, soit ce gamin venait d’utiliser une technique secrète, mais il n’y avait pas d’autre explication. C’est du moins ce que Bi Tinghua se répétait pour se rassurer.
Mais cela ne suffit pas à repousser ce sentiment incoercible de peur qui grandissait dans son cœur. Sa méthode d’attaque principale reposant sur les illusions, Lin Ming se trouvait dans une position intouchable.
Le rapport de force pouvait basculer à tout moment dans un duel de force d’âme, et en la matière, la peur représentait une faille considérable. Lin Ming se jeta aussitôt sur la brèche qui venait d’apparaître dans les défenses de Bi Tinghua et l’inspiration martiale Samsara déferla dans sa mer spirituelle.
…
« Qu’est-ce qui cloche ? J’ai eu le temps d’aller aux toilettes et ces deux types sont toujours en train de se regarder sans rien faire !? Ils n’ont plus envie de se battre ou quoi ? lâcha, moqueur, un spectateur en se rasseyant.
— Espèce d’idiot, coupa sèchement un autre, le combat a déjà commencé. Ces deux-là sont engagés dans une bataille d’illusions depuis le début !
— Quoi ? » s’écria le premier avec surprise. Il venait d’une famille de cultivateurs martiaux et ne connaissait absolument rien des techniques d’illusions des Sept Profondes Vallées.
« Il y a deux écoles offensives dans la Faction du Mirage, l’occultisme et les illusions. Zi Ling qui a combattu juste avant est de la première, tandis que Bi Tinghua appartient à la seconde. Les illusions peuvent détruire l’âme de celui qui s’y laisse piéger. Mais ce Lin Ming semble aussi en connaître un rayon sur les attaques psychiques, c’est pour ça que ça dure. À ce sujet, ce n’est pas parce qu’ils ne bougent pas qu’il ne se passe rien, au contraire même, ce genre de bataille est particulièrement risqué ; une seule erreur et tu finis taré pour le restant de tes jours ! »
« Tu parles d’un combat, je ne vois rien. Quel est l’intérêt ? » s’emporta alors l’artiste martial qui ne cessait d’émettre des critiques avant de se lever et de partir précipitamment. Il s’était fait éliminer un peu plus tôt. Qui était fort, qui était faible, qui gagnerait ou qui perdrait, dorénavant il s’en moquait.
Évidemment, tout le monde ne réagissait pas comme lui et beaucoup de gens venaient simplement pour le spectacle. Le public comptait de nombreux disciples de la Faction du Mirage, et notamment plusieurs experts de l’école des illusions. Eux étaient précisément venus assister à cette confrontation entre deux génies de la force d’âme.
Même s’il ne pouvait pas être considéré comme le plus fort des disciples de la jeune génération de la Faction du Mirage, Bi Tinghua n’en était pas moins très doué pour les illusions. En la matière, il se trouvait sans doute parmi les meilleurs de ses pairs.
La bataille de force d’âme entre Lin Ming et lui représentait tout simplement le duel acharné entre Lin Ming et le plus puissant des jeunes psykers de la secte. Si Bi Tinghua venait à perdre, cela signifierait tout simplement que personne au sein de la jeune génération des Sept Profondes Vallées ne pouvait rivaliser avec le haut niveau de maîtrise de force d’âme de Lin Ming.
Il en allait de la fierté de la Faction du Mirage toute entière. Cette défaite serait un tel déshonneur qu’ils ne s’en remettraient jamais.
Comment quelqu’un qui possédait les meilleures méthodes d’entraînement, qui apprenait auprès des plus grands maîtres, qui se nourrissait de nourriture spirituelle depuis son plus jeune âge et qui disposait d’une variété sans fin de ressources pouvait-il perdre face à un illustre inconnu originaire d’un pays de cul-terreux ? C’était tout bonnement intolérable !